L'école de Tokyo était le lieu de résidence habituel de l'hôte du ver des abysses. C'était pour deux très bonnes raisons : numéro une, la thune. S'il donnait une petite pension au directeur, étant donné qu'il restait bien plus longtemps que la plupart des exorcistes diplômés qui, eux, ne restaient en général que quelques jours pour des raisons diverses et variées, la somme était clairement bien loin des loyers de la capitale du pays du soleil levant. Et de l'argent, Toshiyuki n'en avait pas non plus des tonnes, surtout quand on prenait en compte l'achat de ses multiples tenues européennes au cachet si distinguées mais aux nombres de zéros sur les factures bien plus nombreux qu'on pourrait le croire. La seconde raison, bien moins drôle, était le fait que la demeure familiale de son clan n'était pas vraiment l'endroit où il souhaitait faire de vieux os.

De toute manière, étant la brebis galeuse des Umino, que dis-je le vilain petit canard, ses propres semblables n'étaient eux-mêmes pas forcément très enjoués de le voir débarquer dans le manoir familial. Pour eux, Toshiyuki n'était rien de plus qu'une erreur de parcours, et une erreur ayant embarqué avec lui l'équivalent d'une partie de l'histoire des manipulateurs de fléaux. Clairement, quand il marchait dans les couloirs de l'immense bâtisse aux sombres secrets, les regards qu'il subissait n'étaient pas des plus agréables.

Mais cette fois-ci, l'exorciste passa néanmoins quelques jours sur le terrain de l'ennemi, dans ce manoir qui ne lui rappelait que de mauvais souvenirs. Pas vraiment pour lui, encore moins pour son père, Chef du clan de son état, dont il esquivait une potentielle rencontre, mais pour sa Génitrice. Sa mère était clairement la seule personne à l'apprécier, et c'était tout-à-fait réciproque. Ainsi, il passait parfois quelques jours avec elle, histoire de la rassurer quant à son état et à ses missions, et pour lui aussi un peu se détendre et s'offrir une pause du monde occulte. Pause qui malheureusement ne dura pas, vu qu'à la sortie même de ce week-end de repos, une assistante était déjà prêt à le cueillir sur le palier même de la demeure familiale.


Ces mots furent lâchés dans un flegme presque royal par un Toshiyuki soûlé, soupirant désespérément face à la jeune fille qui tenait entre ses bras un dossier, avant de lui tendre. Elle-même semblait sortir d'un week-end agréable mais sortie de force par des hautes-sphères la ramenant au monde réel, au vu d'une paire de lunettes fantaisistes qu'elle semblait avoir oubliée d'enlever. Cette vision eut le mérite au moins de faire rire l'exorciste et de le dérider un peu, avant d'attraper le paquet de papiers pour le lire, adossé au grillage du manoir.

Un vieil hôtel et un propriétaire qui cherchait à le détruire pour reconstruire, voilà une enquête qui ressemblait à un épisode de scooby-doo. Il s'attendait presque à devoir courir dix minutes dans un couloir aux multiples portes menant à d'autres couloirs, d'autres portes, jusqu'à en perdre la tête. Son partenaire pour cette mission, lui, était déjà plus curieux : c'était un jeune élève de première année. Toshiyuki connaissait très vite fait les différents élèves. Pas vraiment parce qu'il les a rencontrés attention, mais simplement qu'en vivant à l'école, l'homme les avait forcément déjà vu de loin, ou entendu des choses sur eux de la part des professeurs ou du directeur.

Dans le cas de celui-là, il marqua Toshiyuki un peu plus de part sa particularité. Il ne générait que très peu d'énergie occulte, et tout ça à cause (ou grâce) d'un serment inné qui lui prodiguait en échange des capacités physiques supérieures, et sans réel coût, à la différence de nous autres qui utilisions notre énergie occulte comme d'un carburant pour nous renforcer. Mais si nous risquions une panne, lui, ce n'était pas le cas. Intéressant ! Ces derniers étaient rares, et c'était bien la première fois que je réalisai une mission avec un gars comme ça.

Ni une, ni deux, le voilà ainsi dans la voiture de l'assistante, en direction de la gare la plus proche. Durant le trajet, il repassa les différentes informations dans sa tête, réfléchissant à l'art et la manière de gérer cette situation. C'était compliqué, vu qu'aucune réelle information n'était donnée quant à la nature du fléau à l'origine du bordel, si c'en était bien un. Ça pouvait être n'importe quoi, même si ceux ayant décidés de cette mission estimaient la menace assez haute pour être liée à un fléau de classe 1.

Quelques heures plus tard, le voilà proche de l'endroit à l'origine de son déplacement. Selon le document, il devait rencontrer son jeune partenaire de mission près d'une superette. Et c'est en effet là qu'il vit le jeune garçon, adossé à un mur, occupé à déguster une glace à l'eau en l'attendant. Heureusement que l'accoutrement de l'école permettait une reconnaissance plus aisée, l'exorciste n'ayant clairement plus aucune idée d'à quoi il ressemblait. De son côté, il était tout aussi aisé de voir que Toshiyuki était un manieur d'énergie occulte, ou plutôt qu'il n'était pas comme la masse : sa tenue était composé d'un espèce de manteau blanc, presque semblable à une robe cérémonielle, aux fines manches et à la ceinture formée d'une corde tressée. S'il portait d'habitude une cape de la même couleur, cette dernière était restée pour une fois chez lui. Enfin, dans sa chambre, son squat, à l'école.


L'hôte du ver des abysses était, comme à son habitude, rayonnant. Un grand sourire sur le visage, une mine heureuse, Toshiyuki ressemblait à cet ami qui prenait toujours tout du bon côté même quand un malheur cherchait à lui pourrir la vie. Cet ami qui en devenait presque énervant, dans un sens. C'était toujours comme ça qu'était l'exorciste, tentant du mieux qu'il le pouvait d'outre-passer cette situation de devoir jouer sa vie face à des créatures occultes en y opposant une bonne humeur et un positivisme légèrement exagéré. D'ailleurs ces mots furent accompagnés d'une poignée de main forcée, l'homme attrapant la main libre de Tokei pour la secouer de manière presque parodique.


Oui, c'était un peu une interrogation. Bon, il n'était pas professeur, mais c'était aussi une bonne manière de voir un peu comment il allait réagir et sa manière de voir les choses. Une bonne méthode pour mieux travailler ensemble !