Izumi est une jeune adulte d’une vingtaine d’années au physique particulièrement imposant pour une femme japonaise. Si sa taille avoisine la moyenne masculine du japon, c’est avant tout sa musculature développée qui peut surprendre. Ses amis aimaient dire son corps taillé pour la baston, et la délinquante s’empressait en général toujours de le prouver. En dépit de ses très nombreuses bagarres, elle n’arbore ni ne cache aucune cicatrice, à l’exception de celle infligée par les exorcistes qui tentèrent de la capturer le jour où elle découvrit ses pouvoirs: une vilaine estafilade en diagonale qui parcourt son abdomen d’un côté à l’autre.

En dépit de ce corps guerrier, les traits de son visage rond restent relativement doux et féminins, quand elle ne s’efforce pas de les tordre pour paraître plus menaçante, ce qui est rarissime. Ses yeux marrons sont ainsi capables, de la même façon, de renvoyer un éclat d’une grande amabilité, mais elle préfère habituellement refléter un regard dont le spectre s’étend de l’ennui à la fureur. Surplombant ces traits se trouve une coupe mi-longue noire aux pointes mauves qu’Izumi jure naturelles.

Si la jeune fille a conservé de la vie de gang de très nombreux aspects, le principal est certainement la garde-robe excentrique qu’elle s’est constituée dès son arrivée à Kyoto. Difficile de lui attribuer un style en particulier, mais elle a pour habitude de jouer sur les extrêmes, alternant coup à coup entre des tenues très minimalistes et des vêtements très amples. Quoi qu’il arrive, elle tente toujours d’arborer une touche de mauve afin d’aller de paire avec sa chevelure.

Izumi a grandi avec la certitude d’être la plus forte, et cette conviction s’est retrouvée en l’espace d’une seule heure confortée au-delà de ce qu’elle croyait possible, puis annihilée l’instant d’après. La délinquante est un être de pur égo, pour qui la violence est un outil non seulement disponible, mais bien souvent privilégié. On lui a appris très tôt que les faibles devraient craindre les forts, et ceux qui l’ont accueillie à la suite de son exil forcé à Kyoto ont peu fait pour changer sa vision du monde, bien au contraire.

Elle n’adhère pas totalement aux convictions de l’Ordre Occulte, mais se force un peu plus chaque jour à y croire dur comme fer, sans quoi elle serait forcé d’admettre qu’elle les a rejoint par peur des exorcistes, et il est inacceptable pour Izumi de s’avouer une telle chose. Alors elle recouvre ses inquiétudes d’une haine surfaite, voire carrément inventée, pour les humains normaux. Le seul bouclier qui se dresse entre elle et le fanatisme s’avère être sa fierté, qui lui permet à son sens de différer légèrement de la doctrine de l’Ordre sans trop s’en vouloir et de conserver un peu d’indépendance, quand bien même cette dernière s'amenuise de jour en jour.

Si elle adhère donc plus en mots qu’en actes aux préceptes de sa nouvelle organisation, elle voue en revanche une loyauté indéfectible à ses sauveurs, même si elle tâche toujours de contester un minimum les ordres par principe. A chaque instant de sa vie se confrontent l’Izumi intérieure, apeurée et enragée par le fait que le reste de sa vie se soit décidé sur une perte de contrôle dans une ruelle miteuse, et celle que voit le reste du monde, fière et téméraire.

“Avance. Avance. Avance. Avance.”

Izumi s’arrête net dans sa course, pliée en deux. L’air lui manque, son esprit est embrumé et son cœur menace de sortir de sa poitrine. Tout allait bien il y a encore 3 heures. Tout allait bien avant que ces connards de prétendus Yakuza se pointent dans son quartier. Avant que leur connard de chef pense malin de sortir des armes pour se venger de la raclée qu’une fille lui avait collée.

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Elle en avait pourtant connu dans sa courte carrière de délinquante, des imbéciles à l’égo fragile. Des idiots capables, par rancœur et jalousie, de venir défier l’étoile montante des furyos d’Osaka. A bien y réfléchir, c’était d’autant plus con que la sous-culture était déjà sous perfusion dans tout le Japon, alors pourquoi diable aller risquer sa vie, ou de façon plus probable son cartilage nasal, pour si peu ? Izumi ignorait la réponse, mais elle avait défiguré plus d’un fou furieux visiblement certain de l’avoir trouvé.

Celui qui s’était présenté à elle en ce début de soirée ne sortait, a priori, pas de l’ordinaire. Tatoué de la tête aux pieds et taillé comme un bœuf, la racaille s’était présentée seule devant Izumi et son gang, perchés en demi cercles sur leurs motos customisées. Le colosse voulait un duel, mais la suprématie physique de la demoiselle, pourtant difficilement évidente à vue d'œil, avait bien vite transformé l’affrontement en tabassage en règle. La délinquante avait fait payer au challenger le prix habituel, à savoir quelques côtes cassées, un visage ensanglanté et une liasse de billets en moins dans son portefeuille, avant de le renvoyer dans le trou d’où il était venu. Ces histoires s’arrêtaient généralement là, mais il arrivait que le mauvais perdant revienne avec toute son équipe, auquel cas Izumi laissait généralement à ses gars l’occasion de s’amuser un peu, eux aussi. Le forcené du jour avait visiblement une autre idée de l’honneur.

Le gang d’Izumi avait initialement souri en entendant le bruit des bécanes qui s'approchaient. Aucun des hommes dont elle s’entourait ne craignait de s'abîmer les phalanges ou d'abîmer sa batte. Tous comprirent cependant bien vite que quelque chose clochait. Le vacarme était trop étouffant, trop massif, et les craintes naissantes de la douzaine de délinquants furent bien vite confirmées lorsqu’ils virent débouler une quarantaine de leurs semblables. Une quarantaine d’hommes, tous armés à minima de battes, sinon de couteaux. Il était rarissime pour les gangs de motards d’utiliser des lames, et toute transgression de ce code d’honneur tacite était généralement sévèrement punie a posteriori, mais encore fallait-il trouver un moyen de survivre à la confrontation du jour.

Izumi se sentit déglutir difficilement alors que son ouïe et sa vision se troublaient. Sa respiration ralentit, et elle était soudain douloureusement conscience de la lourdeur de ses membres. Pour la première fois de sa vie, elle avait peur. Les questions fusaient presque plus vite qu’elles ne pouvaient s’articuler dans l’esprit de la délinquante, mais elle ne parvenait, quoi qu’elle se dise, à une seule et même conclusion: ils devaient combattre pour s’en sortir. Les issues demeuraient bloquées, les ennemis étaient légion et surarmés, mais chacun des siens croyait encore en elle. L’air grave, elle leva le bras droit au-dessus de sa tête, avant de le descendre en direction des cibles. Les motos rugirent, s’élançant en avant pour rompre le siège, et alors seulement s’ouvrirent les portes des enfers.

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Le bruit, le sang et la fureur. C’est tout ce dont Izumi se souvenait. Le premier refusait de sortir de ses oreilles, le second recouvrait son corps et la dernière était toujours fermement ancrée dans son esprit. Du reste, il ne lui restait que des flashs aux teintes écarlates qui venaient, un à un, confirmer ce qu’elle craignait en regardant ses phalanges blessées. D'aussi loin qu'elle s'en souvienne, Izumi avait toujours frappé plus fort que les autres. Elle avait écrit sa légende par la violence, et tous les délinquants d'Osaka avaient entendu parler, au moins une fois, des prouesses de la jeune fille. Certains prétendaient même avoir observé son corps tout entier produire de la fumée au cours des plus froids jours d'hiver, mais jamais elle n'avait semblée aussi déchaînée et inhumaine.

Comme un animal acculé, la délinquante avait vu rouge et transféré les teintes carmines qui avaient envahi son esprit à la réalité. Izumi avait fait du lieu qui avait été la tombe des siens sa toile et de ses poings ses pinceaux. Tous réticents étaient-ils, les gangsters qui pensaient il y a un instant avoir gagné furent bien forcés de donner de leur sang pour contribuer à l'œuvre. Le dernier d’entre eux avait déjà rendu son dernier soupir depuis plusieurs minutes lorsqu’Izumi, agenouillée au-dessus de son corps sans vie, cessa de frapper. A dire vrai, ses coups répétés avaient déjà depuis longtemps dispersé les restes de son crâne aux quatres vents, tant et si bien qu’elle avait passé quelques instants à marteler le béton qui se trouvait à la base derrière la tête de sa cible.

Soudain, et aussi vite qu’elle avait fuit, la conscience d’Izumi revint. Ses yeux vitreux retrouvèrent leur éclat de vie et son regard fut immédiatement accueilli par un festival d’organes éparpillés aux quatre vents et d’os fracturés. Sans parler du sang. Le jeune fille crut un instant être en enfer, mais non, elle était bien vivante. Autour d'elle grouillaient de multiples ombres et créatures toutes plus difformes les unes que les autres. Izumi en voyait depuis petite, mais avait appris à les éviter, comprenant avec l'expérience qu'elles semblaient s'agglomérer sur les lieux de deuil et de tragédies. Étant la seule à pouvoir les observer, elle avait finit par les considérer comme des créations de son esprit, des mirages à ne pas provoquer sous peine de devoir se salir les mains.

Elle se releva lentement en entendant des pas s’approcher d’elle. Les nouveaux venus pataugeaient dans le sang, mais ne semblaient pas franchement s’en émouvoir. Ils étaient deux, et le premier se mit immédiatement en garde, faisant naître en Izumi une rage indicible. Qu’est-ce qu’ils avaient tous aujourd’hui ? La délinquante ressera les poings alors qu’une grimace haineuse naissait sur son visage.

“Vous en voulez aussi c’est ça ? Amenez vous, j’vais vous défoncer.”

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Son souffle revenu, Izumi se redresse de tout son long. Elle n’avait jamais eu à fuir comme elle l’avait fait, mais ces deux-là lui avaient cassé la gueule. Chaque coup de ces “exorcistes”, au-delà de leur force brute, lui avait laissé une impression mortifère, comme si ces gars frappaient son âme en même temps que son corps. A bien y repenser, c'était très similaire à ce qu’elle avait senti dans ses propres poings lorsqu’elle avait massacré les gangsters.

De ce qu’Izumi en avait compris avant qu’elle n’ait à se barrer la queue entre les jambes, ces types étaient là pour la tuer, ou au moins pour la capturer. La culpabilité qui l’avait habitée était progressivement remplacée par une colère sourde, née d’un mélange de mauvaise foi et de dégoût. Comment des gars aussi balaises qu’elle pouvaient s’émouvoir de la mort d’une quarantaine d’imbéciles imbus d’eux même ? Putain c’était même eux qui avaient attaqué Izumi en premier, alors pourquoi c’était elle que les “exorcistes” étaient venu faire chier.

La délinquante chasse ces questionnements de son esprit. Elle aura tout de temps d’y réfléchir plus tard. Pour l’heure, il fallait quitter Osaka. S’éloigner le plus possible de la scène de crime. Elle doutait que les exorcistes retiennent leurs coups la prochaine fois.

Izumi visait à l'origine à se perdre dans la capitale niponne, mais fut interceptée par le même duo d'exorcistes à Kyoto. Là encore, elle n'avait pensé qu'à fuir, mais ses poursuivants étaient mieux préparés que la dernière fois. Réalisant qu'il pourrait s'agir de son dernier combat, la jeune fille s'était mise en garde, prête à affronter la fin, avant d'être secourue in-extremis par d'autres individus qu'elle ne connaissait pas. Leur présence suffit à faire fuir les exorcistes, et ils lui proposèrent de rejoidnre leur "Ordre Occulte". Izumi n'avait pas compris grand chose à leur offre, si ce n'est qu'elle serait en sécurité et qu'elle aurait l'occasion d'en apprendre plus sur elle même, et c'était bien suffisant à ses yeux.