Kenshin ne connaît pas l’individu et ne s’est pas renseigné, ce qui pourrait contraster avec son tempérament pragmatique le poussant toujours à avoir un coup d’avance. Néanmoins lorsqu’il s’agit de ses collègues, Kenshin aime se faire une impression dénuée d’influences extérieures. La première impression est fondamentale et il ne voudrait pas la gâcher.

Ce qui est certain, c’est qu’il ne passe pas inaperçu. Ce masque étrange dont il devine une motivation toute autre qu’une simple volonté de dissimulation ne manque pas d’attirer son intérêt, bien qu’il n’en dise rien. Si Hanzo ne juge pas bon d’en parler de lui-même, Kenshin ne compte pas l’embarrasser de ses interrogations intrusives. Lui-même exècre les questions personnelles. Le cocon dans lequel il est reclus n’a pas de serrure.

Pourtant, les yeux vairons du balafré ne manquent pas de sonder son acolyte. Un regard pénétrant et insondable sans reflet ni émoi. Kenshin a pour habitude de mettre les autres mal à l’aise de par ses manières quelque peu troublantes au vu du stoïcisme qu’il arbore perpétuellement, mais Hanzo ne semble pas déstabilisé. Tant mieux, la coopération n’en sera que plus aisée. Rien à voir avec cette ahurie d’Ibara ou l’indiscrétion maladive d’Azra.

“ Nous ferons le nécessaire. “

Pas la moindre appréhension, encore moins de doutes. Kenshin n’est pas optimiste de nature, l’exorciste est simplement conscient de ses capacités et se voit conforté par la confiance que lui inspire son collègue de prime abord. Lorsqu’il a affaire à un idiot, Kenshin est parfaitement capable de s’en détacher pour exécuter une mission seul en allant à l’encontre des ordres. Seuls comptent les résultats. Depuis cette mission sur Shikoku, Kenshin est d’autant plus pragmatique et impitoyable qu’avant.

“ Ça n’arrivera pas… je doute que ce gosse soit prompt à rester avec ses tortionnaires. D’autant plus s’il rencontre ses semblables. “

Kenshin compte bien le mettre en confiance. Pour ce qui est des parents, advienne que pourra. Tuer ne le dérange pas, plus maintenant. Peut-être même pourront-ils être un obstacle futur s’ils tentent de rechercher leur gosse une fois celui-ci soustrait à leur autorité. Pour autant, le balafré n’est pas certain de la marche à suivre. Ce n’est pas le plus important et les minutes filent.

[ … ]
Si la confrontation pourrait sembler inévitable, Kenshin a plus d’une idée pour l’éviter, notamment en se contentant de les contourner pour grimper les étages depuis un mur à l’abri des regards. Nul besoin néanmoins, un hourvari inopiné appâte leurs potentiels interlocuteurs plus loin. S’il pense à un simple coup du destin, Kenshin n’exclut pas qu’il s’agisse d’un coup d’Hanzo… surtout au vu de ce qu’il s’apprête à voir.

“ … “

Franchissant la porte, il s’immobilise lorsqu’il constate l’apparition d’un troisième acteur sur la scène de leur pièce improvisée. Qu’est-ce donc que cela ? Kenshin n’a jamais rien vu de pareil. Un shikigami au visage humain ? Une manifestation de son esprit ? Voilà qui s’avère bien messéant ou du moins stupéfiant. Bien des interrogations viennent poindre en son esprit, mais il n’en formule aucune.

“ … Salut. “

Une réaction stoïque qui lui sied bien. Kenshin va devoir s’y faire, ça ne peut être qu’un avantage considérable pour les accompagner dans leur tâche. Ce n’est pas comme s’il pouvait se permettre de cataloguer le sort de qui que ce soit. Le sien s’avère bien moins raffiné.

Gravissant les marches deux par deux -une habitude dont il est indissociable- Kenshin reste sur le qui-vive. S’il ne s’attend pas à la moindre confrontation dans les couloirs, il vaut mieux déjà se préparer à ce qui va suivre. Tout va se jouer rapidement et la situation pourrait dégénérer en un simple battement de cil. Encore faut-il trouver leur fléau.

“ Il va falloir trouver ce qu’on cherche. La famille est composée de quatre membres… dont un gosse qu’ils renient. “

Selon l’ordre de mission, il y a donc le père, la mère et une grande sœur. Ces trois noms devraient logiquement être indiqués sur la porte.

“ Je ne sens aucun résidus d’énergie occulte, je doute que le fléau soit jamais sorti de leur appartement. Cherchons une porte affublée d’au moins trois noms comme point de départ. “

Bien sûr, Kenshin est ouvert à toute proposition ou prise d’initiative de son collègue, qu’il espère au moins dégourdi. S’il est habitué au rôle de leader, cela ne pourrait pas faire de mal d’être pour une fois sur un pied d’égalité avec l’un de ses acolytes. Kenshin n’a jamais jugé être supérieur à qui que ce soit.

Longeant les murs en les effleurant du bout des doigts, l’exorciste parcourt des yeux les noms des résidents. Plusieurs pourraient y correspondre, mais aucun n’éveille véritablement son intérêt. Les quelques locataires qu’il croise ne collent pas à la description faite de la famille, bien qu’il n’ait aucun portrait à portée de main. Kenshin cherche une famille subissant probablement les affres de leur propre haine sans être certain de pouvoir les trouver au premier coup d'œil. Une idée lui vient bien en tête cependant.

“ Nous pourrions déclencher l’alarme incendie. S’ils sortent avec le gosse, nul doute qu’il sera rapidement identifiable… et ceux qui ne sortent pas nous apparaîtront immédiatement suspects. “

Il se fige, tourné vers Hanzo, attendant son approbation ou toute autre parole de sa part. Bien sûr, ce n’est pas la seule idée qui lui traverse l’esprit.

“ Ou alors, nous pourrions demander à un voisin de nous indiquer la famille en question. Le problème étant qu’ils seront donc témoins de notre passage et je doute que ce que nous nous apprêtons à faire ne reste hors de connaissance des habitants. Ton sort pourrait aussi nous aider si tu lui demandes de s’introduire dans les appartements. “

Propose-t-il d’une traite, exposant sans attendre les premières idées lui étant venues à l’esprit. S’il ne peut se vanter qu’elles soient toutes bonnes, Kenshin est au moins doué lorsqu’il s’agit de cogiter.

Le jugement d’un individu résulte de ses expériences. Kenshin n’en manque pas, surtout depuis ces derniers mois ou tout s’est hâté. Les événements récents ayant été mis sur sa route se sont avérés forts de leçons et de nouvelles perspectives pour lui, Kenshin y ayant été plus actif que lors des trois dernières années. Entre la capture des jumeaux, le sauvetage de Toru et surtout le saccage du hameau… Kenshin ne craint plus grand chose. Plus encore, l’exorciste sait qu’une personne saisira toujours une opportunité de sortir de la tourmente dans laquelle elle est prise au piège. Seule dépend la manière de s’y prendre. Cette jeune femme sauvée au village lui revient spécifiquement, elle qui l’avait suivi en dépit de sa méconnaissance totale du monde. Présenté sous un bon angle, son offre ne se refuse pas. Reste à voir si la nécessité d’agir comme au village se présentera, massacrer toute une famille au beau milieu d’une ville n’en reste pas moins compliqué. Surtout lorsqu’il s’agit de Tokyo.

Et si le gamin n’écoute pas… rien ne les oblige à le contraindre. Son recrutement ne figure pas comme étant impératif sur l’ordre de mission, ce qui change considérablement la donne. L’ordre existe avant tout pour préserver les exorcistes, pas pour asservir ses semblables.

Son compagnon de route est bien silencieux, un point commun qui lui sied parfaitement. Haru est sensiblement similaire en ce qui concerne son laconisme, ce qui rend les choses plus simples pour le manieur de sylve. Kenshin n’apprécie guère les envolées lyriques, la grandiloquence de paroles inutiles et les paraphrases stériles. Aller droit au but, voilà sa manière de fonctionner.

Heureusement pour lui, Kenshin est capable de s’acclimater à tous les milieux, qu'ils soient fermés ou ouverts, en pleine ville ou au beau milieu de nul part. Son sort étant aussi versatile que lui, l’exorciste trouve toujours tôt ou tard une manière de procéder en un minimum de temps pour un maximum d’efficacité. Du moins lorsqu’il n’est pas accompagné d’un boulet, ce qui n’a pas manqué d’arriver par le passé. Ibara en est une preuve vivante.

“ Qu’il en soit ainsi. “

Ainsi, Hanzo a sa propre manière d’appeler les non-exorcistes. S’il a lui-même tendance à les nommer “réprouvés”, des êtres oubliés par la grâce, le concept de malade laisse entendre qu’ils peuvent connaître la rémission. Sans doute ce simple mot cache-t-il des idées bien personnelles pour le masqué, à propos desquelles il le questionnera en temps voulu.

Aux grands maux les grands remèdes, le duo choisit la méthode la plus impactante, laquelle ne manquera pas de remuer la bâtisse. Dès lors que l’alarme et les coups de feux résonnent au diapason, les résidents semblent se précipiter hors de leurs appartements, signe d’une crainte liée à l’habitude du grabuge causé dans les environs. Une femme n’a même pas pris le temps de s’habiller, enroulée dans une simple serviette alors qu’elle dévale les marches pieds nus. Le plan s’avère encore plus efficace que prévu.

Parcourant les corridors au pas de course pour maximiser le gain de temps, Kenshin ne passe que devant des portes ouvertes ou négligemment fermées. S’il prend le temps d’y accoler l’oreille dès qu’il montre le moindre soupçon, ses tentatives s’avèrent infructueuses jusqu’au prochain étage. Une porte comme les autres, flanquée de trois noms, demeure fermée. S’approchant sans savoir à quoi s’attendre, Kenshin colle l’oreille contre la porte pour entendre du mouvement et quelques éclats de voix de l’autre côté. Si rien ne lui permet d’affirmer tenir leurs cibles, leur simple présence malgré les circonstances les rend suspects.

Tendant la main vers la porte comme pour s’apprêter à frapper, Kenshin s’arrête à quelques centimètres de l’entrée. Un ondoiement macabre le frappe, parcourant son bras par la longueur pour s’étendre sur l’entièreté du corps. Un bruissement se muant en grondement guttural lui parvient jusqu’aux oreilles, quelque chose d’une noirceur telle qu’il s’immobilise l’espace d’un court instant. Quelque chose se cache de l’autre côté, quelque chose l’ayant dores et déjà perçu. Il l’entend, ce râle d’inimitié lui tarauder le tympan. C’est un avertissement. Cette chose pétrie de haine ne veut pas d’eux.

“ … “

Il se tait un instant, gardant son calme. S’il avait prévu de frapper pour leur demander de justifier leur présence malgré l’alarme, Kenshin change de plan à la dernière seconde.

“ Il nous a senti et il n’a pas l’air commode. “

Kenshin a même du mal à croire qu’il ne soit que classe 1, tant la menace planant sur sa présence lui a semblé importante. Simple détail; Kenshin ne l’a pas senti dans l’appartement. Comme si sa présence venait… d’en dessous. S’il n’a aucune idée de la configuration des lieux, il faudra de toute manière passer par là pour commencer.

Un rapide coup d'œil vers la porte voisine et une idée vient poindre en son esprit. Peut-être peuvent-ils emprunter un chemin alternatif.

“ Nous pourrions passer par la fenêtre voisine. Je n’ai jamais entendu parler de fléau flairant les exorcistes à l’instinct, peut-être est-il concentré sur la porte depuis que l’alarme a retenti. “

Une simple hypothèse, Kenshin n’ayant rien de mieux à proposer. Entrer dans l’appartement au vu et au su de ses occupants pourrait mettre l’enfant en danger en fonction de la réaction du fléau. Tendant l’index vers la serrure de l’autre porte, Kenshin fait pousser une petite brindille venant épouser ses formes pour pouvoir l’ouvrir sans mal. Le loquet étant automatique, personne ne verra de trace de leur passage. Attendant qu’Hanzo le suive avant de refermer la porte derrière lui, Kenshin se dirige vers la fenêtre sans prendre le temps d’admirer la décoration. Un peu d’acrobaties ne peut pas leur faire de mal, surtout que la distance séparant les fenêtres l’une de l’autre n’est pas bien grande pour un exorciste.

Soulevant la fenêtre s’ouvrant à la verticale, Kenshin penche la tête au-dessus du vide. Une chance pour eux que cette fenêtre donne sur la façade arrière, les locataires étant agglutinés hors de vue. Difficile de traverser sous les yeux de tous les résidents, vous en conviendrez. Plantant les doigts dans le mur extérieur, Kenshin génère une longue liane de sylve rejoignant la seconde fenêtre pour s’infiltrer dans une interstice et l’ouvrir sans un bruit. Ne leur reste plus qu’à traverser, ce qu’il fait en premier en se contentant de sauter d’un rebord à l’autre. Passant légèrement la tête sur le côté, Kenshin ne voit qu’une salle de bains plongée dans le noir. Le brun fait signe à Hanzo de le suivre avant d’entrer.

L’enfant doit être terrifié. Vivre dans un endroit clos en compagnie d’un fléau à priori si puissant doit faire de son quotidien un enfer. Le monstre caché dans le placard ou sous le lit n’est jamais qu’un pur produit de l’imaginaire pour nombre d’enfants, mais dieu sait que la simple peur de l’irréel peut être tenace… Kenshin imagine donc sans mal l’horreur de voir le monstre devenir tangible. Savoir sa vie en sursis entre ses griffes le temps qu’il jugera nécessaire ne fait qu’ajouter de l’encre à ce tableau qu’il imagine sinistre.

Kenshin jette un coup d'œil à Jack alors qu’Hanzo se prépare à ouvrir la porte. Lui pourrait sans doute se faufiler ou il veut. Il se demande bien les limites de ce sort, s’il a même un libre arbitre et à quelle distance peut-il se séparer de son… maître. Malgré tout ce qu’il sait des sorts innés et même des invocations, c’est bien la première fois qu’il a affaire à un sort prenant la forme d’une personne. Kenshin a même bien du mal à le considérer autrement que comme un individu fait de chair et d’os tant il semble en tout point similaire à ses semblables. Nombre de questions restent en suspens et il n’est pas sûr de les formuler un jour.

Il observe l’arme d’Hanzo. Ce n’est pas un choix anodin. Sept cartouches, ce qui n’est pas bien utile, un recul conséquent néanmoins facilement maniable pour un exorciste… et un fort pouvoir d'arrêt. De ce qu’il en sait, l’arme est d’abord née au sein de l’armée israélienne. Qu’elle circule au japon relève de l’improbable, mais Kenshin a sans doute à faire à un objet maudit. Inutile donc de faire la comparaison avec son homologue purement humain.

Kenshin s’engouffre dans le couloir à la suite d’Hanzo, vigilant. Les traces d’énergie occulte abondent en ce lieu, le fléau a l’habitude de se mouvoir. C’est à se demander si cet appartement n’est pas le sien. Toujours est-il qu’il sent, tout comme son camarade, une source principale de ce mal insidieux. Si elle vient du salon, Kenshin a néanmoins déjà posé le doigt sur le nœud du problème, faisant un signe à Hanzo tandis qu’il pointe le sol du doigt. Aussi improbable que cela puisse paraître, il y a un sous-sol. Reste à trouver comment s’y rendre.

Kenshin hoche la tête. Peu de choix s’offrent à eux, surtout que les mouvements de la famille restent imprévisibles. Qui sait quand ils surgiront par la porte à l’improviste ou se disperseront un peu partout dans l’appartement. S’il préférerait les incapaciter plutôt que de les abattre -pour l’instant- Kenshin laisse l’appréciation à Hanzo et Jack. Ainsi, Hanzo devrait ouvrir la porte.

Lorsque les premières rafales pleuvent, Kenshin reste en retrait. Il ne serait d’aucune aide dans cette situation, le duo bénéficiant déjà de l’effet de surprise et de la cadence de tir de l’arme. Elle balaye la pièce, mais un bruit dans le dos du brun vient attirer son attention. C’est la fille du couple, qui était manifestement restée dans sa chambre. Prise de court, elle tente de fuir par l’une des pièces de la maison, la porte d’entrée étant hors d’atteinte, mais est rapidement interceptée par Kenshin qui la ligote dans un enchevêtrement de lianes.

“ Où est Kaneshiro ? “

L’adolescente semble ne semble ni surprise ni apeurée, comme si elle s’attendait à cette situation.

“ Au sous-sol. “

Confirme-t-elle, comme il s’y attendait. Son sourire narquois révèle clairement son jeu, sans savoir que Kenshin a les meilleures cartes.

“ Je sais déjà ce qui se trouve là-dessous. “

Elle comptait sans doute sur la surprise pour que le fléau les élimine. Tant qu’on parle du loup, des tremblements caractéristiques dans le couloir se font annonciateurs de sa venue. Inévitablement, la bête vient voler au secours de ses créateurs, au risque de se retrouver affamée.

Kenshin s’éclipse, occulté dans le coin d’une porte avant que le fléau n’entre en scène. Il le sent ramper; le couloir par lequel il va arriver ne lui permettra pas de le déceler tout de suite… à moins qu’il ne puisse dépister son énergie occulte. Rien ne garantit qu’il soit capable de reproduire à volonté ce qui s’est produit lorsqu’il s’est approché de la porte. Quoi qu’il en soit, Kenshin se risque à tenter. Il n’est pas du genre à s’atermoyer.

Ce qui se dévoile à lui n’est rien d’autre qu’un imposant agglomérat de chair informe et cagneuse qu’il est ardu de définir. Le fléau ne ressemble à rien de connu tout en épousant la forme la plus simpliste possible, semblable au dessin que ferait un enfant de ses démons. La forme la plus primale du monstre, menaçante et aux antipodes du genre humain. En un sens, il n’est pas étonnant d’observer ce fléau adopter une telle forme. Ces derniers ne font qu’incarner ce qui provient avant tout de l’esprit humain. S’il devait passer un test de rorschach, Kenshin y verrait un simulacre du pokémon grotadmorv. Une analogie bien peu reluisante pour cet être qu’il méprise de par sa simple existence.

Constatant le premier échange entre le masqué et la bête, Kenshin attend le bon moment pour frapper. S’il se tient prêt à l’atteindre d’un assaut rigoureux, il est néanmoins contraint de rattraper le gosse dans ses bras lorsque ce dernier est projeté, amortissant sa chute en cognant le mur du dos.

“ Ça va aller. “

Des paroles rassurantes étayées par le stoïcisme quiet du brun, qui ne semble pas le moins du monde perturbé par la vision cauchemardesque qui se tient à l’autre bout du couloir. Mais tandis que la danse macabre se prolonge, le fléau matérialise une paire de bras supplémentaires tandis qu’il occupe le masqué et son sort, tentant d’atteindre un Kenshin repéré. Qu’il en soit ainsi.

Effectuant un unique mudra de la main droite, Kenshin matérialise un territoire simple qui se concrétise plus rapidement que l’arrivée du fléau. Ses mains se heurtent à un semblant de mur invisible, duquel jaillissent d’innombrables flèches de sylve serpentant dans toutes les directions possibles, transperçant les bras tendus de toutes parts. Réduits en bouillie, le fléau est contraint de reporter son attention sur Jack qui continue d’ouvrir le feu.

C’est le moment que choisit Kenshin pour tenter une action plus concrète. Renforcé d’énergie occulte, il s’élance à l’assaut du fléau en esquivant de peu sa contre-attaque en prenant appui sur le mur, sur lequel il court tout du long jusqu’à rejoindre sa cible. Tendant la main, qu’il recouvre d’une longue pointe de bois, Kenshin perfore la chair du fléau jusqu’au coude, sans attendre un instant avant d’ériger depuis la partie immergée une pluralité de ramifications sinueuses se répartissant à l’intérieur du fléau. Une offensive habile lui permettant de ralentir sa régénération.

“ Maintenant. “

Lance-t-il calmement vers Hanzo. Kenshin s’attend naturellement à une contre-attaque qui ne tarde pas à venir, le fléau abattant un poing puissant vers la tête de l’exorciste, qui n’a d’autre choix que de s’extirper de l’épaisse carcasse de son adversaire pour avoir une chance d’éluder son coup. Bien entendu, sa lenteur rend la tâche plus aisée.

Reculant de quelques mètres, il en revient au statu quo. Quid de la situation ? Le fléau est encerclé dans un espace restreint, lequel n’est pas forcément à l’avantage du trio. Au vu de sa masse, il est aisé pour leur adversaire de couvrir tous les flancs efficacement, ce qu’il ne tarde pas à faire en déployant une marée de coups dans toutes les directions, balayant l’ensemble du couloir.

Kenshin n’a d’autre choix que de se protéger d’une armure d’écorce sur le flanc droit, là ou s’apprête à frapper l’assaut. Le corridor s’avère trop exigu pour tenter une quelconque esquive, si bien qu’il se retrouve projeté au travers du mur dans un assaut qu’il ne s’attendait pas à ressentir aussi violemment. Fracassant le mobilier contre lequel il se réceptionne, Kenshin sent les vibrations du coup se propager de la tête aux pieds, signe qu’il ferait mieux d’éviter d’encaisser trop de coups similaires.

Il s’étire brièvement, fait craquer ses articulations pour se rasséréner tant qu’il peut, avant de revenir au combat. Jetant un bref coup d’oeil vers Hanzo pour s’assurer de son état et de sa disponibilité à prolonger la confrontation, Kenshin se positionne de trois quart face à lui pour couvrir un angle différent. Cette disposition est optimale pour le déploiement de son territoire… s’il ne risquait pas de toucher ses alliés.

Il matérialise une lance qu’il sort de sa paume pour la diriger vers le fléau. Dans un tel espace, esquiver est aussi compliqué pour eux que pour lui… du moins jusqu’à ce qu’il n’exprime une nouvelle capacité. Maigrissant en un instant, le fléau esquive le lancer efficacement, la lance venant se planter dans le mur du fond.

“ Voilà qui ferait des jaloux. “

Et qui leur complique la vie.

Il reste inébranlable en dépit du péril évident. Kenshin connaît la peur comme tout humain au contraire des fléaux. Elle n’est simplement pas provoquée par le danger ni l’imminence de la mort, Kenshin ayant dû se résigner dès qu’il eut rejoint l’ordre occulte. S’il craindrait plus aisément le fait de perdre ses proches, leur mort est précisément la raison l’ayant mené jusqu’ici. En un sens, Kenshin s’est libéré d’un fardeau conséquent dès lors qu’il eut tout perdu, comme si la fatalité lui avait rendu service et l’avait mis sur la route d’un dessein plus grand.

Hanzo réagit vite. Kenshin n’a pas pensé une seconde au fait qu’il puisse s’indigner de son injonction. Dans une mission, l’ego est secondaire et le leader est parfois désigné par un coup du sort. S’il est habitué à cette position et s’y sent plus à l’aise, Kenshin ne s’y sent pas plus légitime qu’un autre. Après tout, chaque exorciste a sa pierre à apporter à l’édifice.

Les balles fusent mais n’ont pas le résultat escompté. Peu étonnant, ce serait trop simple. Ses propres assauts, s’ils parviennent à ralentir momentanément le fléau, ne sont pas plus probants. Il va falloir trouver autre chose tout en évitant de se faire tuer, ce qui n’est pas une première de toute manière. Kenshin a l’habitude d’affronter plus fort que lui et il s’avère être toujours en vie. Espérons que cela continue.

Il regarde Hanzo faire, comme s’il avait une idée. C’est vrai que parfois, Kenshin oublie qu’ils ne sont pas de bons samaritains. L’ordre occulte sauve parfois les siens, jamais les autres. S’il eut essayé, Kenshin s’est vite résigné en comprenant qu’il n’était pas possible de protéger tout le monde. Ce n’est même pas toujours utile, encore moins pour leur cause.

Aux mots d’Hanzo, tout devient soudainement plus clair. Bien sûr, il n’y avait pas pensé. Ce qui s’apparentait avant à un simple sort d’invocation devient autrement plus redoutable quand il prend en considération le fait qu’il puisse être n’importe qui… ou n’importe quoi. Bien des théories sont nées au sujet de Jack l’éventreur, lui-même s’est imaginé un exorciste malfaisant capable du pire. En un sens, Kenshin se demande si cette version pourrait être utilisée par ce Jack. Un autre exorciste ayant son propre sort inné, voilà qui serait redoutable.

“ Je comprends mieux. “

Difficile de considérer Jack comme une personne, bien qu’il soit toujours décontenancé par l’individualité de ce sort. S’il est autant de personnes et de choses que l’on puisse s’imaginer, il n’y a pas d’intérêt à tenter de le décrire.

Jack s’élance avec bien plus de férocité qu’auparavant alors qu’Hanzo s’éclipse. Il n’appartient qu’à Kenshin d’éviter de devenir un fardeau désormais. Recouvrant son épiderme d’une épaisse couche de sylve, profitant de la diversion, il épouse une forme tout aussi singulière que celle du sort d’Hanzo, à mi chemin entre le fléau et le chevalier en armure.

Observant l’échange un bref instant, il s’élance à son tour à l’encontre du fléau pour se retrouver derrière lui tandis qu’il se bat, adoptant une forme similaire à celle de Jack pour plus d’efficacité. Être capable de modeler son corps à volonté est un avantage indéniable.

Sans attendre, Kenshin reproduit son premier assaut avec une toute autre ampleur. Il le sait, toute régénération a des limites et il se trouve qu’une méthode particulière pourrait parfaitement l’endiguer. Plantant une multitude de pieux dans l’épiderme de son adversaire, Kenshin fait pousser le bois de toutes parts à l’intérieur de son corps, lequel se mue en ramifications aussi disparates qu’elles sont nombreuses, creusant de multiples chemins dans toutes les directions à l’intérieur du fléau. Transpercé de toutes parts et bloqué par la sylve, il se retrouve incapable de se mouvoir et voit sa régénération grandement impactée, puisqu’il se retrouve à reconstituer les parties endommagées sur des pointes acérées.

Mais il en faut manifestement davantage pour en venir à bout.

Pris en tenaille, le fléau abandonne toute forme de réplique pour se concentrer sur la défense. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, il semble abandonner sa chair tel un déguisement, rapetissant dans sa propre chair pour atteindre une taille aussi ridicule qu’elle est rapide, lui permettant de se faufiler aisément hors de leur assaut. S’il tente de l’intercepter, Kenshin comprend surtout ou il veut en venir lorsqu’il se précipite rapidement vers le couloir emprunté par Hanzo. Pas le choix, le duo se lance à sa poursuite en espérant pouvoir le rattraper.

Kenshin reste de marbre, bien que surpris par la ferveur exaltée du démon. Elle lui sied bien néanmoins, celui-ci semble désormais tout aussi néfaste que le fléau obèse sur lequel il s’acharne. Dire que tout ceci sort de l’imaginaire collectif a quelque chose d’ironique tant les craintes de la populace ont au final renforcé l’objet de leurs frayeurs. S’il eut jadis pensé à bien des théories pouvant satisfaire sa curiosité, le plus probable à ses yeux serait sans doute que Jack n’existait pas, fruit d’une manipulation des médias et des différents auteurs des meurtres à l’époque. Qu’importe de toute manière, puisqu’il est désormais bien réel.

En s’élançant à la poursuite du fuyard, Kenshin tente de lui lancer quelques aiguilles sans succès, l’agilité du fléau étant décuplée par sa petite taille. Quelle ironie de voir l’incarnation de la destruction et du malin prendre la fuite face à ceux qu’il est censé tourmenter. Quoi qu’en observant le démon qui l’accompagne, Kenshin ne peut pas vraiment lui jeter la pierre. Collaborer avec cette chose le mettrait presque mal à l’aise tant il a tout d’un ennemi. C’est à se demander comment Hanzo parvient à le contenir. Son propre sort inné pourrait-il se retourner contre lui ?

Il résorbe l’écorce jonchant sa peau, qui l’alourdit. Ne faire qu’un avec son pouvoir n’est pas si mal au final. La sylve ne fait pas seulement partie de lui, elle est un de ses organes. Indéfectible et vital. C’est ce qui le différencie le plus des réprouvés, ceux qui n’ont pour eux que leur volonté de survivre. L’exorciste, lui, possède les capacités de donner vie à ses désirs.

Ils arrivent finalement auprès d’Hanzo, qu’il entendait déjà aux prises avec le fléau plus tôt. Jack ne perd pas un instant pour agir, plus par désir belliciste que par volonté de protéger son maître de ce qu’il conclut, laissant Kenshin arriver peu après. Si leur adversaire est mal en point, il lui faut l’achever à coup sûr. Plaçant un puissant sunkei, Kenshin pense à Tadamori, le fondateur de son clan. Son implacabilité, sa brutalité, tout ce que l’on lui prête… si cette technique est réelle, alors le moment est venu d’en faire l’usage.

La main plongée dans la chair du fléau, Kenshin reproduit la même chose qu’auparavant, transperçant sa chair de l’intérieur par d’innombrables pointes. Dès lors qu’elles ressortent de son épiderme, celles-ci viennent se courber vers l’intérieur à nouveau, jusqu’à recouvrir presque entièrement sa silhouette. Transperçant et compressant la carcasse de son ennemi déjà à moitié mort, celle-ci rétrécit à vue d'œil, poussée par les griffes l’enlaçant jusqu’à n’être réduit qu’à l’état d’une petite bille tenant dans la paume de l’exorciste. Une exécution grandiloquente mais néanmoins probante.

Saisissant la sphère boisée entre son pouce et son index, Kenshin la porte à hauteur d’yeux pour l’observer, tourné vers Jack.

“ Curieux comme le malin peut sembler inoffensif dans cet état. “

Bientôt, la sphère se désagrégera, tout comme le fléau.

Il s’agissait bien d’une provocation. Une manière de lui rappeler qu’aussi féroce soit-il, ce démon n’est pas immortel. Curieux qu’un sort puisse être doté d’un tel ego d’ailleurs, Kenshin fera ses recherches là-dessus. Pourrait-il échapper à l’autorité de son invocateur ? Si c’est le cas, il n’est pas bien différent d’un fléau et représente donc une menace. Toisant le démon du regard, Kenshin se permet une autre remarque.

“ Tu le tiens bien en laisse j’espère ? Il n’a pas l’air commode. “

Il se demande bien ce qu’en pense cette forme de Jack, d’être ainsi soumis à la volonté d’un exorciste. Qu’importe de toute manière, il n’existe que selon son bon vouloir. Heureusement que la sylve qu’il manie n’est pas douée de conscience, Kenshin n’aurait pas la patience de coopérer avec une entité indocile. Résorbant le bois, il approche de la porte de la pièce pour observer le couloir. Ils ont bien fait de faire sortir tout le monde, le grabuge ayant eu lieu dans les parages aurait sans doute attiré beaucoup trop d’attention pour leur bien.

Il laisse la parole à Hanzo, loin d’être des plus loquaces même lorsqu’il s’agit d’enfants. Kenshin lui aurait sans doute servi une homélie informe dont il n’est lui-même pas certain de la pertinence. Ce qui l’intéresse désormais, c’est le sort de la famille. Si le gamin les suit, il n’en a pas pour autant terminé sur place. En vérité, il se dit même qu’elle mérite une punition à la hauteur de leurs actes, quel qu’en soit le point de vue. Un exorciste sans allégeance pour un ordre aussi belliciste que l’ordre occulte n’en penserait sans doute pas moins.

“ On va faire comme ça. “

Il ferme la marche pour raccompagner le gosse dehors. S’arrêtant à la porte, Kenshin tend le bras vers les deux femmes, vers qui il envoie deux longues aiguilles de bois leur transpercer le front. Stoïque et silencieux, il en fait ensuite de même avec le père qu’il envoie vers un sommeil éternel avant de clore la porte sans s’en émouvoir. Mieux vaut agir de la sorte, furtivement et rapidement histoire de ne pas alerter le gamin. Autant lui épargner un traumatisme supplémentaire. Pour ce qui est de lui annoncer leur sort plus tard, ce n’est pas son problème. Si l’ordre occulte fait bien son travail, il ne souhaitera plus jamais entendre parler d’eux.

Arrivé en bas des escaliers, Kenshin hume l’air sans satisfaction. Il n’a pas l’impression d’avoir accompli grand chose entre ces murs. Peut-être a-t-il apporté une petite pierre à un édifice qu’il mettra des décennies à achever, tout au plus. L’objectif principal de l’ordre est certainement quelque chose qu’il ne verra pas se produire de son vivant.

“ Je te laisse le reconduire ? “

Kenshin n’a pas prévu de retourner au quartier général tout de suite.