“Mgrlblrbl.”

Asami rongeait son frein depuis trop longtemps déjà. Et pour cause, la jeune exorciste n’avait toujours pas été envoyée en mission depuis son arrivée récente à l’école de Tokyo. Tout un foin avait été fait comme quoi ils étaient déjà considérés comme des exorcistes à part entière, mais en attendant elle n’avait fait que s’entraîner et suivre des cours pour la plupart tout à fait classique. En soit, rien que ça aurait déjà été suffisant pour la rendre dingue, mais le comble, c’était que ses camarades de classe, eux, avaient déjà plusieurs missions à leur ceinture.

Elle avait fait de son mieux pour ne pas ouvertement crier à l’injustice (un effort surhumain, pour elle), mais ça commençait à faire trop. Est-ce que c’était un ordre de son grand-père ? Ou bien une conséquence de son temps passé en redressement ? De la discrimination à l’égard de sa famille ? Ou bien était-ce justement une façon de lui apprendre à se tempérer ? Elle n’avait ni le temps, ni l’envie de mener l’enquête à ce sujet. La délinquante n’allait pas attendre bien sagement que ses professeurs se décident à la laisser faire ses preuves. Non, elle allait prendre les choses en main, avant que sa résolution n’ait le temps de s’effacer. Elle n’avait pas choisi d’être ici, après tout, la moindre des choses serait d’avoir un peu d’égard envers sa personne.

Fort heureusement pour elle, elle avait sous le coude de quoi remédier à cette situation. Elle avait repéré quelque chose de particulièrement intéressant et surprenant, lors de sa dernière descente en ville. Et ce soir, elle comptait bien mettre son plan à exécution. Et puis, cela faisait un bail qu’elle n’avait pas fait de bêtise. Si elle ne faisait pas attention, elle risquait de perdre la main.

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Minuit. L’heure rêvée pour aller mettre le boxon. Asa quitta son bureau et ses arbres miniatures avant de s’armer pour son opération du soir. Portefeuille, téléphone, gant occulte, veste chaude, écharpe… Tout était bon. Elle colla son oreille à la porte de sa chambre. Pas un son, dehors. Le périmètre était dégagé. Malgré tout, elle n’allait pas risquer de faire grincer les planches du vieux parquet. Non, la jeune fille allait plutôt privilégier la baie vitrée pour s’échapper. Avec une précaution infinie, la lycéenne ouvrit la vaste fenêtre, coinçant des vêtements en-dessous en guise de cale pour l’empêcher de claquer en son absence, et se retrouva dehors.

Alors que l’air frais du soir commençait à doucement mordre ses joues, Asami réalisa qu’elle était désormais face à un problème de taille. Elle n’avait certes pas à faire attention aux planches du bâtiment, mais pour s’échapper il lui faudrait inévitablement passer devant les baies vitrées des autres élèves. C’était risqué. Normalement, tous devaient avoir dressé leurs rideaux pour dormir à poings fermés, à cette heure-ci… Mais il suffisait d’un seul excentrique couche-tard, et elle prenait le risque de se faire voir. D’autant plus que ce soir, la pleine lune brillait particulièrement. La réflexion n’était décidément pas le fort de l’artiste martiale, qui se retrouvait complètement prise au dépourvu par la situation.

Elle claqua ses joues pour chasser ces pensées de son esprit. À quoi bon hésiter ? Elle trouverait quelque chose à dire, dans le pire des cas. Probablement. Peut-être. À débattre. Mais ce qui était certain, c’était que plus elle attendait, plus elle prenait le risque de se faire pincer. Au diable les précautions, Asami s’élança dans la nuit, en direction de l’entrée de l’école.

Minuit était écrit en gros sur son réveille-matin. Notre petite Sayuki ne trouvait pas le sommeil. L'exorciste en herbe se prenait pour une artiste. Crayon en main et papier sur son bureau, des traits artistiques se faisaient sur le papier. Ressemblant à un visage. Cette tentative de dessin remontait un peu de rosée sur ses joues. C'était bien la première fois que cette gamine ressentait cette sensation. Était-ce réel ou pure fiction ? Pour le moment c'était trop tôt pour vraiment le savoir. Un petit soupir de joie sortait des lèvres de l'étudiante avant que celle-ci ne prenait la décision de cesser le dessin. Au moment ou elle se levait de son bureau, ses yeux carmin visualisait une silhouette passer aux niveau des baies vitrées. Ah, il semblerait qu'un ou qu'une de ses camarades de classes décidait de faire le mur. Étant curieuse et encore dans son uniforme d'exorciste, notre petit astre quittait donc sa chambre pour la suivre. Marchant bien lentement comme à l'habitude, Sayuki passerait inaperçue envers l'autre qui semblait se diriger vers l'entrée de l'établissement. De dos, notre élève de première année n'avait pas reconnue la personne qui était bientôt sur le point de quitter l'école. Juste avant que sa main mettre de la pression au niveau de la poignée de porte, la jeune adolescente toussait deux fois pour attirer l'attention. Et oui, si cette personne comptait partir sans se faire remarquer, c'était cause perdue. La main droite de la zombie se levait mollement afin de saluer l'autre étudiante par politesse. - Salut. Tu vas où comme ça au beau milieu de la nuit ? -

Tout s’était passé comme prévu. Elle n'avait pas croisé une seule ronde, pas une seule âme, sur le chemin. Ils étaient vraiment laissés à eux-même, dans cette école. Plus qu’une porte à passer et…

Et non. Quelqu’un ne l’entendait pas de cette oreille. Asami sursauta et fit volte-face, complètement prise au dépourvu. Elle qui pensait être attentive, tous sens en éveil, voilà qu’elle s’était fait prendre comme une bleue. Est-ce que tout s’arrêtait là ? Avant qu’elle n’ait eu le temps de pleinement appréhender la situation, les mots sortirent tout seuls de sa bouche.

“Ça t’regarde ?”

Non, non, mauvaise réaction, ça. C’était une autre élève, pas une membre du personnel. Elle n’avait aucun pouvoir ici, donc aucun intérêt de s’opposer à elle. Elle était juste… Peut-être un peu flippante, ça devait être pour ça que la karatéka avait réagi si nerveusement. Avec sa peau d’albâtre, sa posture de zombie… Oui, elle avait de quoi faire peur, croisée au détour d’un couloir, mais ça n’était pas une raison pour mal lui parler.

La délinquante se gratta l’arrière du crâne, un peu gênée.

“Déso, déso, tu m’as juste surprise. Je vais…”

Que faire, maintenant ? Mentir ? Détourner l’attention ? La menacer ? Asami chassa ces idées de sa tête, quand bien même elles lui venaient avec le plus grand naturel. Avant toute décision, elle devait jauger la façon d’être de cette fille. Elle s'appelait Mochizuki, si elle s’en souvenait bien.

“Me dégourdir les jambes, me racheter des chips, et exorciser un fléau.”

Voilà, c’était dit. Elle avait vraiment besoin de se recharger en chips, en plus. Les distributeurs du lycée n’avaient pas son parfum préféré. Maintenant, elle n’avait plus qu’à attendre la réaction de la pâlichonne. Si elle était du genre à se la jouer extension bénévole de l’autorité, Asami avait pour projet de faire d’elle son souffre-douleur personnel. Si ce n’était pas le cas, la situation devenait tout de suite plus intéressante.

Ses mots avaient fait sursauter l'étudiante qui se trouvait devant l'albinos. Réaction qui pouvait être normal. Disons que notre petite neige passait inaperçue la plus part du temps donc que les gens fassent le saut quand elle passait dans le coin ou derrière eux était tout a fait compréhensible. La suite changeait des réactions qu'elle recevait d'habitude. L'étudiante qui semblait être de la même année qu'elle. Qui serait de ce fait dans la même classe et le même groupe lui demandait si cela la regardait. La tête tombait légèrement sur le côté. L'attitude méchante de la rebelle ne lui faisait pas peur. - Non. J'étais juste curieuse - était les paroles qui sortaient de ses lèvres juste avant que la première année se gratte le cou et s'excuse de son comportement. - T'inquiètes, je suis habituée. - avec sa main droite qui tombait mollement pour signaler un peu "pas grave" qui accompagnait ce qu'elle venait de dire. Un petit moment de silence se créait entre les deux, sûrement que la fille à la chevelure foncée prenait le temps de réfléchir avant de lui répondre. La tête de notre zombie se redressait alors que celle qui se nommait Saki ... Sakimiya avouait son plan pour la soirée. En parlant de chip, le ventre de notre rosée gargouillait. Bon, celle-ci avait toujours faim mais quand même. - Oh cool - léger rictus de joie pouvait se voir au coin de ses lèvres. - Je peux venir ? J'ai faim. - Puis cela serait marrant d'aller faire de l'exorcisme aussi tard la nuit.

Asami cligna lentement des yeux, un peu incrédule. C’était aussi simple que ça ? Visiblement. Comme quoi, même une personne aussi visiblement léthargique que la zombie des couloirs pouvait s’avérer être un peu rigolote. La délinquante renvoya un rictus à la pâlotte avant d’ouvrir la dernière porte et de l’inviter à la suivre, d’un geste de main.

“Ramène-toi, allez.”

L’idée qu’il puisse s’agir d’un piège que lui tendait sa camarade pour tester son défi de l’autorité n’avait même pas effleuré l’esprit d’Asami. Elle ne décelait pas de malice dans son attitude ou ses propos, rien qui nécessiterait une forme quelconque de prudence auprès d’elle. Elle avait une drôle de tête, mais des drôles de tête Asami en avait vu par paquet de dix, avant ce soir. Et puis, toute aussi bizarre qu’elle pouvait être, le fléau de cette nuit le serait encore plus.

Avant de pouvoir prendre le train, elles avaient une petite trotte à faire, pour descendre le chemin de montagne de l’école. Heureusement, la pleine lune brillait assez fort pour qu’il ne soit pas nécessaire d’utiliser une quelconque autre source de lumière pour l’instant. Asami, mains dans les poches, profita du trajet pour briefer sa camarade.

“J’t’explique le délire. Y’a un peu plus d’un an, je m’suis faite mettre à l’ombre. Mais avant ça, j’avais repéré un fléau, qui hantait une vieille décharge désaffectée.”

Tout en parlant, l’adolescente envoya un grand coup de pied dans une petite pierre sur son trajet, l’envoyant voler à travers l’air nocturne, puis rebondir le long du chemin jonché de portiques. À l’époque, elle n’avait parlé à personne de ce fléau, aperçu alors même qu’on l’emmenait vers le centre de redressement, pour de nombreuses raisons. Elle n’était pas d’humeur, elle pensait que d’autres allaient s’en charger, et elle n’avait personne à qui vraiment signaler le problème, hormis éventuellement son grand-père, qu’elle avait catégoriquement refusé de contacter pendant sa période d’emprisonnement.

“Bref, je sors du centre y’a pas trois semaines, et sur le chemin entre ma baraque et ici, y’a la décharge. Bah devine quoi, j’ai aperçu le fléau, pépère, toujours là. Un an plus tard !”

C’était évidemment un signe du destin, aux yeux de la jeune Sakimiya. Et ce soir, elle comptait bien se confronter à ce mauvais esprit curieusement persistant. Bien sûr, elle n’avait qu’à peine aperçu l’esprit, et il restait la possibilité qu’il ne s’agisse même pas du même, depuis le temps. Mais là encore, cette éventualité ne lui vint même pas.

“Dingue, nan ? Et sinon les chips qui me manquent c’est des chips de nori hyper épicées. J’adore ça.”

Son ventre criait presque famine alors que la connaissant, la gamine avait sûrement grignoter de quoi il y a peu. Son reagard cerise regardait l'étudiante se diriger vers la dernière porte qui les empêchaient de sortir. Le geste de la main que la rebelle venait de faire était clairement une invitation pour que notre petite lune la suive. - Chouette. - Disait-elle faiblement alors que ses pas la guidaient jusqu'à l'extérieur. Où allait-elle exactement ? Aucune idée. Est-ce que cela semblait déranger notre première année ? Alors la pas du tout. Est-ce que cela était une sortie entre amie ? Tant de questions germaient dans la tête de notre petit astre qui voyait bien la descente qui arrivait à grand pas. Sentant que la route allait durer un certain temps, la jeune exorciste à la mèche ardente commençait à lui jaser. Cela changeait des habitudes de notre étudiante, mais cela n'était pas mauvais. Au contraire, Sayuki aimait bien et écoutait attentivement ce que lui disait Sakimiya. Une vieille décharge qui serait hantée par un fléau. Trop cool, le plus proche que la petite neige avait vécue était sa "mission" qui lui avait été confiée par un exorciste expérimenté. C'était dans un bâtiment à l'abandon. Quand Asami avouait que le fléau s'y trouvait encore, la bouche devenait un brin béante. On pouvait presque y lire sur le visage un "non sérieux". Cela était peine croyable que cela soit réel. Avec tous les exorcistes qui trainaient dans le coin, c'était plus que surprenant que le fléau se trouve encore dans ce lieu en question. - C'est fou - alors que ses mains replaçaient de peine et de misère sa bouche qui était encore entre-ouverte. - Ah jamais goûtée cette sorte encore. Moi j'aime bien les chips aux crevettes. - En parlant de nourriture, un coulis de bave coulait presque sur le côté droit de ses lèvres. N'étant pas attentive sur ce qui se trouvait à ses pieds, l'un d'eux accrochait une pierre qui se trouvait sur le chemin. Se retrouvant face contre terre en moins de deux. - Aïe - étouffé par le sol pouvait être entendu si on portait attention. Cela avait prit un moment à Sayuki avant de se relever. Ses mains balayant la poussière sur ses vêtements. Uniforme d'exorcisme avec la capuche de la même couleur que sa chevelure. Elle ne remarquait pas par contre la ligne de terre au niveau de son front et qui descendait jusqu'au milieu de ses yeux. Avait-il du sang ? Était-elle blessée par sa chute ? Difficile à dire sur le coup à cause de la crasse qui devait couvrir la quelconque blessure s'il y en avait une.

Elle avait beau être un peu molle et peu bavarde, la fantôme des couloirs était sympathique. Encore heureux, à vrai dire, sans quoi la karatéka aurait vraiment été sur les nerfs. Si elle était seule, elle aurait sans doute fait fi du danger et aurait fait tout le chemin au pas de course. Mais ça ne semblait pas être le style de sa partenaire nocturne. Au contraire même, à en juger par le bruit de chute qui se fit entendre derrière elle.

“Eh, ça va ?”

La brune fit demi-tour et trotta jusqu’à sa camarade de classe étalée par terre avant de se pencher vers elle, main tendue. Elle n’arrivait pas à juger de la sévérité du choc.

Au fond d’elle, Asami ne pouvait pas s’empêcher d’être un peu frustrée. L’école ne l'avait pas envoyée en mission alors qu’elle ne demandait qu’à aligner les droites, mais Mochizuki, qui trébuchait dans le vide, avait le droit de castagner du fléau ? Enfin, si elle était énervée, elle réalisait bien que ce ne serait pas correct de se défouler sur sa camarade. D’autant plus que si cette dernière la prenait en grippe, elle n’avait aucune raison de ne pas rapporter ses actions auprès du personnel de l’école.

“T’as besoin que j’te porte, ou ça ira jusqu’en bas ? On est plus très loin.”

Elle devait peser 20 kilos toute mouillée, selon l’estimation de la délinquante, l’exercice ne devrait pas être trop compliqué. D’autant plus qu’elles n’étaient vraiment plus très loin de la base du mont, après quoi il serait facile de rejoindre la civilisation.

Ayant pris pas mal de temps à se relever, cela avait donné le temps à Asami de demander si notre petite lune allait bien. - Mhh mhh - Le visage contre le sol pour y répondre. Ne pouvant pas rester plus longtemps contre la terre, Sayuki se levait la tête pour voir la main tendue vers elle. Se levant avec misère, la main frêle de notre albinos serrait celle de la combattante juste pour se redresser. Une fois cela fait, celle-ci essuyait ses vêtements pour retirer la poussière. Pendant que l'étudiante de première année lui demandait si notre petit astre devrait être transporté pour la suite du trajet, la manche droite de son uniforme allait frotter au niveau du front puisqu'elle sentait de quoi au niveau de son faciès. Quand le brun terreux se retirait de son visage pour s'étendre sur le bleu de son uniforme, cela laissait place à du rouge. Oui, elle avait eu une blessure mais rien d'alarmant. Une petite égratignure qui allait se fermer d'ici quelques minutes tout au plus. Le rouge coulait pendant ce temps-là pour laisser du rouge couler tout le long de l'os de son nez. - Ça devrait aller - et si jamais Asami reposait la question, celle-ci aurait un petit hochement de tête pour confirmer ses dires. Ne se trouvant pas trop loin, Sayuki avait réussi à ne pas chuter de nouveau. Les deux avaient pu se rendre sans avoir d'autre "souci". - Dis, il ressemblait à quoi le fléau ? - Autant essayer d'avoir plus d'informations sur le fléau que les deux exorcistes allaient affronter cette nuit.