Je suppose que la première chose qu'on remarque chez moi, c'est le masque de médecin de la peste. Il n'est pas là pour rien. J'aurais pu mettre un masque tout simple, sinon. Il est rempli d'herbes aromatiques, comme dans l'ancien temps, pour avoir l'impression de sentir autre chose que la puanteur ambiante : de toute façon, même si certains jugent ça extravagant, je suis presque accro à cet accessoire. Sans, je deviens extrêmement nerveux à en faire des crises de panique. Je ne supporte pas la saleté, alors je m'habille en conséquence. Le bec, c'est pour l'odeur, mais je ne sort jamais sans mes gants, non plus. Faudrait pas que des poussières se retrouvent même sur le bout de mes doigts, sinon la sueur commence à perler sur mon front. Bordel, je déteste être sale. Si je prend soin de mon corps, ce n'est pas pour rien. Enfin, vous méprenez pas. Quand je dis que je prends soin de moi, c'est encore au niveau de la propreté : je passe plus de temps dans la salle de bain que dans n'importe quelle autre pièce. Je passe sous la douche matin, après midi après une mission, soir, la nuit quand j'en ai besoin, comme une drogue. Alors le lavabo pour me laver le crâne, vous imaginez bien ... En revanche, pour ce qui est de prendre soin de son corps en tant qu'exorciste ... Il faut dire que je ne m'entraîne pas des masses. Je soulève des poids d'un bras, quelques fois par mois, quand j'ai pas trop la flemme. Mais c'est pas sur la force physique que je me repose. J'ai un corps que je qualifierai de commun. Pas trop musclé, pas trop maigre non plus. Pourquoi se foutre des patates dans la tronche quand on est dans un monde moderne avec des flingues ? Pourquoi se faire chier et s'abîmer, se retrouver avec le sang d'un autre sur le visage, ou même le sien rempli de coupures. Avec un flingue, une balle et c'est fini. On a plus l'occasion de s'inquiéter que son corps se fait bouffer par des mouches après.

En dehors de ça, je suis un professionnel, alors je m'apprête en conséquence. Une chemise accompagnée d'une cravate, mais le costard de rigueur laisse ici place à un manteau à fourrure. Pour garder une certaine classe, mais aussi protéger les chemises de toutes les poussières envahissantes et autres liquides indésirables tel que du café ou du sang qui pourraient venir s'y coller, et donc, s'approcher au plus près de ma peau. Si vous n'aviez pas compris, je suis un maniaque de la propreté, et ça se répercute sur toute ma garde robe. On me vanne beaucoup sur le fait que ça fait méchant haut gradé qui se pare d'une énorme veste pour y afficher toute ses décorations. Moi j'ai pas de décorations, j'ai rien mérité pour, au contraire. Par contre des blousons, j'en ai des tas. Des chemises aussi, et pour qu'on voit bien mon accoutrement, j'ouvre toujours largement le manteau. Qu'on ne vienne pas me dire que je prend le taff à la légère, hein.

J'ai les cheveux courts. C'est pour aller dans le sens du professionnalisme, aussi : personne pour m'agripper les cheveux, donc aucune tactique de ce côté là à exploiter pour mon ennemi, et aucun moyen que des doigts complètement crades m'agrippent, aussi. Mes yeux sont perçant. C'est l'une de mes seules qualités physiques que je pourrais compter, alors je vais pas me priver pour me jeter des fleurs là dessus. Que je sois fatigué ou en plein combat, ils s'accrochent à mon adversaire pour lui insuffler autant de terreur que pourrais le faire Jack. Plus d'un se sont arrêtés une seconde de trop devant l'intensité de ceux-ci. Pas parce qu'ils les admiraient parce qu'ils sont trop beau ou je sais pas qu'elle autre connerie, mais de ce qu'on m'en a dit, les gens ont l'impression que je rentre directement dans leur cerveau, dans leur âme, quand je les regarde. Que je lis en eux comme dans un livre ouvert. C'est putain de faux. J'ai déjà du mal à lire en moi même, c'est pas pour m'occuper de l'esprit des autres. J'suis déjà à moitié dingo, c'est pas pour finir à l'asile en trifouillant dans le crâne de certains. Mais dire que ces yeux ne sont pas spéciaux serait mentir. Après tout, ma bonne vue m'a permis à de nombreuses reprises d'accomplir des missions. C'est utile quand on est un tireur.

Sinon, Jack ... Je dois vraiment parler de Jack ? Le problème de Jack, c'est qu'il a un physique différent chaque jour. Enfin, c'est normal puisqu'il n'est plus la même personne. Ecoutez, je sais pas qui est Jack. Un coup c'est une nana bien montée, longs cheveux blonds qui lui descendraient presque jusqu'au bas du dos, un coup c'est un mafioso aussi taciturne qu'Haru ... Et moi, cela dit. J'aime bien sa forme mafioso. Costard cravate, rasé sur les côtés, se bat aux flingues, il me ressemble. Un coup c'est un vieux fou aussi malade que le Joker. Celui là je l'aime pas. Avec sa moustache blanche à la hercule Poirot, un monocle, et un chapeau représentatif de ce qu'on peut imaginer de l'éventreur. Un flic avec l'uniforme, casquette et tout. La gueule du flic ? Tous les flics ont la même gueule. Bourru, se la pète avec le peu de pouvoir qu'il a, voyez ? Sarcastique. Violences policières ... 'Fin attendez je dis pas que tous les policiers sont violents, je dis qu'on parle d'un flic qui a potentiellement buté des prostitués pendant ... Bon vous avez compris. Je vais m'arrêter là de toute façon. Jack est personne et tout le monde. Je vais pas vous faire un descriptif de tout Londres dans mon dossier, nan ?

Une description mentale ... La première chose qui me viendrait à l'esprit, ce serait de dire que j'suis pas tout seul, là dedans. Je partage ma tête avec ... Jack. Est-ce que c'est un Shikigami ? Si ça l'était, je ne comprends pas pourquoi il me parlerait. A l'intérieur comme à l'extérieur. C'est censé être silencieux, faire ce qu'on lui demande ... Mais faut croire que Jack, qui qu'il soit, qu'importe la forme, sauf le mafieux - c'est pour ça que je le préfère - aime à faire la causette. Un fléau ? Je ne comprends pas quand j'ai pu être maudit, ni quand j'ai fait un quelconque pacte ... Non, il s'agit d'un sort. Mais il est dans ma tête. Boah, j'ai jamais réellement compris. Je me suis jamais réellement posé la question. Il est là et c'est tout. Parfois, sa présence est rassurante, parfois, elle est agaçante. Parfois, je le matérialise sans même le vouloir et il parvient à me faire sursauter. Des fois j'ai l'impression de le voir alors que ce n'est pas lui. J'ai peut-être développé une forme de paranoïa. Son sourire narquois, carnassier, sarcastique, malade ou bienveillant ... Se répercute sur le visage d'autres personnes. Et si je ne le connaissais pas tellement ? Et s'il ne m'avait pas montré une de ses formes ? Il peut être n'importe qui, finalement. Et si, inconsciemment, je lui demande m'éliminer, sans que j'ai pu finir ma tâche ? Au final, ça serait rapide. Sauf si mes réflexes se sont améliorés et que je me défend. Mais ah, il n'y a pas à penser à ce genre de chose, n'est-ce pas ? Je n'ai pas fini ce que j'ai à faire. Bref, Jack est un mafieux consciencieux qui a élaboré les meurtres pour éloigner les flics des affaires du gang. Jack est un flic violent qui a pu détruire les preuves. Jack est le docteur de la famille royale qui a voulu éviter un scandale. Jack est femme de joie jalouse. Jack est un démon sanguinaire. Jack est le diable incarné. Jack est un putain de malade mental de tueur en série de merde. Mais Jack est franchement sympa, alors ce qu'il est d'autre, j'en ai rien à foutre. C'est pas comme si j'étais mieux.

Pas étonnant quand on a ce genre de dégénéré dans le crâne d'être morose, désabusé, fatigué, dépressif, blasé, de se prendre pour un fou et d'en être entouré. Le monde est malade. Les non exorcistes, je les appelle des malades, aussi. Ils sont nés handicapés dans un monde où fluctue l'énergie occulte, et ils ne se rendent même pas compte d'être aveugles, ils ne sont même pas au courant que leurs sens sont incomplets et parfois, leur joue des tours. Alors, j'ai toujours eu dans l'idée de les soigner. De les élever au niveau des exorcistes. Toute la population japonaise qui peut se servir de l'énergie occulte ... C'est une forme d'extermination des non exorcistes, non ? En tout cas, ça serait une solution au but ultime : plus de fléaux. Ou alors, il faudrait carrément détruire l'énergie occulte d'une manière ou d'une autre. C'est forcément possible, puisqu'on a pu au moins la contenir dans le Japon. Si on la voit comme quelque chose de vivant, comme la Force ... Eh bien, c'est tuable. Et a termes, ça signerait la fin de l'exorcisme et des fléaux. Et là vous vous dites : pourquoi tu cherches autant de solutions ? Tu fais parti de l'ordre occulte, bute tous ces singes ! Bah c'est parce que je ... J'ai ... Non, oui, ça ne vient pas de moi. C'est un rêve emprunté, mais je l'ai promis à quelqu'un. Mais cette promesse est la dernière chose qui me maintient en vie. Enfin peut-être pas. Disons que c'est la seule chose qui me ... Montre que je suis quelqu'un de bien ? Non. J'suis pas quelqu'un de bien. Alors c'est parce que ... Ouais, c'est parce qu'il ne reste rien d'autre d'elle. Alors une fois que j'aurais fait ça, c'est comme si elle avait accomplie quelque chose pour tout le monde, et que même si elle n'est plus là, son existence aura abouti à quelque chose, vous comprenez ? Non, forcément que vous pouvez pas comprendre.

Pourquoi j'ai rejoins l'ordre occulte, eux qui souhaitent décimer les non exorcistes purement et simplement ? Bah ... Ce sont les seuls qui se sont bougés pour trouver une solution. Les hautes sphères de l'exorcisme sont à la ramasse. Ils sont certainement heureux de pouvoir laisser un statut quo pareil. La guerre, c'est un business qui ne se tarit jamais. Il n'y a qu'à voir a quel point l'underground se frotte les mains devant tout les profits qu'ils peuvent se faire sur un contexte de bataille éternelle contre les maîtres des fléaux ou les fléaux eux mêmes. Les exorcistes sont inutiles. Même leurs meilleurs éléments, ils tabassent des classes S, agitent les bras et récupèrent les lauriers, sans capter une seule seconde qu'encore plus de fléaux ont été crées par leurs actions et que le fléau éliminé reviendra quoi qu'il arrive. Et même si je ne trouve pas une solution ... Eliminer tout les malades atteints d'une pandémie, ça permet de couper court au virus de se répandre et de détruire toute la population. C'est nécessaire. Mathématique. Imparable. C'est toujours mieux que de garder un tel statut quo.

Alors je teste activement plusieurs solutions que j'ai mis en place. J'expérimente. J'use de tous les moyens à ma disposition pour arriver à une conclusion satisfaisante. Mais en attendant, je dois effectuer quelques missions, rien que pour subvenir à mes besoins. Parce que bien que j'essaie de changer mon monde, c'est pas ça qui paye le loyer. J'essaye plusieurs fois de faire des missions faites pour des duo, en présentant Jack comme second partenaire. C'est plus rapide, et au moins je risque pas de tomber sur un partenaire qui me ferait chier. Mais on me connaît bien, maintenant, alors on m'envoie me faire foutre. Généralement, j'utilise presque Jack comme d'un soutien, et j'fais le boulot. Rapide, efficace. Si j'rate, Jack couvre. Il l'a toujours fait. C'est un connard démoniaque, c'est sûr. Mais c'est l'ami le plus fidèle que j'ai. Donc bon.

J'me suis souvent demandé s'il finirait par s'accaparer mon corps. Si mon cerveau partait en couille, et que j'deviendrais Jack. Vous savez, je déteste la saleté. J'me déteste pour ce que je fais au quotidien. J'sais bien que j'suis pas normal, d'être comme ça. De tuer avec un manque d'empathie flagrant, les seules personnes qui comptaient pour moi étant plus là. Et quand j'vois tous les dingos de l'ordre occulte, je me dis que j'suis pas le seul à être timbré. Et quand j'vois tous les soumis exorcistes, tous les malades qui arpentent les rues, tous les maîtres des fléaux qui agissent selon la volonté de Tengen ... Est-ce qu'il reste une seule personne normale de tout le Japon ? J'ai l'impression que tout ce pays est souillé. J'arrive plus a poser les doigts sur un verre sans me demander qui est le gros dégueulasse qui a porté ses doigts dessus juste avant. Quand j'ai mon visage à l'air libre, je sens la puanteur de ce qu'ils appellent des singes et de la crasse qu'ils laissent derrière eux, je sens l'odeur nauséabonde des fléaux, j'entends leurs cris angoissants ... Et je me dis que ce monde est pourrit jusqu'à la moelle. Je voudrais que tout soit putain de propre, parce qu'entre le monde et la situation ... Tout est crasseux. Et puis je me demande ... Est-ce que Jack ressentait la même chose ? Est-ce qu'il n'arrivait plus à respirer dans un monde où tout était oppressant ? Dans ce cas ... J'sais pas qui est passé à l'acte, qui a sombré dans la folie, mais j'me dis que ça pourrait bien être tout le monde.    

Je crois que c'est le moment où je parle le plus. Je n'aime pas beaucoup parler, surtout de moi, parce qu'il n'y a pas grand chose a en dire. Je suis pas celui qui mérite d'être décrit, de nos jours. Les meilleurs sont partis. C'est pour ça que Jack est une bénédiction. C'est un sujet de conversation intarissable parce qu'il ... Est tout le monde. Alors je peux en parler perpétuellement, sans en dire les mêmes choses. Vous voulez savoir ce qui fait de moi ce que je suis aujourd'hui ? Y'a qu'à demander de raconter la première fois qu'il est apparut.

C'était à l'heure d'une nuit pas si noire tant la lune brillait d'une lumière surnaturelle. Je me suis levé, en sueur, sans comprendre pourquoi, dans un bruit assourdissant. Au début, je n'ai pas compris d'où ça venait. La demeure familiale est assez reculée dans les terres, alors je vous explique pas la galère pour aller à l'école. Mais ouais, tout ça pour dire que le bruit ne pouvait pas venir de trente six endroits. D'autant que ça hurlait, à l'intérieur. En fait, ça venait de ma tête. Imaginez un gosse qui se réveille en pleine nuit après un cauchemar. Déjà, il se sent pas tout seul, dans sa chambre. Mais quand il se rend compte qu'il n'est pas tout seul, littéralement, ça fait quelque chose. En fait, ça paralyse de terreur, sur le coup. Et puis, quand la paralysie dure trop longtemps, que la terreur arrête de figer mais qu'elle se fait plus persistante et intense, vient la panique. Les hurlements viennent, les parents accourent. La soeur regarde perplexe à la porte. Et puis elle non plus, ne se sent pas toute seule. Et elle a bien raison. "Tue les, tues les ! Ils empestent !" "Je me demande si on pourrait recouvrir leur sang de tout l'étage" "Ils sont témoins de ta crise, tu devrais les éliminer avant qu'ils ne s'occupent de toi" "T'as un problème, petit ?" et les rires, les pleurs, les hurlements, tout qui se bouscule dans ma tête. Rassurez vous, aujourd'hui ça me fait plus comme ça. Mais ça me l'a fait pendant des années. Plein de Jack qui cohabitent ensemble, qui se parlent entre eux puis à moi même sans que je puisse vraiment discerner à qui il s'adresse tant j'entends des voix à l'intérieur de mon âme même. J'en tremblerait encore aujourd'hui, de toute cette merde, et je comprends même pas comment c'est apparut. Est-ce que j'ai fait un pacte sans le vouloir, est-ce que mon sort s'est développé d'un coup d'un seul ? Y'a plein d'explications plausibles. Pour moi, l'énergie occulte est vivante. Elle s'insinue en nous comme une maladie, ou une bénédiction appelez ça comme vous voulez, on peut produire la vie avec, elle se diffuse dans tout notre être, et moi, elle m'a foutu ces voix dans ma tête. Pour le doc non exorciste, j'ai juste des problèmes mentaux. Pour le doc de l'école de Tokyo, c'est mes problèmes mentaux qui sont apparut d'abord, et ça a conduit à cette représentation du sort inné. On a eu une grosse engueulade, à ce sujet. J'ai amené l'idée que c'est un fléau ou que mon énergie occulte à fait pondre Jack. Selon la science du doc, c'est pas possible. Les voix dans la tête, c'est pas le même Jack que mon sort, mais les voix dans la tête ont pu amener à invoquer Jack. Je pense à un Jack, a une des voix, je le matérialise, indépendamment de ma volonté ou non. C'est scientifique qu'elle dit. Bah, c'est pas le doc qui va soigner le monde. C'est que des théories et du blabla à la con. J'suis pas fou. Pas plus que d'autres. Non ?

Enfin bref, je me suis levé, je me suis cogné, je me suis trompé de chemin pour rejoindre les toilettes, et quand je suis arrivé, il y avait une femme ensanglantée que je ne connaissais pas. Je l'ai regardée, tétanisé. Elle s'approchait de moi, lentement, mais sûrement, un couteau tout aussi sanguinolant tenu haut dans sa main. Mes parents m'ont pris dans leur bras, et puis elle a disparut. Dès l'instant où je ne l'ai plus regardé, elle n'existait plus, et puis je me suis rendu compte que j'avais été le seul a l'avoir vu. Le seul ? Nan. Ma grande soeur m'a rassuré, un peu plus tard. Du mieux qu'elle le pouvait, parce que même elle n'avait jamais vu un sort si violent. Mais j'étais jeune, et j'utilisais Jack inconsciemment. Et si la femme avait disparut ... La musique ne parti pas. Pas dans ma tête. J'arrivais plus bien à dissocier la réalité à ce qui se passait dans mon esprit. Ma soeur entendait pas la musique. Mais elle avait vu la femme. Ce truc continuait de me hanter à l'intérieur. Ou j'suis complètement dingo, comme le dis le doc eh. Faites votre choix. Depuis quand les voix avaient dégénérés en une musique stridente ? Puis en une musique mélancolique ? Puis en une musique ... Angoissante ? "Queeeeeelle eeeeest ceeeeette mélooooodieeeee" que je me suis mis à crier. Je m'en souviens, parce que j'ai employé un terme qui n'était pas du tout ma manière de parler, à l'époque. Peut-être que dans la panique, j'ai fait de mon mieux. "C'est le requiem des victimes" "c'est la musique de la maison close" "c'est une berceuse" "c'est le son de ta descente aux enfers"

"Qui t'es putain de merde"

"J'en sais rien. Je suis personne et tout le monde. J'ai échappé à l'histoire pour m'inscrire dans le mythe. Mais je suis connu par le nom que la population à donné de moi. Mon nom, tu le connais, puisque je t'appartiens. Tu le connais, parce que tu es fasciné par moi. Tu ne te souviens pas ? Je suis JACK."

C'est l'une des seules fois où les voix se sont unies pour me parler. Ou qu'une seule, grave et imposante, s'est frayé un chemin dans l'amas de voix pour me parler distinctement. Et avec ça, mon imagination débordante à dû faire le reste, parce que plusieurs Jack se sont mit à attaquer ma famille. Ils ressemblaient à des gens lambda. Ils avaient des couteaux, des hachoirs, des ciseaux, toutes sortes d'outils qui pouvaient être dotés d'une lame. Et ils ont foncés sur mes proches, qui ne les voyaient pas. Vous vous imaginez sans doute que ce fut une boucherie. Que nenni. Ma grande soeur veillait sur moi, et elle a repoussée la horde, avec des techniques d'exorcistes qui semblent rudimentaire pour les hauts gradés aujourd'hui, mais qui pour moi était un trésor. Ma grande soeur à toujours été mon héroïne. A partir de ce moment, elle est devenue comme une déesse à mes yeux.

Mes parents n'ont pratiquement rien compris à la nuit qui s'était déroulé, mais elle les a marqués. Moi ? Elle m'a traumatisé. J'ai ensuite appris que ma soeur était une exorciste, et qu'elle avait guettée l'émergence de mes pouvoirs, si j'en avais. Elle a été là pour moi, au bon moment, sans quoi, un drame ce serait probablement produit. Alors j'ai suivit sa voie, et j'ai été amené à évoluer à l'école de Tokyo.

Les voix ne s'arrêtaient pas pour autant. J'ai dû apprendre à composer avec, à m'adapter, à les contrôler. Puis, je les laissait déferler, exprimer leur haine, leur folie, leur envie sur les fléaux qui se dressaient sur mon chemin lors des missions qu'on m'octroyait. Et peu à peu, moi aussi, je commençait à devenir fou. Mais assez rapidement finalement, j'ai eu toute les clés pour comprendre comme restreindre le sort, et comment le contrôler dans une certaine mesure. Le monde de l'exorcisme est fait de serments, et on peut s'en servir pour faire des pactes, augmentant la puissance de ses sorts en échange d'une contrepartie. J'ai fait de l'énorme défaut de Jack une carte à jouer qui m'a à la fois permis d'être tranquille, mais sans doute plus fort stratégiquement parlant. J'ai tout simplement limité l'apparition de Jack à une personne par jour, en échange d'une puissance occulte accrue pour l'avatar de Jack en question s'implantant dans le monde. Et d'un coup d'un seul, même si ce n'est jamais le même chaque jour, on passe de milles voix à une seule et unique. Un seul caractère. Une seule personne. Parfois, je ne peux pas décider qui s'implante le matin à mes côtés. Parfois je le peux, s'il ne se manifeste pas avant. Me regardez pas comme ça, je fais pas exprès de qui j'invoque. Je me doute que c'est un sort. C'est juste que je le contrôle difficilement, même après quelques serments. Je dois aussi révéler quand il devient plusieurs personnes, et ça scinde son énergie occulte. Enfin bref, je dois utiliser Jack de manière stratégique. C'est plus un soutien qu'autre chose, je préfère m'en utiliser comme d'un appui. Y'a rien de plus vrai que la gâchette, hein ?

En tout cas, j'ai pas mal œuvré en tant qu'exorciste dans la société occulte. Buter fléau, buter maître des fléaux ... En beaucoup d'aspect, c'est un travail de mercenaires. J'ai beaucoup parlé de la première apparition de Jack et du sauvetage de mes parents, j'vous ai pas parlés de leur mort. Ils sont morts par un fléau, alors qu'ils faisaient une sortie en amoureux. Dans un aquarium. Ils étaient malades, donc ils ont pas pu se défendre. Enfin, ils avaient pas de grippes ou quoi, ils sont juste nés sans énergies occultes. J'sais pas comment moi et ma sœur on est nés sains. Mais plus ça avançait, moins j'avais foi dans toute cette merde. On tue des fléaux, des fléaux reviennent. Les malades peuvent pas se défendre, ils meurent. On perds une centaine de malades, on tue un fléau, on en sauve une dizaine. De temps en temps dans la bataille, on perd deux trois frères exorcistes. Les comptes sont pas bons, et personne là haut fout rien. Personne branle rien pour changer ça. C'est à se demander s'il se font pas du bif sur la guerre. Si y'a pas un commerce caché qui m'échappe et que la guerre contre les fléaux amène pas les puissants à rester à se pavaner sur leur or gagnés sur le sang de ceux qui font tout le boulot.

J'aimais beaucoup mes parents, mais ils sont morts à un moment où j'étais résolu à les perdre, vu la société de merde dans laquelle on vivait. Pour moi, ils ont canés avant d'y passer, alors quand j'ai dû porter le cercueil, pour moi, à l'intérieur, c'était déjà un squelette dedans. Quand bien même j'allais les voir, je n'étais plus trop attachés. Comme si un fossé nous séparait. Qu'ils ne pouvaient pas me comprendre. Comme s'ils étaient des étrangers, finalement. La seule qui le pouvait, c'était ma sœur.

Ma sœur, je la voyais plus tant que ça en mission. Elle travaillait à mort pour un remède sur les malades. Y'a plusieurs théories qui lui martelait l'esprit : implanter des fléaux aux non exorcistes, leur infuser de l'énergie occulte, détruire l'énergie occulte - en même temps si on la voit comme une force vivante un peu comme dans star wars, c'est que ça peut-être tuer, m'voyez ? - ou déglinguer tout les malades pour amener à un nouvel âge d'or de l'exorciste et pondre que des mecs qui savent manier l'énergie occulte. Une terre neuve. Une terre brûlée, pour faire pousser un nouvel Eden.

Quand ma soeur est morte dans une mission quelconque, sans pouvoir mener à bien ses recherches, je me suis dis que j'allais poursuivre son travail. J'en ai rien à foutre, de ce qui va se passer après moi, qu'on soit bien clair. Mais elle a beaucoup compté pour moi, et je l'aimais. Enormément. Quand je parle, ça ne se ressent pas, parce que je n'arrive pas a exprimer mes sentiments. Surtout pas a des gens que je connais pas. Mais l'important, c'est que ça m'a assez marqué pour que je plaque tout, que j'envoie tout le monde se faire foutre, à mon petit rang, et que je rejoigne l'ordre occulte. Si les hautes instances se réglaient pas en des milliers d'année pour résoudre définitivement le problème des fléaux, peut-être que l'ordre occulte, malgré sa méthode que je n'utiliserai moi même qu'en dernier recours, saura se bouger un peu plus le cul. Moi vous savez, je suis pas un grand scientifique, je suis qu'un bras armé. Alors je trouverai peut-être pas le moyen de changer le monde, mais je peux aider ceux qui veulent le faire. Ce sera mon bras d'honneur aux hautes sphères de l'exorcisme, et je chercherai pour ma soeur un moyen d'exister. Elle mérite d'être reconnue. Si je trouve un moyen de changer tout ça, je dirai que ça vient d'elle. Je donnerai son nom. Rin Sanada.

Voilà quelques années que je suis dans l'ordre occulte, maintenant, et mon but n'a pas changé. Ce n'est pas le mien, mais c'est celui qui me permet d'avancer. D'avoir un objectif, vous voyez. Une fois qu'il sera accompli, je sais pas trop ce que je pourrais foutre. En attendant, on est là, hein.