- Yare, Yare, fait sa voix qui se veut grave malgré son âge et sa petite corpulence. Ses longs cheveux d'un brun plutôt foncé, cachent son visage comme un rideau le ferait d'une dame en pâmoison, lors de sa douche. A dires vrai, sa voix est surtout fêlée, abimée, presque écorchée. Son regard est illuminé, presque comme une mèche courte accrochée à un bâton de dynamite, du TNT. L'explosion est proche, tandis qu'il a repéré sa cible, se faufilant, tout de noir vêtu, à travers la foule compacte, tandis que son ennemi, lui, n'est pas encore conscient du danger qui plane déjà sur lui, comme une épée de Damoclès. Sa bouche vermeil, fine et pâle, se fend d'un sourire carnassier de prédateur ayant trouvé sa prochaine proie. Il a une soif de vengeance à étancher, une haine qui se voit sur son visage fermé. Ses yeux, deux point d'ambre qui changent de couleur quand il utilise son pouvoir, pour devenir bleus océans, sont plein d'une morgue qui ne souffre d'aucune contradiction, d'aucune contrainte, de son potentiel pleinement présent, tandis que son long manteau noir et rouge, aux motifs inquiétants, le suit dans son aventure.

De lourdes bottes aux pieds, il ne se laisse pourtant pas distancer. Son mètre soixante huit ne tranche pas trop, ni sa silhouette svelte et musclée malgré tout. Il n'y a que cette peau blafarde, pour alerter sur sa provenance du nord de l'état nippon. Il n'y a que son parlé un peu tranchant, pour éclairer sur ses origines, et toutes les épreuves qu'il a vécut jusqu'à lors. Il grimpe en hauteur, habilement et facilement, comme s'il en a l'habitude. Ce qui n'est pas faux. Ses mains couvertes de mitaines qui sont là pour faciliter l’ascension, sont deux instruments de plus vers sa réussite.

Réussir, c'est d'abords entreprendre.
Tuer ou être tué, une réalité.

Son visage, est plutôt commun. Sans être disgracieux il n'a rien d'anormal ou de remarquable. Deux yeux légèrement bridés, signe d'un métissage dont il n''est pas au courant, ses origines restent un mystère, tout comme les causes de cette moue de haine qu'il trimballe sur son visage. Il est devenu adulte sans perdre certaines rondeurs, sans les méplats qui font la vieillesse. Pas ridé, pas de cicatrices, rien qu'une peau douce et laiteuse, qui tranche avec ses cheveux et sa tenue sobre, mais surtout pratique.

Cela fait longtemps qu'il a posé l'uniforme de l'école d'exorcisme, et qu'il roule sa bosse dans le monde des fléaux.

Il ne s'arrêtera probablement qu'à sa mort, ou le problème de ses monstruosités pleinement réglé.  

On dit que le calme précède la tempête. Je dirais moi, que je suis la tempête.

Exorciste depuis la première heure, Shura ne recule devant aucun sacrifice pour servir la cause. Pour lui, seul le but compte, pas la manière. La manière c’est pour ceux qui ont le luxe du temps, de l’argent et du pouvoir. Lui n’a aucun des trois. Il faut réformer le monde dans son intégralité, lutter contre les inégalités, abolir certaines pratiques, ne pas faire semblant et avoir la main lourde. Pas de négociations, pas de prisonniers, pas de pitié. Rien d’autre que de la haine envers ce mouvement pourris, et tous ceux qui se mettent à son service. Pour lui il n’y a pas plus de deux catégories de personne, ceux qui sont avec lui, et ses ennemis.  

Ses ennemis, il leur réserve un sort atroce, parfois pire que la mort, parfois pire que ce qu’on lui a fait subir. Et après ? Il sait qu’il n’a pas le monopole de la souffrance et de la peine, mais la sienne l’a conduit à être impitoyable, réfléchis, et surtout, déterminé comme jamais. Une volonté de fer dans un gant de pierre, voilà qui est Aqua. Une personnalité inflexible, un leitmotiv inaliénable, car juste. En tout cas, il en va de sa conception de la justice :  Œil pour œil, dent pour dent.

La faute est humaine, le pardon, divin. Et il ne se targue pas d’être autre chose qu’un exorciste, pas comme certains qui jouent aux dieux et dont il devra peut être s’occuper un jour. D’ici là, il a du chemin à faire. Il se sait encore trop faible pour aller taquiner les grands pouvoirs en place, réaliste, il est un rouage de l’engrenage, un simple exorciste dévoué corps et âme à faire payer tengen et les fléaux, et tout leur chiens fidèles et dégénérés. Espérer servir le bien commun, alors qu’on assassine et qu’on tue, tout ça pour quelques pulsions de plus. Vraiment ? Son esprit hautement explosif bouillonne rien qu’à penser que certains dorment sur leur deux oreilles après leur méfaits, ont des femmes et des enfants à embrasser le soir, et des choses à perdre. Lui n’a plus rien.

Lui n’a plus que la vengeance, la vendetta, la violence et la déraison.

Et peut être un peu de boissons, de clopes, et de nourriture à mettre sur sa table, dans sa bouche et direct dans le sang. Il aime bien vivre, après tout. Car qui côtoient la mort vit mieux que la plupart de ceux qui n'ont jamais rien connu d'autre que la facilité, et la douceur.

*


La famille d'exorciste Asakura est modeste, mais c'est mon nom, moi qui la défends maintenant seul, je l'aime autant que je la déteste. Ils étaient trop faibles pour se protéger, comment voulaient-ils m'éviter un sort funeste ? Un jour, un groupe de maître de fleaux, qui n'avaient pas digérés une descente sur leur repaires, vinrent à se venger de ma famille ... Le premier truc dont je me souviens ? Une giclée de sang chaud sur mon visage. Le sang appartient à ma mère, et il me brûle les yeux, m'épargnant de voir la suite du massacre. Je crie. Je pleure. Je supplie. Des grandes silhouette s'approchent de moi, me pointent du doigt, et semble en grande conversation. J'ai quatre ans, ou quelque chose comme ça. Plus tard, j'apprendrai qu'ils font partie d'un culte bizarre et sans foi ni loi. Que mes parents sont des dommages collatéraux... Ont-ils des scrupules ? Qui sont-ils ? Pourquoi nous avoir attaqué, et sauvagement assassiné toute la famille ? Toutes ses questions me sont venues après coup, longtemps après coup même. D'abords, mon instinct de survie se mit en route ; S'ils voulaient me tuer, je serais une bête féroce, et je leur ferai payer chaque blessures, chaque morts. Une main s'approche pour me secouer, et je la mord sans une once d'hésitation, je me débat, et il lâche sa prise sur moi. Je montre les dents.

- Je l'aime bien celui-là, me semble-t-il entendre, il a du caractère. Fit-il avec un ton goguenard. Atil, chope le   et enferme le avec les autres gosses ! On va voir ce qu'il vaut sur le marché noire de TOkyo... Et un géant, une créature sorti de mon angle mort se joue de moi et de mes intentions, m'emportant comme un sac à patate. Et c'est comme ça que j'appris très jeune que la loi du plus fort, et la seule qui prévaut. Que le faible se fera toujours manger par le plus puissant, qu'il soit riche ou bien violent ... Il n'y a que la force qui compte. Rien d'autre.

C'est là qu'il apparut. L'homme. Un ami de la famille ? Un exorciste de passage ? Que ce soit voulu, ou bien une simple coïncidence, cela m'importe peu à l'époque. Tout ce que je sais de lui, c'est qu'il m'a sauvé, exterminant les trois hommes qui ont assassiné mes parents, mes oncles et mes tantes, leurs enfants ... Tous massacrés sur l'autel de la violence et des pourritures. C'est marrant, mais plus j'essaye de me rappeler son visage, moins je le vois.



Derrière chaque bourreau, il y'a souvent une victime de la violence. Derrière chaque tortionnaire, la peur d'être blessé à nouveau. Derrière le criminel, un sentiment d'insécurité, et un besoin de vendetta. En tout cas, c'est mon cas. J'ai peur de retourner à cette époque, dans ce manoir, avec cet homme. Froid comme une pierre. C'est tout ce que je sais de lui. Il m'a élevé, et pourtant, je ne saurai reconnaître sa voix avec certitude. C'est pourtant tout ce qui me reste de lui, sa voix qui claque dans un coin de la pièce, dans l'ombre d'une mémoire voilée, tel une araignée tissant la toile de ma destinée.

Il m'apprit à me servir de l'énergie occulte, à me battre, a vivre aussi , mais un jours, tout s'arrêta. Après les révélations sur le monde, et le milieu de l'exorcisme, vint le vide et l'indifférence.

Je me souviens de ces phrases qu'il articulait bien, avec le verbe haut : Tu ne dois pas montrer ta peur, la peur est un frein, pas un moteur ! Le courage ne vient jamais sans la peur, tu dois la domestiquer, et en faire ton instrument.  Il faut la faire naître dans le cœur de tes ennemis, qu'ils pensent à toi chaque soir avant d'aller se coucher, qu'ils tressaillent à chaque fois qu'une porte claque. Qu'on chuchote ton nom, et qu'on en tremble rien qu'à son énonciation. Le jour ou tu deviendra le cauchemars récurent de tes ennemis, alors tu reviendras me trouver, et je te donnerai ma dernière leçon ...." C'est le dernier discours de l'homme de l'ombre, avant qu'il m'intime l'ordre de partir. J'avais quinze ans, et il me laissa là, en plan. Je le maudissais à cette époque.

Mais c'est la meilleure chose qu'il eut pu faire pour moi.

...

Je ne me souviens pas de qui, mais je me souviens de ses enseignements, et certains souvenirs affluent comme la marée, ou une mousson subite quand je passe dans les rues adjacentes qui bordent l'hyper centre des grandes villes. Je commence en bas de l'échelle, mais mon mentor disait toujours qu'on ne "pouvait pas comprendre quelque chose sans l'avoir vécu au préalable". L’expérience à la dure quoi, il ne me laissait vraiment aucune porte de sortie, rien. Un petit pécule et une dague cachée dans ma botte, j'avais au moins des vêtements propres, en bon état et de bonne facture, pour le moment. J'attire la merde, et même moi j'le vois. On a envie de m'éclabousser, que je me plonge dans la fange et que je m'y plaise, mais j'ai qu'une seule idée en tête... Monter tout en haut, et détruire ces fléaux qui gangrèneraient la ville et le monde ... Je ne me souvenais pas de grand chose, mais mon père adoptif, bien que je sois en colère contre lui, m'avait donné beaucoup d'information sur l'attaque de mes parents, quand j'ai été en âge de comprendre. Et je le savais bien informé, car il semblait dans tout les coups fourrés, et de toutes les transactions qui se passaient dans le coin. J'avais déjà surpris des discutions, et le défilé des petites mains et des grandes oreilles, qui passaient dans son bureau. J'avais même entendu parler de cette histoire, il y'a plus de dix ans à l'époque, celle de ma famille.

Et elle n'avait pas été toute rose... Qui vit par l'épée, meurt par l'épée. Et qui vit honnêtement, peut mourir indignement, sans témoins ni grandeur, sombrant dans l'oubli. Noire est la nuit, sombres sont les intentions, noire est notre monde, sombre sont nos histoires passées.

Pas de gloire pour qui ne la cherche, ni ne l'attire.

...

Tout ce qui brille n'est pas d'or, mais on oublie souvent que la merde, peut cacher le plus beau des trésors. C'est dans les bas fonds et les milieux populaires de Tokyo que j'ai trouvé le mien. Je m'épanouissais dans la crasse veule, et me vautrait dans une débauche, alimentée par mes talents de pugiliste et mes pouvoirs. J'ai trouvé le "millieu de l'exorcisme", ou plutôt, c'est lui qui m'a trouvé. Une erreur, castagner un mec louche dans un bar obscur de la ville. Il était revenu avec ses potes, des maîtres des fléaux, et il était reparti sans. Lui, déjà bien amoché de la veille, c'était un membre d'un groupuscule. Pas le plus malin, ni le mieux intentionné.

On me repéra alors, et bientôt ...

J'entrais par la petite porte dans une école et une organisation que je ne quitterai jamais. De fil en aiguille, je devins un exorciste, un jeune loup qui travaillait en meute. A force d'avoir le dessus sur mes adversaires, on se dit que je pouvais faire l'affaire.

La plupart s'efforcent de se cacher de ses vérités qui dérangent, pour mieux se voiler dans le mensonge et la vacuité.

Nous, on sait depuis le début ce qu'implique de vivre comme cela, et on abuse peut être parfois des bonnes choses, mais comme un homme averti en vaut deux, cela me semble de la plus pure logique.