Il a été patient, pour obtenir ce qu'il veut. Il a été patient, et presque tendre malgré tout, malgré leur passif et malgré ce qu'il sait d'elle. Pour obtenir ce qu'il veut, il s'est fait chien apprivoisé plutôt que loup solitaire. Quelques jours, pour qu'elle ne sorte du coma, quelques jours encore d'un repos forcé où il se mit en tête de la côtoyer pour percer ses défenses et enfin, peut-être, arrêter cette mésentente stupide entre eux.
Haru a mauvais caractère. On peut dire de lui que c'est un associable, un introverti aguerri, désinvolte et qui ne fait aucun effort. On peut dire aussi parfois que c'est un beau connard égocentré, qui s'occupe de son monde et de lui-même, uniquement. Mais Haru n'a plus quinze ans, ni même vingt. A vingt-huit ans, il est assez mature et intelligent émotionnellement pour mettre son égo de côté et tendre une troisième fois sa main vers la sorcière.

Homura Ibara traîne de nombreuses casseroles derrière elle, tout comme lui. Il a eu le temps d'y penser, et force est de constater que le destin ne veut assurément pas les laisser tranquille dans cette étrange situation où ils sont alliés sans vraiment l'être. Pourtant... par deux fois déjà, il est venu sans réfléchir la secourir. Pas tant parce qu'il l'a excusé de son comportement avec lui, immature et impulsif. Mais plutôt parce qu'il sait qu'ici ils n'ont pas d'autres choix que de se serrer les coudes et ça... Ibara devait le comprendre maintenant.
Naturellement, lorsqu'elle a pu se lever, il n'a pas été très étonné de la voir se réfugier dans le jardin du QG, véritable petit Eden au milieu du bâtiment morne. Haru l'a suivi, évidemment. Armé d'un livre pour passer le temps en la compagnie silencieuse de l'invocatrice, il n'a pas trop mal vécu le temps passé à ses côtés.
Et au contraire de ce qu'elle peut penser, personne ne lui a demandé de faire ça, et il n'est pas là pour la surveiller.

C'est de son propre chef qu'il a décidé de s'attaquer à elle pour enfin la faire céder et baisser les armes devant les occultistes. Qu'elle comprenne enfin. Qu'elle sache.
Mais aussi et surtout pour qu'elle lui donne ce qu'il est venu chercher.

Le coréen hausse un sourcil lorsqu'il l'entend raccrocher après avoir précipité sa conversation téléphonique sur sa fin. Il lève la tête de son livre lorsqu'elle balance une insulte et un léger sourire amusé traverse ses traits. Ibara aussi, elle a un sale caractère. Tous ici, finalement, traînent des casseroles.
Il compte retourner à sa lecture lorsqu'elle s'adresse à lui pour une des rares fois depuis qu'elle s'est réveillée de son combat contre le jeune exorciste. Elle l'évoque, et Haru plante ses yeux sur le visage de la jeune femme. S'il reste silencieux d'abord, en se remémorant sa propre rencontre avec l'adversaire qu'ils ont combattu tous les deux chacun leur tour, il finit par poser son livre pour lui répondre.

« Je l'ai combattu y'a deux ou trois mois, oui. »

Episode marquant, si ce n'est pas traumatisant pour lui.
De tous ici, il doit être le seul à savoir ce qu'elle a pu traverser durant son duel. En plus d'être venue la chercher chez elle, dans son sanctuaire, son cocon, son endroit, sa maison... Double trauma. Haru est loin d'être stupide, et loin de ne pas posséder de l'empathie. S'il n'en montre rien, il pense beaucoup et comprend beaucoup sur les autres.

« C'est un adversaire redoutable. » commente t-il l'évidence. Une hésitation le traverse alors que son regard fait un aller-retour du sol au visage d'Ibara. « Mais tu t'en es bien sortie. »

C'est peut-être super maladroit, mais il tente au moins quelque chose. Haru scrute presque impassiblement les expressions de sa camarade. Il ne sait pas tellement comment elle va réagir. Il se dit qu'elle a le droit de se mettre en colère : lui il le serait à sa place. Elle a le droit : elle a perdu bien plus qu'un combat après tout.
Le coréen ne sait pas trop quoi penser de tout ça, mais peut-être qu'elle lui apportera des réponses. Chaque chose en son temps : pour le moment, il faut la laisser s'exprimer. De ce qu'il a pu en voir, elle bouillonne, elle retient tout et il faut que ça sorte. Contrairement à leur première rencontre où il a fui et l'a plantée devant son impulsivité, cette fois, il est prêt à tout encaisser.
Haru sait que rien ne sera dirigé personnellement contre lui. Alors il attend.

Ibara explose, mais si elle lui parle, les mots ne lui sont pas dirigés. Haru darde ses yeux sur elle, la suit dans tous ses mouvements. Elle transpire la colère et frustration, elle est déçue d'elle-même et il comprend. Elle refuse son soutien, se concentre sur ses erreurs, ne voit que sa défaite. Les doigts du coréen pianotent un peu sur la couverture de son livre. Elle exprime tout ça, et il l'écoute sagement. Les émotions de l'invocatrice coulent sur lui comme le cours d'une rivière sur les galets.
Dire que ça ne le touche pas serait un tort, pourtant.

Ibara évoque un territoire. Le jeune Sato a beaucoup appris en quelques mois, c'est dire s'il est talentueux et promet d'être puissant. Haru n'est pas certain, en l'état, de pouvoir contrer un territoire mais déjà, son esprit travaille à peser forces et faiblesses de son adversaire, de lui, et petit à petit, l'échiquier se met en place. Il lui faut des outils pour le contrer. Yatsuatari ne peut pas et ne pourra jamais supporter le poids d'une extension de territoire, aussi solide soit-elle. Sa rage ne suffira pas à arracher une victoire contre Daisuke Sato.

La rousse le regarde alors, et semble peu à peu se calmer. De lourdes respirations témoignent de sa colère, à raison. Le mercenaire reste silencieux pour le moment, il fait appel à toute son empathie pour accompagner la jeune femme à travers cette épreuve. Il n'est pas venu en donneur de leçon aujourd'hui. Il est venu en confrère, en camarade. Ils ne peuvent pas se permettre de scission au sein de l'Ordre, surtout lorsque leurs adversaires en face semblent prendre une longueur d'avance.
Le sort inné du Sato est impressionnant pour la plupart des âmes brisées qui parsèment les rangs de l'Ordre Occulte. Mais pourtant...

Haru sent le ressentiment prendre le pas sur sa peur.
Lorsqu'Ibara lui indique qu'il n'est pas venu la trouver par hasard, et qu'il a obtenu son adresse, sûrement, le puzzle prend forme dans sa tête. L'évocation de Kumiko lui fait baisser les yeux sur son bouquin, et il en gratte un morceau de la couverture abîmée. Il ne le laissera pas aller jusqu'à chez elle. Il ne le laissera pas la toucher, ni elle, ni Azra, ni Hanzo, ni personne d'autre.
Si Daisuke Sato piste ses camarades, Haru va lui aussi se mettre en chasse.

Le coréen relève ses yeux sur sa camarade, lorsqu'elle le remercie après un léger instant de silence où il fut plongé dans ses pensées. S'il la fixe d'abord sans rien dire, Haru finit par prendre la parole. Son calme apparent ne présage que des prémices d'une rage profonde et sourde.

« Une chance que je passais par là. Mais je ne t'aurai pas laissé dans la merde. » Un léger soupire traverse ses lèvres, alors qu'il se lève et abandonne son livre sur sa chaise avant de mettre ses mains dans les poches de son pantalon. « Il m'a dit que tu étais prête à te suicider pour l'emporter avec toi. » Haru plante ses yeux sur elle, grave et à la fois doux. Il s'approche un peu. « Il faut beaucoup de courage pour ça, et t'as fait preuve de dévotion envers nous. » Il parle en connaissance de cause : après des années à se battre contre sa dépression, il est incapable de se prendre la vie. « Ibara... Tu sais la première fois qu'on s'est rencontrés, c'est Morgan qui m'a envoyé te voir. » Un pas ou deux de plus vers elle, alors qu'il laisse ses yeux traîner sur le sol. « Elle m'avait dit que tu étais isolée, et que ça serait bien de t'intégrer. » Il a un rire jaune, léger, passe une main dans ses cheveux décolorés. « J'ai pas été très ouvert pour ça, et je suis désolé. Je t'ai jamais présenté mes excuses donc voilà, je le fais. » Haru relève ses yeux sur elle. « Mais malgré tout ça, toi t'as quand même voulu donner ta vie pour l'Ordre. » Il n'est sûrement pas clair dans son propos, mais il espère qu'elle comprendra. Avec leur mésentente, l'histoire avec Kenshin... il en a oublié tout ce qu'elle doit traîner derrière elle. « Merci. »

Il ne sait pas trop quoi faire d'autres, à vrai dire, il a l'impression de ramer très fort. Pourtant, Haru sort ses mains de ses poches, attrape l'invocatrice par un bras et l'attire contre lui, sans refermer son étreinte. Ça ne dure qu'une ou deux secondes, mais ça vaut ce que ça vaut.
Le mercenaire recule ensuite, se laisse de l'espace, autant pour lui que pour elle à vrai dire. Il brise de nouveau le silence avec un tout autre ton lorsqu'il se tourne de nouveau vers elle pour la regarder.

« Dis-moi tout ce que tu as appris sur ce Daisuke. Tout. »

Haru pense aussi à trouver Asuma pour lui poser des questions. Il n'avait pas fait le rapprochement entre les deux, mais ils viennent du même clan. Potentiellement ils se connaissent. Asuma n'est pas quelqu'un que le coréen côtoie, mais plus parce qu'ils n'ont jamais vraiment eu d'occasion de se connaître. Mais Haru est capable de mettre de côté son introversion pour la bonne cause.
Et la bonne cause, c'est trouver ce Daisuke et l'expédier à l'hôpital pour une durée indéterminée.

A l'entendre, Haru a un élan d'empathie pour elle et il regrette plus encore d'avoir manqué de patience et de considération pour elle. Il s'est laissé aveugler par les rumeurs, le jugement de Kenshin en qui il a confiance, sans chercher à comprendre et à creuser pour voir de lui-même ce qu'il en est vraiment. Le constat est affligeant : Ibara transpire la solitude, et il est bien placé pour savoir qu'elle peut se traduire dans la colère. Il ne lui excuse pas ses dérives envers ses camarades, mais les choses lui apparaissent plus clairement.
Comme avec Hanzo, comme avec Kumiko, comme avec Azra, il se reconnaît quelque part en elle. Ici, ils sont tous fracassés, et l'évidence lui revient à l'esprit : ils doivent se serrer les coudes, même s'ils n'utilisent pas les mêmes méthodes, ils poursuivent le même but au final.

S'il la voit lutter contre ses larmes, il ne sait pas trop comment y réagir. Naturellement, avec quelqu'un de proche, il aurait eu un geste, mais Ibara il ne la connait pas assez. S'ils semblent repartir sur du neuf tous les deux après leurs excuses, il faudra du temps pour s'habituer à ce genre de choses. Quand bien même, Haru ne la regarde plus avec méfiance ou mépris.
Il se contente de la fixer en silence, lorsqu'elle hésite à lui parler de ce qu'elle a vu à travers le sort de Daisuke Sato. Haru la comprend : lui-même n'aime pas en parler, et il s'est à demi-mot confié à sa meilleure amie. Même s'il s'est entièrement remis physiquement de son combat avec le jeune exorciste, il ne compte plus les nuits où son sommeil lui a joué des tours. Entre cauchemars et paralysie.

Alors il l'écoute parler enfin, et il retient le plus intéressant. Il ne connait pas cette maîtresse des fléaux qu'elle lui décrit, secoue négativement la tête. Ibara enchaîne. S'il sait déjà comment combat Daisuke Sato, elle évoque trois rayons noirs. Lorsqu'il l'a combattu, Haru ne s'en est pris qu'un seul. Trois dans un même combat, c'est du jamais vu.
Il sait aussi à quel point le jeune peut se montrer coriace, et en deux mois, il se doute que ça n'a pas du changer beaucoup et encore moins s'il a gagné en puissance. Haru passe une main dans ses cheveux décolorés, pensif. L'invocatrice finit par lui parler de l'extension incomplète qu'il a effectué. Haru la relance.

« Il est comment son territoire ? »

Il doit en savoir le plus possible. Elle lui indique déjà qu'il ne subira pas de dégat physique, mais il se doute que le plus dangereux là-dedans c'est le sorti inné de Daisuke Sato. La plus grande difficulté face à lui, c'est de ne pas perdre pied. Une fois dans son territoire, il lui faudra en sortir le plus vite possible. Ou bien ne pas lui laisser le temps de le lancer. Quand bien même, il lui faut une porte de secours si aucune des deux solutions supposées n'est possible. Haru réfléchit. Comment parer un territoire incomplet ?

Dans tous les cas, et même s'il écoute encore Ibara, il lui faut trouver Asuma et en tirer le maximum d'information. Il lui faut aussi en apprendre plus sur la vie de ce Daisuke. Ses proches, ses erreurs, ses aspérités. Tout ce qui pourrait lui servir pour le déstabiliser. A son âge, on est à fleur de peau. C'est difficile de mettre ses sentiments de côté. Haru pense à une façon de l'affaiblir. Asuma saura, lui. Du moins lui donnera t-il des choses à se mettre sous la dent concernant son passé.
Pour ce qui est de sa vie actuelle, Haru doit creuser. Il creusera.

Haru l'écoute sagement. Une mer de nuages, une statue aux mille bras... Il n'est pas stupide, il comprend très vite à quoi ils doivent servir. Avec ça, Daisuke peut jouer de son sort très vite et efficacement. C'est encore une extension incomplète, donc pas insurmontable pour lui. Il doute pouvoir gérer la même chose une fois que le jeune Sato aura maîtriser son territoire entièrement.
A entendre Ibara rager sur le fait que le petit progresse à une vitesse folle, Haru se fait la réflexion silencieuse qu'il lui faut se préparer à l'avenir. Il a vu Kenshin déployer un territoire lui aussi. Lui, il en est incapable. Rien ne vient. Il ne s'acharnera pas, il a entendu dire depuis le lycée que certains exorcistes sont juste incapables d'avoir une extension de territoire. Peut-être bien qu'il fait partie de ce lot là. Et que c'est comme ça.
Il l'accepte, il trouvera autre chose. Lui aussi, il doit devenir encore plus fort et se donner les moyens de palier à ce manque.

« On ne nait pas tous égaux à ce niveau. »

C'est bien connu : 80% de la puissance d'un exorciste est décidé à sa naissance. Le lot de la génétique. Haru ne fait pas partie de ces élus. A 28 ans maintenant, il se fait rattraper en deux mois par un gosse d'à peine 20. Pour autant, il compte bien ne pas se laisser doubler.

« J'irai lui parler moi. Je sais comment m'y prendre avec les fous furieux. » siffle t-il à l'intention d'Ibara.

Il n'a pas envie qu'elle s'immisce dans ses plans et prenne les devants. Si elle doit lui être utile, c'est parce qu'il lui aura demandé de faire quelque chose. Il peut aller chercher ses informations tout seul auprès d'Asuma Sato. Ce n'est pas comme s'il n'a pas l'habitude de gérer des déviants mentaux, dont il fait assurément partie.
Haru se rend tout de même compte qu'il a pu être un peu sec dans sa réponse. Il lève les yeux sur l'invocatrice et son expression s'adoucie. Elle tombe dans le mille lorsqu'elle évoque qu'il veut se charger personnellement du cas du jeune Daisuke. Le coréen tire une clope de son paquet, sans l'allumer.

« Ibara... » commence t-il, bas. « Je ne vais pas t'empêcher de me filer un coup de main, mais entre lui et moi ça devient personnel et depuis plus longtemps que toi et lui. » Haru retire la cigarette d'entre ses lèvres, joue avec entre ses doigts. « Et puis, c'est mon rôle d'aller en première ligne. » Il rive son regard à celui de l'invocatrice. « Pour autant, l'honneur moi j'en ai rien à foutre. J'aurai sûrement besoin de toi mais je ne veux pas -tu m'entends ?- je ne veux pas que tu l'affrontes de nouveau. S'il doit y avoir échange de coup, ce sera avec moi. C'est compris ? »

C'est un ordre, sans nul détour.
Qu'elle le prenne mal si elle le veut, il en a rien à faire. Lui, ce qu'il voit c'est qu'elle lui obéira. Il est son supérieur hiérarchique maintenant après tout. Et puis, s'il lui demande ça, ce n'est pas par égo, mais bien pour la protéger elle et tous les autres. Il ne laissera pas ce Sato infliger d'autres dégats aux membres de l'ordre occulte. Il n'imagine même pas ce que ça ferait sur une Kumiko ou un Hanzo, déjà trop ballotés par la vie.

« Je vais parler à Asuma. Je vais demander à une amie spécialisée dans l'espionnage de me donner un max d'infos sur ce Daisuke Sato. Et je reviendrai vers toi quand je pourrais établir un plan. D'ici là, le mieux que tu puisses faire c'est d'éviter tout affrontement et en savoir plus sur lui. Tout peut être utile, Ibara. » explique t-il en allumant finalement sa cigarette. Il tire dessus puis souffle la fumée de toxines. « Si tu as du nouveau, je compte sur toi pour me le dire, mmh ? »

Haru lui lance un léger sourire. Elle a normalement son numéro de téléphone, depuis le temps.

Haru est bien d'accord avec ce qu'elle avance. Lui aussi a eu accès à l'occulte tard dans sa vie. Jusqu'à ce qu'il arrive au japon pour habiter avec sa mère en fait. Il était déjà pré-adolescent, et la découverte des fléaux et de son sort inné, en plus du déménagement, avaient été un fouillis sans nom à gérer. Tout ça avec l'alcoolisme et la dépression profonde de sa mère, liés intrinsèquement à la présence de multiples petits fléaux qu'elle avait elle-même produits, et le décès de son frère... Enfin.

Mais en soi, son sort et celui d'Ibara ne sont pas si mal pour contrer celui de Daisuke Sato. Il est inefficace sur les dragons de l'invocatrice, et elle a sûrement perdu en se laissant surprendre une première fois par le Sato, ce qui n'arrivera surement pas une seconde fois. Quant à Haru, l'obsidienne de son énergie occulte condensée est suffisante pour faire barrage au sort du jeune exorciste. Il a juste à se protéger au bon moment, et comme l'autre voudra lui infliger un maximum de coups pour le plonger de nouveau dans les illusions de son sortilège, il lui faudra revêtir la totale. Ce qui en soit n'est pas un problème si le combat ne s'éternise pas. Mais l'un comme pour l'autre... Cela se jouera à l'endurance comme pour leur premier affrontement.

Haru a un léger relevé du coin de ses lèvres lorsqu'Ibara lui conseille de ne pas dire à Asuma qu'il est fou. S'il l'a déjà dit à Hanzo et qu'entre eux, c'est devenu une blague récurrente, il ne lui viendrait pas à l'idée de balancer ça à Asuma Sato. Le bougre est réputé pour son mauvais tempérament, en plus de ne jamais savoir à quelle personnalité on cause. Des gens difficiles d'approche, mais s'il peut gérer un schizophrène depuis plusieurs années, il n'aura pas de mal à rester patient devant un trouble mental comme celui d'Asuma.
L'Ordre est vraiment une réunion d'exorcistes fracassés par la vie, d'une façon ou d'une autre. Haru se rend compte que peut-être s'il reste, ce n'est plus vraiment pour ses idéaux. Il y a maintenant trop de personnel ici. Azra, Hanzo, Kumiko. Kenshin, Ibara. Morgan. Et tous les autres. Même ce connard de Toru.

Ibara accepte de le lui laisser, sans s'opposer à cette idée. Le grand coréen l'écoute ensuite, lorsqu'elle avoue avoir peur du jeune Sato. A raison. Haru est touché de la voir s'ouvrir à lui et avouer ses craintes. Il la comprend : lui-même a longtemps réfléchi à l'idée de faire de nouveau face au sort inné de ce Daisuke. Lui-même passe de nombreuses nuits à ne pas en dormir, ou à devoir gérer des paralysies du sommeil. Mais s'il doit y avoir quelqu'un qui règle ce problème, ce doit être lui. Il se rapproche un peu de l'invocatrice, mu par un instinct de protection.

« Tu n'auras pas à l'affronter de nouveau. » lui dit-il, d'un ton calme. « Je te le promets. »

S'il arrive à tenir ses promesses, c'est un autre débat. En tout cas, il essaye toujours d'aller au bout de celles-ci. Et pour le coup, Haru est certain de ce qu'il avance. Devant ce Daisuke, il n'y aura plus personne que lui.
Il hausse un sourcil lorsqu'elle lui dit posséder le numéro de téléphone de leur nouvelle cible. Ça sera toujours utile après tout, c'est même carrément une information de qualité qu'elle lui sort. Haru le prend et le note dans son propre téléphone. Il observe Ibara checker quelque chose sur le sien, et lui sourit quand elle lui dit vouloir progresser dans ses compétences. Lui aussi doit faire ça. Elle a l'air déterminé, et elle n'a plus rien à voir avec la jeune femme un peu paumée d'il y a quelques minutes. Cette vision lui fait plaisir, elle a retrouvé du poil de la bête.

« Ouais... Moi aussi, j'ai du taff. » Il tire sur sa cigarette. « Je te recontacterai dès que j'aurais du nouveau. »

En plus de Yatsuatari, il lui faut d'autres armes pour contrer des sorts qu'il ne saurait gérer. Haru n'aime pas trop ça, mais il se donnera les moyens de protéger les gens qui comptent à ses yeux.
Enfin, tous les deux ont finalement quelque chose à faire et cette conversation a eu beaucoup de bon. Haru glisses son regard rougeoyant sur la rouquine, beaucoup plus détendu à présent en sa présence. Ils ont pu mettre les choses à plat, ils vont collaborer ensemble et quelque part, Ibara est touchante à ses yeux. Peut-être qu'il aurait pu lui parler plus tôt, et rester plus ouvert au dialogue avec elle. Même si le coup du duel avec Kenshin reste un évènement pour lequel il lui donne totalement tort, il ne peut s'empêcher de penser qu'il l'a jugée trop fort.

« Ibara. »

Haru hésite un instant, coince sa cigarette entre deux doigts puis ouvre ses bras doucement. Et c'est peut-être la meilleure manière pour lui d'exprimer ce qu'il ressent à présent. Enterrer définitivement la hache de guerre, et l'accepter finalement. Avec ses aspérités.
Parce que lui aussi, il est loin d'être parfait.

Les interrogations d'Ibara sont justifiées. Haru a déjà réfléchi à comment contourner le problème du sort du jeune Daisuke Sato, et la réponse est assez claire. Il a deux possibilités, finalement. Sans compter sur le soutien de cette gonzesse, qu'ils ont vu tous les deux. Il ne connait rien d'elle, mais d'après l'invocatrice elle a l'air proche de ce Daisuke. Il devrait peut-être creuser un peu plus de ce côté-là.

« Probablement. Je ne sais pas qui c'est, mais si on se renseigne sur lui, on finira pas le savoir. » Haru passe une main dans ses cheveux en tirant sur la fin de sa cigarette. « Enfin, j'ai ma petite idée sur comment me charger du cas du faucheur. »

Le grand coréen écrase la clope entre ses doigts, avant de ranger le mégot dans son cendrier de poche.

« Le plan A, c'est de le neutraliser avant qu'il puisse étendre son domaine. Si je suis plus rapide et plus fort, c'est faisable. » Encore fallait-il qu'il soit effectivement plus rapide, et plus fort. Mais ça, il allait y travailler. « Et si j'y arrive pas, alors je passerais au plan B : je peux toujours contrer son sort dans son domaine, ça sera juste pas du tout une partie de plaisir. Si ça reste un territoire incomplet, j'ai juste à m'échapper de la zone, ou à l'expulser en dehors. L'un des deux. » Il hausse les épaules. « En tout cas, si j'y arrive, il sera à bout de son énergie, et ce sera du gâteau pour moi après. »

Haru glisse ses yeux sur l'invocatrice. En soi, le duel serait tendax mais il a ses chances contre le jeune exorciste. Seulement voilà... Haru n'en a rien à foutre d'un 1 contre 1 avec lui. Il a vendu son honneur il y a bien longtemps.

« Mais c'est pas le plan de base, que je l'affrontes comme ça. » Il a envie de fumer encore. « On va le piéger. Je sais pas encore comment, mais je compte pas avoir de pitié pour lui. Qu'il reparte en rampant, je m'en fous, s'il a compris la leçon. »

Haru l'a laissé en vie, lors de leur premier affrontement. Il ne compte pas le tuer. Mais s'il lui faut lui casser les quatre membres et lui arracher une côte pour qu'il comprenne, il le fera.
Enfin, Ibara finit par se laisser aller à une embrassade. Haru la garde contre lui un moment, referme ses bras autour d'elle, et pose sa tête contre la sienne, dans les cheveux rouges. Il n'y a rien à dire, il n'a rien à dire, finalement. Le geste parle pour lui. Tout est pardonné. C'est entendu, il a compris. Maintenant, il prendra soin d'elle aussi.

Mais enfin, tout a une fin, et leur entrevue aussi. Elle semble de nouveau capable de s'occuper d'elle convenablement, et il a fini son travail auprès d'elle. Haru hoche la tête à ses mots, fait volte-face et la salue d'un geste de la main dans le vent.

« Je te recontacte. »