Pour la sorcière, c’était, une journée, normal, si ce n’est peut-être qu’elle était un peu débordée par les nombreuses tâches qui s’étaient ajoutées à son quotidien. Depuis la nuit où cette Hanako avait fait irruption dans son jardin, elle ne savait plus où en donner de la tête. Lors de sa petite danse avec sa proie, cette femme fatale avait foutu un sacré bordel dans le sanctuaire de la dragonnière, et avait donc multiplié par deux ses tâches quotidiennes pour le remettre d’aplomb. Dissimuler les marques de griffes, acheter de nouveaux cailloux, greffer les arbres ayant été tailladés, tant de tâches demandant des efforts surhumains pour être accomplies seules.

Mais le truc était qu’Ibara n’était pas complètement humaine, elle était une exorciste. Pour ces besognes, elle pouvait faire appel à son sort inné, personne ne la surprendrait de toute manière, personne ne venait ici… En temps normal. Avoir un dragon capable de soulever des rochers faisant plusieurs dizaines de kilos ou de redresser des arbres par lui-même était presque de la triche, mais n’allez pas croire que cela lui permettait de garder l’argent qui lui avait été dédommagé en compensation pour elle-même ! Oh que non ! Il fallait bein les payer les cailloux et la terre, vous croyez quoi ! Puis les agrafes pour ses arbres, voir même les remplacements pour les arbres dans un état irrécupérable vous en faites quoi hein ?

Elle soupirait, cela suffira pour aujourd’hui, elle avait presque fini, et probablement que demain cela sera le dernier jour de travail. Pour la peine, elle se donnait un jour de paresse. Sans perdre un seul instant, elle se laissait tomber dans l’herbe verte et entretenue de son magnifique jardin traditionnel. Il faisait bon, le vent soufflait légèrement, et peu de nuages gâchaient la vue, Ibara laissait donc son long corps se relâcher, ses jambes se croiser, ses bras passer sur son ventre et ses doigts s’entrecroiser. Elle passait un bon moment, n’allons pas jusqu'à dire qu’elle était heureuse, mais pour l’heure, la légère fatigue qui suivait un travail bien fait la mettait à l’aise.

La sorcière resta allongée ainsi pendant un moment, ne changeant de position que le temps de retirer les bijoux ornant ses cheveux pour étaler ces derniers sur le sol. Elle se demandait si elle pouvait se laisser aller à une sieste, installée comme elle était. Si elle se laissait trop longtemps seule avec ses pensées, sûrement que son humeur allait finir par se détériorer, supposait-elle avant de finalement se décider à dormir. Elle fermait les yeux et apaisait sa respiration, faisant de son mieux pour ne penser à rien, un exercice qu’elle a souvent dû pratiquer. Ses pensées n’étaient jamais positives pour longtemps, cela allait plus vite de tout ignorer que de se convaincre qu’elle avait une raison ou le droit d’avoir des moments agréables comme celui-ci.

Le sommeil ne lui venait cependant pas pour dieu sait quelle raison. Elle poussait donc un long soupir et se relevait, du moins le haut de son corps. Qu’est-ce qui pouvait bien l’empêcher de dormir, que sa vie à l’ordre occulte allait de mal en pire avec chaque interaction avec un de ses collègues ? Elle n’aurait pas pensé que cela la perturbait autant que cela, sa propre fragilité émotionnelle la dégoûtait. Elle remontait ses genoux jusqu’à son torse avant de les embrasser un peu plus proche d’elle, le regard perdu dans le vide.

“Ils ne m'aiment pas et alors… Bon vent…”

La sorcière marmonnait, agissant plus comme un enfant que comme l’adulte qu’elle devrait être, elle-même le réalisait, mais n’avait pas de manière plus saine de gérer ses émotions. Peut-être devrait-elle retourner travailler, ou faire… Quelque chose, n’importe quoi qui ne la laisse pas tomber dans les tréfonds de son propre esprit. Elle soupirait une nouvelle fois, se levant sans motivation et se dirigeant sans conviction vers sa maison. Elle trouvera bien quelque chose à y faire là-bas. S’occuper de ses plantes carnivores, le ménages, lire peut-être. Il devait bien y avoir quelque chose à faire.

“Et évidemment, j’ai déjà tout fait ce matin… Je te déteste Ibara du passé.”

Il ne restait donc qu’à attendre la fin de la journée. La sorcière s'installe donc dans son petit salon, non sans passer ses doigts sur une dionée se trouvant sur son passage, c’était l’un des rares moments ou elle regrettait de ne pas avoir de télé, mais il lui restait la littérature et son lecteur de vinyle. Quant à quoi lire et quoi écouter… Autant elle serait pour s’abrutir sur du heavy metal, elle allait faire une exception cette fois et mettre du Elvis Presley. Quant à sa lecture… Non, pas la peine, de la bonne musique suffit à passer un bon moment.

“Oooooh oh oooh oooh ~”

La sorcière livrait un spectacle rare, dans le confort de sa propre maison, il ne lui était pas rare de chanter pour tromper son esprit, mais cela serait sans doute l’une des dernières choses que ses collègues pourraient l’imaginer faire. Elle se déplaçait à pas léger, même dans sa maison aux pièces claustrophobiques, elle arrivait à danser légèrement sans se cogner. C’est bien dommage que la majorité de l’humanité ne soit que des porcs sans pouvoirs, lorsqu’ils arrivaient à créer de bien belles choses une fois tous les dix ans. Cela ne balançait nullement à leurs torts et travers, bien sûr, pour toutes perles de pure talent, combien de crimes l’humanité commettait-elle ?

“Et toi, combien en as-tu commis ?”

L’exorciste s'arrêta net. Il n’y avait personne chez elle, si vous ne comptiez pas les plantes carnivores, mais elles ne sont pas censées pouvoir parler. Elle ne paniquait pas néanmoins, elle y était habituée maintenant, cela serait mentir de dire qu’elle était surprise de quelque chose qui se répétait depuis des années maintenant.

“Tu n’es pas réelle, va-t’en.”

Elle se raidissait, et toute trace de son allégresse disparut aussitôt. Il n’y avait plus que le bruit d’un lecteur vinyle tournant dans le vide qu’elle s’empressa d’arrêter. Elle n’avait pas besoin de tourner la tête pour voir d’où venait cette voix, elle savait très bien à qui elle appartenait. Cela ne l’enchantait pas du tout, parce que cela voulait dire qu’elle devait aller dans ses placards pour chercher des bijoux. Elle devait s’occuper, répéter ses routines et se calmer, et surtout ne pas laisser cette voix lui monter la tête en bourrique.

“Ce n’est pas une manière de parler à ta mère.”

“Tu n’es pas ma mère, tu es une preuve de plus que je suis foutu de travers.”

“Tu peux invoquer des dragons faisant trois fois ta taille et tu ne penses pas que je reviendrai te hanter ?”

La sorcière adressait un doigt d’honneur derrière elle, bien sûr qu’elle n’y croyait pas, ce n’était pas comme ça que cela marchait. Cette grognasse était morte dévorée par un shikigami, il ne restait plus rien de son âme ou de l’énergie occulte qui aurait pu, à la suite de sa mort, former un fléau. Non, il serait bien plus logique que ce soit son beau-père qui la hante, puisque que lui avait été tué de manière classique, mais non, elle savait pourquoi c’était elle qui était l’image de sa culpabilité. Et en ouvrant un tiroir à la volée, elle ne manquait pas de se le rappeler.

“C’était de la légitime défense, tu n’as aucun droit de me hanter ! C’est ta faute si tu t’es jeté sur moi avec un couteau !”

“Moi peut-être, mais tu n’as pas chômé depuis, est-ce que c’était de la légitime défense aussi ?”


Ibara claquait de la langue, à quoi cela servait de se disputer avec une bribe de son imagination qui aura toujours le dessus dans une joute verbale ? Elle attrapait de ses mains tremblantes une fine chaîne en argent, avant de tracer vers le salon à nouveau pour se mettre devant un miroir. Non, elle ne s’était pas tourné les pouces, elle ne se laisserait pas pourrir par sa culpabilité. Elle avait passé des années à ramasser les morceaux que sa salope de mère avait cassés, elle ne pouvait pas les replacer comme ils étaient avant, mais elle pouvait les coller ensemble pour faire comme si. Devant son miroir, elle se tressait les cheveux. Ce n’était pas se regarder qui calmait ses nerfs ou son esprit, mais le geste répétitif et maîtrisé. Une “routine”, du moins c’est le nom qu’on lui avait donné pour décrire cette méthode. De toutes les manières de calmer une crise de panique, c’était celle qu’elle préférait, parce qu’elle pouvait faire quelque chose, elle ne s’enfonçait pas dans l’impression d’être inutile, remplaçable, jetable.

Ses yeux glissaient sur le coin du miroir, elle était là, la regardait, mais ne disait plus rien. Elle ne tardera pas à disparaître, et Ibara n’aura pas à s’en préoccuper, jusqu’à la prochaine fois, et celle d’après. Elle pouvait commencer dès maintenant, finissant ses tresses en les attachants à l’arrière de sa tête avec la chaîne, avant de dire à voix haute pour se rassurer.

“Je le fais pour qu’il n’y ait pas d’autres gens comme moi, tu étais un accident.”

La sonnette retentit, faisant sursauter au même moment la sorcière. Elle devait vraiment la couper, pas que les battements dans la porte lui feraient moins peur. Mais soit, elle avait fini de toute manière, et il ne restait plus rien derrière elle. Qui pouvait bien toquer chez elle, quelqu’un de l’ordre ? Un touriste ? Elle haussait les yeux, déjà saoulée à l’idée de devoir interagir avec un inconnu, mais elle ne pouvait pas ignorer cette sonnette plus longtemps, et allait donc ouvrir.

“C’est pour ?”

Il faut dire qu'après avoir posé les yeux sur un tel jardin, Daisuke s'en prit plein les mirettes. Il commençait à avoir l'habitude, en ce moment : lorsqu'il avait fait la mission avec Hanako et qu'il avait eu l'impression d'avoir des yeux en diamant tant tout ce qu'il regardait brillait et suintait le luxe, au monastère devant les paysages magnifiques que pouvaient offrir la nature autour de lui, le visage de Kasca qui ne voulait pas quitter son crâne, encore moins depuis le voyage jusqu'à Nara. Elle avait élu domicile dans son esprit et ne voulait pas le quitter. Pas comme si ça le dérangeait, cela dit, la première fois qu'il l'avait rencontrée, il avait rapidement compris qu'elle était spéciale, sans doute parce qu'elle avait extrêmement bien réagit à Noble Truth, qu'elle se l'était presque accaparée en utilisant le sort à son avantage pour planer. Dans l'esprit de Daisuke, Kasca avait tellement souhaité être une Umino parfaite que ce qu'elle avait vu était le monde extérieur qui s'ouvrait à elle. Et plutôt que de le fuir, elle l'a accueilli les bras ouverts. C'est un peu comme si ... Elle avait été la première qu'il avait rencontré qui avait saisi le principe de son sort inné. Comme si elle était la première qui atteindrait le stade de l'éveil grâce à lui. Celle qui était la plus proche d'atteindre le Nirvana.

Depuis leur retour du monastère, les deux exorcistes étaient plus proche que jamais. Littéralement. Malgré tout, l'action lui avait manqué, aussi avait-il décidé de partir sans plus tarder sur la trace des membres de l'ordre occulte, dont il avait déniché certains indices suite à une mission justement avec Kasca, mais aussi dans une autre où il avait été interrompu par Zenzo. Quelques recherches, quelques fouilles et quelques noms pointèrent le bout de leur nez. Il y a toujours des registres compromettants dans les repères de grands groupes, forcément.

Daisuke n'avait pas fait la même erreur que lorsqu'il avait dû composer avec le chien des Umino, et il avait cette fois demandé l'aide de sa camarade pour traquer ses proies. Ainsi, si cette dernière était sur un autre nom de sa liste, lui devait s'occuper d'une personne dont il ne connaissait rien, si ce n'est l'adresse : Homura Ibara.

Et quelle adresse ! Un jardin tel qu'il en avait rarement vu, surtout s'il n'y avait qu'une seule personne pour s'en occuper. Un large terrain fleurit, verdoyant, coloré, avec un petit étang. Il n'avait pas encore rencontré la propriétaire des lieux qu'il avait déjà un grand respect pour une personne qui avait pu aménager l'endroit et y prendre si soin, car bien qu'on n'y comprenne pas tout le travail qu'il y avait à fournir pour garder un lieu comme celui-ci aussi propre, il était indéniable qu'elle avait dû mettre les mains dans la boue et suer comme pas possible pour en prendre soin comme il fallait. Avec le soleil a son zénith qui tapait haut depuis le ciel et barrait le côté gauche de son corps, Daisuke n'aurait pas pu être plus optimiste, ni de meilleure humeur, ni avec un moral plus haut. Même s'il avait de grandes chances de combattre, ce n'est pas comme s'il exécrait l'activité, bien au contraire. Un petit face à face dans un tel environnement mit en valeur par une météo clémente ... C'est l'une des choses qui se rapproche le plus d'une après midi parfaite. Pour ne pas abîmer la pelouse, il se mit à sautiller sur les plaques de béton disposées allant jusqu'à la petite maison au fond, essayant de ne pas faire dépasser son pied - oui, Daisuke n'avait jamais vraiment grandit - et il parvint finalement jusqu'à la sonnette, qu'il fit retentir juste après avoir posé son sac contenant sa faux sur le côté.

Si le beau temps lui donnait envie d'enlever son t-shirt rouge, il n'en fit rien, parce que s'il n'avait que peu de manière, ce n'est pas en passant pour un fou qu'il pourrait entamer un dialogue, tout de même. La porte s'ouvrit finalement sur une jeune femme à chevelure rouge repliée en tresse, le visage un peu dur et fatiguée, peut-être un peu agacée, une impression de l'héritier des Sato bientôt confirmée par une entrée en matière un peu brusque. Dis donc, fallait qu'elle se calme un peu, la madame, c'est qu'elle avait l'air bien sévère. En même temps, quand on est dans l'ordre occulte, c'est pas parce que tout va bien dans notre vie. Mais sur le coup, Dai lui laissa le bénéfice du doute. Après tout, il était la pour "la sauver". Lui faire changer de point de vue, et d'avis. Il n'était pas là pour mettre tout l'ordre occulte derrière les barreaux. Il devait les sauver d'un chemin tout tracé vers leur perte. Aussi, malgré sa surprise devant l'accueil, décida t-il de lâcher un sourire dont il avait le secret.

"Vous féliciter de ce très beau jardin"

Il déploya son bras gauche - qui avait tant souffert - pour montrer d'un large geste la propriété qu'il venait de traverser.

"J'en ai pas vu de tel entretenue par une personne seule depuis des années, et franchement c'est très cool a regarder. En vrai ça doit être franchement sympa de s'y perdre, de s'allonger sur l'herbe surtout avec ce genre de temps et de se faire une petite sieste à côté des fleurs et du lac. Faudrait faire une petite fontaine, pour le bruit reposant, c'est vachement relaxant vous savez ?"

Le beau parleur s'accroupit pour ouvrir son sac et en sortir sa faux, qu'il montra en la penchant vers sa droite pour en montrer la lame à son interlocutrice.

"Quand j'étais jeune, j'ai pas mal dû travailler la terre. Je pourrais postuler ici pour entretenir tout ça, ça me ferait plaisir." lâcha t-il à nouveau en plissant les yeux et en montrant toutes ses dents. Mais la lame pointa finalement vers le sol, une fois les formulations de politesse terminées. "Mais nous avons a parler aussi un peu plus sérieusement, alors ... Parlons affaire. Je serai franchement curieux de connaître votre histoire. Après tout, nous faisons partis du même monde." continua t-il finalement avec un clin d'oeil, attendant la réponse de celle qu'il avait cueilli chez elle, droit dans son territoire ... Tout droit même dans son terrier.

Dai outfit:

Le jardinage était l’un des seuls talents de la dragonnière. Dans les moments les plus durs, lorsqu’elle était seule, lorsqu’elle ne voulait plus penser, plus souffrir, plus vivre, elle trouvait toujours refuge dans ce passe temps. Il y avait quelque chose de libérateur à s’occuper ainsi d’une autre forme de vie, de lui permettre de naître, de s’épanouir et de vivre, quelque chose qui la sortait de ses idées noires et qui lui permettait d’ignorer son passé, son présent et son futur. En tant que fière travailleuse de la terre, il y avait une certaine joie à entendre quelqu’un complimenter l'œuvre de sa courte vie. Son visage sévère et fatigué s'adoucit en deux temps, d’abord à l’entente de cet étranger, frappant dans le mille pour piquer son intérêt, puis en le regardant avec un peu plus d’attention. De son agacement et de sa fatigue ne restait plus que l’épuisement, et après une courte concertation intérieure, elle décida de sortir pour l’entendre, fermant derrière elle sa porte.

“Soit. Je t'écoute.”

Appuyant ses deux mains contre ta porte, puis le reste de son corps sur ces dernières, la sorcière rouge était plus que disposée à laisser au grand maximum vingt minutes à cet homme pour s’expliquer. Si elle n’aimait pas être dérangée, particulièrement après un épisode où ce dont elle avait besoin était du repos, elle pouvait toujours laisser un peu de son temps à un autre exorciste. Bien qu’il ne se soit pas présenté comme tel au début, ce genre de chose échappe rarement à Ibara, ses yeux avaient le chic pour voir l’énergie occulte des gens, même si cela relevait plus de l’habitude que d’une véritable faculté. S’il n’avait pas été un exorciste, elle lui aurait laissé 5 minutes avant de partir, seulement parce qu’elle ne voulait pas salir de sang son jardin si elle pouvait l’éviter. Peut-être sept, parce que celui-là n'était pas vilain à l'œil, dirons-nous, mais pas plus.

Il soulevait le besoin d’une fontaine dans son antre, pour avoir une ambiance sonore plus relaxante qu’il disait. Elle n’était pas fan de l’idée, une fontaine, c’est avant tout beaucoup de tuyauterie passant sous terre, et en plus de nécessiter beaucoup d’eau, c’était couteau en énergie. Pour avoir un bruit de fond, il y avait de meilleurs moyens d’investir son argent. Puis, elle préférerait que son jardin soit composé de plantes le plus possible, une fontaine ne ferait que prendre de la place.

“Sans-façon. Cela ne serait pas adapté à ce jardin.”

Même si elle avait pris en compte les détails d’une telle installation, elle ne s’étendait pas plus que cela face à son interlocuteur. Elle ne lui avait accordé que vingt minutes, il serait cruel pour elle de grignoter ces vingt minutes de son temps avec son charabia. Il semblerait que son visiteur ait, de toute manières, autre chose en tête. Il sortit de son sac - sac qu’Ibara n’avait pas vraiment vu, son attention étant dirigée ailleurs - une faux qui servait probablement à tout, sauf à couper du blé. Encore une fois, même si c’était une énergie bien faible, elle arrivait à y déceler une certaine présence propre aux armes occultes.

“Je n’ai pas de quoi payer du personnel, et je ne voudrais pas que quelqu’un touche à mon sanctuaire.”

S’il travaillait la tête depuis tout petit, cela expliquait son physique si… Aguicheur. Ce n’était pas bon pour Ibara néanmoins, la sorcière n’était pas particulièrement forte, et au fil de ses actions, elle se doutait bien qu’il ne fût pas là pour prendre le thé. Il devait très probablement être un exorciste, il n’avait pas l’aura des cultistes qu’elle avait pu croiser jusqu’ici, et s’il en était un, et bien chapeau à lui, il savait très bien cacher sa soif de sang. Parlons donc sérieusement, comme il le propose, mais la suite de sa phrase ne manquait pas d’arracher un rictus, puis quelques gloussements à la sorcière. Il était un exorciste, cela répondait à la question, d’une certaine manière.

"Désolé désolé, je ne suis pas habitué à la naïveté de mes pairs."

Vouloir entendre son histoire était une assez bonne blague, maintenant qu’elle y réfléchissait. Qu’est-ce qu’il y avait à entendre ? Et surtout, qu’est-ce qu’il pourrait bien en dire, lui dire, après l’avoir entendu ? Serait-il sympathique, lui dirait-il qu’elle a souffert, qu’il est désolé, que les choses n’ont pas à continuer ainsi ? La rejoindrait-elle parmi l’ordre occulte ? Nan, ce n’était pas la peine de s’imaginer un scénario. La réponse était dans ses propres mots, ou dans l’erreur qu’il avait commis. Il avait dit faire partie de son monde, or en le regardant, c’était impossible qu’il ne se trompe pas.

“Comment pourrait-on faire partie du même monde, alors que tu as cette lumière, cette gentillesse dans les yeux, et que moi, je n’ai rien dans les miens ?”

Elle n’avait ni colère, ni peur, ni appréhension, ni joie. Ses yeux n’étaient qu’un trou noir reflétant son cœur flétrit, un paradoxe comparé à son langage corporel trahissant la colère et la rage qui l’habitait. Au final, ses expressions reflétaient le feu ardent qui la consumait, et il n’était que logique que ses iris, malgré leur couleur rouge sanglante, soient le charbon qui reste une fois le feu éteint. Cet homme n’avait pas cela, son regard n'appartient pas à son monde. Il n’avait pas la froideur mécanique des yeux de cette maîtresse des fléaux qu’elle avait rencontrés au Mont Mitake, ou ce désintérêt pour la vie de ce prêtre. Finalement, elle haussait les épaules, cela n’était pas la peine de le lui expliquer, elle doutait que quelqu’un voyant la beauté du monde puisse comprendre le point de vie de la fille qui en était dépourvue.

“Je vois néanmoins de quoi tu parles. Tu es un exorciste, n’est-ce pas ? Tu appartiens à une grande famille ?”

Un exorciste qui connaissait son nom et son adresse, mais pas son passé. Est-ce que ses informations auraient fuité ? Elle n’avait pas fait de vague dernièrement, c’était étrange qu’un exorciste vienne directement toquer à sa porte, elle n’était pas particulièrement importante dans son organisation, elle ne pensait pas qu’elle serait la cible d’une intervention des cucul-la-praline. Peut-être était-elle simplement la malchanceuse, la première sur une longue liste d'arrestations. C’est fâcheux si c’était le cas.

“Quel intérêt y a-t-il à raconter sa vie à quelqu’un ayant déjà sorti son arme ?”

Très fâcheux en effet, parce qu’elle ne voyait pas en cet homme une proie facile. Ibara avait rencontré suffisamment d’exorciste pour avoir une vague idée de quand elle était surclassée et quand elle pouvait s’économiser. Ce n’était pas le cas-là. Elle ne commettra pas deux fois la même erreur cependant, cette fois, elle utilisera tout ce qu’elle avait à disposition pour gagner, ou au moins, ne pas finir perdante. Si elle pouvait éviter l’affrontement, ce serait pour le mieux.

“Si la curiosité te ronge, demande à un juge d’accéder à mon casier. Je pense ne pas me tromper en disant que peu importe ce que je pourrais dire, j'ai réalisé que les personnes comme toi chercheront à me faire changer plutôt que se changer eux-mêmes.”

Sa tête se penchait sur le côté, laissant passer des pétales de roses qui avaient commencé à tourbillonner autour d’elle lorsqu’elle a commencé sa seconde phrase. Ses roses se densifièrent, puis derrière ce rideau rouge sang, une tête de reptile noire apparut, puis un coup, un corps à la forme d’une rose rouge, des ailes faites de pétales, des griffes puissantes, et enfin, une queue à l’apparence d’une ronce. La sorcière passait sa main sur le coup de son invocation, cette dernière ouvrait ses yeux dorés et les fixait sur l’intrus, un regard bien plus expressif que les yeux dénués de vie de sa maîtresse. Il n’était pas seul, à ses pieds se trouvaient quatre dragons supplémentaires, rouge, rose, blanc et bleu. Tous d’apparence variées, ne gardant comme consistance entre eux les roses poussant sur leurs dos ou leurs cous.

“Je ne le dirais qu’une seule fois. Va-t’en. Tu es sept ans en retard pour me faire la morale.”

Même si elle réfutait toute ses demandes, la jeune femme semblait ouverte a la discussion. Ou peut-être était ce la naïveté de Daisuke qui frappait encore, et qui croyait que tout le monde prêtait attention à ce qu'il baragouinait alors qu'ils voulaient juste qu'il termine ses élucubrations au plus vite. Mais si elle était sortie en ayant fermée la porte sans lui claquer au nez, il en déduisait qu'elle était assez intéressée par ce qu'il avait a raconter, sinon, ça s'en serait terminé avant qu'il n'ait eu le temps de finir ses phrases, lui semblait il.

"C'est une bonne idée de l'appeler un sanctuaire, ce jardin. C'est vrai qu'on ne voudrait pas l'abîmer et qu'il est assez reposant comme ça. Vous avez le chic pour trouver des noms cool, déjà !"

Elle lui rit un peu au nez, ensuite. C'est vrai qu'exorcistes et membres de l'ordre occultes étaient bien différent, notamment parce que ces derniers avaient abandonnés toute idée de venir à bout des fléaux par des moyens traditionnels. Ils avaient abandonnés, en quelque sorte, leur humanité, puisqu'ils voulaient réduire à néant la population non exorciste, et tout ce que ça impliquait de cette manière. Les hommes, les femmes, les enfants ... Daisuke en était profondément désolé envers les personnes qui pensaient comme ça : ils avaient dû perdre tellement, des proches comme l'espoir, la compassion ... Ce qu'ils avaient traversés devait être difficile, et ils avaient choisi un autre chemin, que ce soit par conviction, par facilité ou par dépit. Il secoua négativement la tête aux paroles de son interlocutrice.

"On m'a à de nombreuses reprises qualifié de cet adjectif, vous savez. Je suis sans doute idéaliste. Mais nous venons bien du même monde, Ibara. Ce n'est pas parce qu'on réagit différemment aux épreuves qu'on traverse que le degré de celles-ci sont moindres. Dans mon cas, je décide juste de tendre la main. Je veux dire, je pars du principe que tout le monde peut-être sauvé, enfin être aidé, tu vois."

Si son regard semblait vide, en effet, et quelques unes de ses réponses évasives, il lui semblait que son corps réagissait différemment. Sur les nerfs ? A deux doigts d'attaquer ? En tout cas, il n'était pas passif, mais l'héritier des Sato garda son ton amical : il avait entamé la discussion, elle avait poursuivit, il ne voyait pas l'intérêt de l'attaquer maintenant. Mais paradoxalement, elle désigna son arme, s'imaginant qu'il l'avait sorti pour une raison bien précise. Certes, il se battrait avec, mais il n'avait pas été dans son intention de porter l'assaut maintenant. Il l'écouta jusqu'au point où elle lui annonça que les personnes comme lui avait déjà fait son choix, et il essaya de la stopper dans ses propos en agissant sa main.

"Ce n'était pas volontaire de ma part de te donner de fausses idées en sortant mon arme. Je préfère parler pacifiquement au début, trouver un compromis, tu vois. Et oui, je suis négligeant, j'ai oublié de me présenter. Je suis en effet un exorciste, Daisuke Sato. Ma famille prétend au titre de grande famille et espère entrer dans le cercle prochainement, mais pour l'instant, ça n'en est pas une, non. Et encore une fois, contrairement à ce que tu peux imaginer, je ne viens pas pour te taper dessus absolument, contrairement à d'autres. Je suis apte a t'écouter. Et je t'avoue que je n'ai pas regardé ton casier judiciaire, ça ne m'a même pas traversé l'esprit. Je préfère voir les gens comme ils sont aujourd'hui plutôt qu'en les jugeant par ce qu'ils étaient. Mais oui, je préférerait voir changer des gens faisant parti d'un ordre génocidaire plutôt que de les voir satisfait de ce qu'ils font, forcément. Mais je comprends que l'on puisse opter pour cette option. C'est pour ça que le dialogue est important. Les mots seront toujours plus importants que les poings, tu vois. Ce n'est pas avec des coups que l'on gagne un combat, au fond."

Et la machine était lancée, et Daisuke ne s'arrêtait plus de parler. Cependant, il reculait au fur et à mesure de ses explications, sachant que les roses qui tourbillonnaient tout autour d'eux n'étaient nullement naturelles, et que ça avait sans doute été déclenché à l'initiative d'un sort. Finalement, la tornade de pétales laissa la place à cinq Shikigami : quatres petits et un gros, dont le point commun semblait être leur rapport à la rose. Les yeux de Daisuke s'écarquillèrent alors qu'un sourire enfantin lui barrait le visage, faisant totalement fi de l'avertissement donné par la sorcière.

"Attends, attends ... C'est un dragon et ses petits ? Mais ils sont magnifiques ! Ils sont trop jolis ! Je sais que tu ne me vois pas d'un bon oeil, mais alors là c'est quelque chose. J'peux toucher ou ils piquent, genre ? J'peux prendre une photo ?"

L'enthousiasme du Sato lui avait fait presque complètement oublié pourquoi il était venu ici : négocier et tenter de la faire basculer de l'autre côté. Mais elle semblait trop remontée et persuadée de la mauvaise foi du Sato, au vu de ses paroles, que ça semblait peine perdue d'essayer de la faire changer au début du combat. Et s'il n'essayait pas de l'avoir par les sentiments, il était vraiment excité de voir un tel sort. Il n'avait que peu combattu d'invocateurs dans sa carrière, et encore moins des dragons aussi impressionnants. C'était une belle beauté que cette créature. On en voyait pas tout les jours. Il en serait presque honoré de l'affronter. De toute façon, si Ibara ne voulait pas se plier, il allait devoir faire jouer Noble Truth. Son but n'était pas du tout de la tuer. Ce n'était pas de l'arrêter, non plus, même s'il n'aurait possiblement pas le choix. C'était de lui faire entendre raison. Il arrivait peut-être sept ans trop tard, mais il était prêt à parier qu'elle n'en avait pas encore rencontrée, des comme lui.

Il se permit alors de sortir son téléphone de sa poche et d'en prendre une très rapidement. C'était l'un des meilleurs sorts qu'il avait vu de sa vie, de son point de vue. En même temps, en tant qu'énorme fan du genre d'univers d'où viennent les dragons, il n'y avait qu'un invocateur de Gundam qui viendrait au dessus d'un sort tel que celui là dans son coeur, et ce dernier n'était malheureusement pas encore arrivé. Et en soit, il ne valait mieux pas, parce qu'il doutait de pouvoir faire quelque chose contre ce type d'adversaire. A cette pensée, il se demanda s'il pouvait faire quelque chose contre un dragon massif comme celui là. Bah, en soit, ça n'avait pas d'importance. Pour l'amour du combat, il se battrait au maximum, même si la chance n'était pas de son côté. Affronter un dragon, ça n'arrive franchement pas tout les jours.

Est-ce qu’il cherchait à la caresser dans le sens du poil ? Très honnêtement, ça marchait. Les compliments sur son jardin touchaient toujours au cœur. Elle était d’accord avec lui en tout cas, il valait bien le nom de sanctuaire. Il en avait la beauté, l’aspect apaisant, et entretenu de manière presque religieuse.

Même si cela aidait à arrondir les bords de son comportement épineux, elle n’appréciait pas particulièrement la suite. Tout le monde pouvait être sauvé ? Quelle connerie. Il confondait idéalisme et naïveté. Si c’était ce qu’il voulait faire, il était là trop tard, comme elle l’avait déjà dit auparavant. Ce n’était plus la peine de chercher à l’aider, elle avait déjà été sauvée.

“Je te l’ai déjà dit, tu arrives bien trop tard pour ça.”

Puis, la encore, il se trompait. Il faisait partie d’une famille prétendant au titre de grandes familles de l’exorcisme, il est né entouré d'exorcistes, le monde occulte lui a rendu les bras à ses premiers battements de cœurs. Il ne pouvait pas comprendre ce que le monde des non-exorcistes pouvait faire à quelqu'un qui leur était supérieur en tout point.

“Si tu veux des compromis, ce n'est pas à moi qu’il faut les demander, mais à notre cheffe.”

Il y avait des raisons très simples à cela. Ibara n’était clairement pas une tête pensante de l'ordre, elle était même sur beaucoup d’aspects un peu simplets. Si ibara était une si fervente membre de la cause, c’était surtout parce que c'est celle de l’ordre occulte. Elle devait tout à l’ordre, sa survie, son sanctuaire, son train de vie, elle ne cherchait donc pas plus que ça la logique derrière ses actions. S’ils voulaient quelque chose qu’ibara pouvait faire ou leur donner, alors elle le fera.

Cet homme, Daisuke qu’il disait s’appeler, n’a vraiment fait aucun effort pour se renseigner sur elle. Pour comprendre les gens comme ils sont maintenant qu’il osait dire ? Sans le passé d’une personne, comment pourrait-il ne serait-ce que commencer à comprendre celle qu’il avait en face de lui ? Finalement, elle soupirait. Ce garçon était bercé de désillusions.

“Tu penses vraiment pouvoir venir à l’improviste chez quelqu’un et lui faire revoir toute sa vie sur de simples paroles éphémères ?”

C’était stupide, pensait-il vraiment que des gens qui rejetteraient leur humanité pour des problèmes qui pouvaient être simplement discuté ? La sorcière était très associale, mais même elle pouvait reconnaître les raisons qui poussaient des gens à rejoindre le culte. Le désespoir en était une des plus importantes, et ce beau parleur voulait tout arranger autour d’une tasse de thé ?

“Bah, je ne m’attends pas à ce que tu comprennes. Finalement, il n’y a rien à comprendre. Au final, pour un exorciste, ce que fait l’ordre occulte est comparable à un simple caprice. Pour nous, que l’on réussisse ou pas, nous devons le faire. Plutôt mourir en hurlant que passer volontairement sous le billot.”

Après avoir perdu famille et ami dans la lutte contre les fléaux, cet ordre était au final leur ultime cri de contestation face à un système s’enlisant. Qui pourrait leur en vouloir, les fléaux ne faisaient que devenir de plus en plus fort au fil du temps, proportionnellement à l’augmentation de la population humaine ? Et pour garder un semblant de normalité au Japon, on sacrifiait les exorcistes pour la sécurité de personnes qui ne les remercieront jamais, et qui les chasseraient s’ils en découvraient une dans leur entourage. Pour des gens avec de tels pouvoirs, au final, c’étaient eux qui tiraient le ticket perdant.

“Je prends très mal qu’on dise qu’ils en sont satisfait.”

C’était une bien grande méprise à ses yeux de croire que ses collègues feraient ça pour le plaisir, c’était si loin de la réalité. Elle espérait au moins le lui faire comprendre avant de devoir le dégager par la force. S'il était vraiment ouvert au dialogue, ce qu’Ibara doutait grandement, il fallait essayer de lui faire comprendre pourquoi l’ordre existait. Pas par haine pour beaucoup, mais en dernier recours face à un système vivant de leurs sacrifices et de leurs peines. Bien que cela ne soit pas le cas de la sorcière, qui ne le suivait que par fidélité et pour rembourser une dette de sang, elle comprenait au moins cela.

Mais le sérieux de la conversation ne l’avait pas préparé à la suite. Une attaque directe et super efficace sur le petit cœur de la sorcière rouge : complimenter ses dragons ! Son visage s’embrasait instantanément, elle n’avait pas plus grande fierté que son magnifique sort inné, et elle était choquée que quelqu’un le reconnaisse à sa juste valeur ! Son regard se faisait fuyant, balançant son regard entre ses invocations et lui, avant de céder.

“Je ne te vois pas d’un… Si mauvais œil… Tu… As de bons goûts, juste… Fait vite.”

Elle se pinçait l’arête du nez, après tout ce discours, c’était vraiment le moment de faire la fille facile ? Bah, elle pouvait indulger les fantaisies d’un autre fan de dragon, non ? Elle regardait ses plus petites invocations, et leur fit signe d’aller momentanément vers lui. Ce sur quoi ils s'exécutent, malgré leur confusion l’espace d’un court moment. Elle ne pouvait que les comprendre, même elle était assez confuse. Elle rationalise ça en se disant qu’elle n’avait aucune envie de le tuer, bien que ce soit une admission de ses propos plus tôt, ils étaient tous les deux des exorcistes après tout. Interdiction de tuer des compatriotes.

“Tu ne vas pas juste t’en aller sans poser de problème, n’est-ce pas ?”

Bah non, bien sûr que non. Elle soupirait, rappelant ses dragons à elle.

“Très bien, j’essayerais de ne pas trop t'abîmer avant de te capturer, peut-être notre cheffe pourra te faire changer d’avis.”

"C'est pas tous les jours que ça m'arrive, ça !"

Un calin collectif de petits dragons ! Daisuke s'accroupit alors lorsqu'ils se ruent vers lui pour les caresser, gratter leurs têtes, regarder leurs fleurs de plus prêt, et il se permit même un franc sourire à Ibara ainsi qu'un clin d'oeil de remerciement. C'était des Shikigami vraiment majestueux, et s'il devait se battre contre eux, ça lui faisait vraiment mal de devoir leur infliger des blessures pour parvenir jusqu'à leur maîtresse. Sa couleur préférée étant le bleu, c'est tout naturellement qu'il eut un coup de coeur pour ce dernier. Il semblait avoir un air plus malicieux et joueur que les autres, de son point de vue, et sa crinière de rose bleue lui donnait un air royal. Daisuke ne put s'empêcher de se faire la réflexion qu'il avait comme un air de Zazu, du roi lion, justement. Il s'attarda également sur le dragon rose, qui avait la fleur la plus grande de la fratrie. Il n'y avait pas à dire, ils étaient tous classes.

Mais la voix de la sorcière le rappela à la réalité. Et elle avait raison, la confrontation était imminente. Après avoir découvert une planque d'un membre de l'ordre occulte, il ne pouvait pas rentrer bredouille comme si de rien n'était. A sa demande si il n'allait pas rentrer bien gentiment, il haussa les épaules, paumes de la main vers le ciel, avec un petit sourire entendu. Maintenant, c'était impossible, en effet, avec tout ce que ça impliquait.  S'il le fallait, elle serait enfermée, et il tenterait de la raisonner sous les coups de Noble Truth. Mais sa tentative de dialogue n'était pas terminée.

"Si je ne vais pas voir votre chef, c'est que j'aime bien voir tout le monde un par un, tu vois. Je ne vous considère pas comme ses sbires, tu sais, vous êtes des personnes à part entière qui ont dû traverser des épreuves, et qui les ont surmontés ... A leur manière. Mais ce qui importe, c'est maintenant. Je ne regarderai pas sur un papier ce qui s'est produit dans ton passé, je préfère encore qu'on me le dise, avec ses propres mots, à sa propre manière. Alors y'a du chemin a faire, tu me diras, mais entre exorcistes, on doit faire front uni contre le culte astral. Les hautes sphères du monde occulte sont des bouffons, la méthode d'éradication des fléaux doit être amplifiée, certes. Mais c'est à la nouvelle génération d'exorcistes d'améliorer les choses, pas en se tirant dans les pattes entre nous. Un tel statut quo les arrange bien, si tu veux mon avis. Ils se font de la thune et plus que tu ne peux t'en imaginer sur la guerre entre toute les factions."

Il ramassa sa faux et joua avec, la faisant tourner dans divers sens, pour s'échauffer. Ouais, forcément qu'Ibara ne se laisserait pas faire comme ça. Il n'était sans doute pas le premier à essayer de la ramener de son côté. Mais il devait essayer, lui, parce qu'il n'avait pas encore essayé. Il essaierai avec tout le monde.

"Et tu te méprends. Je n'imagine pas ça comme un caprice. Chez les Sato, on apprends à être détachés. A comprendre la souffrance des gens. Je sais que certains l'ont rejoins par colère, d'autres parce qu'ils sont désabusés, d'autres fatigués de voir que la méthode reste la même et que rien ne change, que le taff d'exorciste est inutile parce que lorsqu'une tête de fléau est coupée, deux repoussent ... Je comprends. Malgré tout ... Le génocide n'est pas une solution. Les non exorcistes sont bien plus nombreux que nous, et chaque vie est précieuse, Ibara. Ce n'est pas avec une telle réponse qu'on peut s'arrêter en se disant que c'est le bon angle de vue. C'est du bon sens. Je me doute que la vie de chacun d'entre vous à été remplie de difficultés, c'est mon cas, aussi. J'ai été formé à comprendre toute les souffrances, aussi vous ne me verrez jamais être méprisant à votre égard. Envers personne, d'ailleurs. Mais ... Tu vois où ça mène."

Il lâcha cette dernière remarque en écartant les bras, un peu comme pour lui révéler la situation. Un exorciste était chez elle, il connaissait sa planque, et il connaissait son identité. Bientôt, beaucoup plus d'exorcistes se mettront à sa poursuite, pour la traquer. En soi, elle n'aurait qu'à fuir, ailleurs, et construire un nouveau sanctuaire. Et protéger un peu mieux ses arrières pour ne pas que ça fuite en essayant d'être plus exigeante sur les informations contenue des ces registres.  

"Pour l'instant, je n'ai l'air que d'un petit gars naïf qui veut changer le monde et l'ordre établi. Mais laisse moi t'aider, et je vais te montrer que ce n'est pas un rêve inaccessible."

Il lui tendit alors la main, pour qu'elle annule son sort, ou du moins, qu'elle rende aussi agréable que précédemment les petits bouts d'chou qu'il avait pu caresser. Pour qu'ils puissent discuter ensemble. Depuis le passage au monastère, Kasca lui avait montré que Noble Truth pouvait être appliqué de manière beaucoup plus douce à ceux qui souhaitaient recevoir ses vertus. Peut-être qu'après avoir parlé plus longuement dans sa maison, elle se laisserait faire ? Ouais, Dai était beaucoup trop optimiste sur les bords. Parce que de toute façon, pour prouver sa bonne foi ... C'est pas lui qui donnerait le premier coup. Il n'hésiterai pas à se défendre, bien sûr. A vrai dire, il était même excité à l'idée de se bastonner contre un monstre pareil. Même s'il devait perdre, même s'il devait manger la pâtée, il donnerait tout. C'est un peu un fantasme, quand même, de se battre contre ce genre de créature légendaire. Mais là, maintenant, il y avait un autre enjeu : convaincre la sorcière de l'écouter et de se rallier à sa cause. Mais s'il devait le faire en faisant jouer Noble Truth en pleine action ... C'est ce qu'il ferait. 

La sorcière hochait la tête de droite à gauche, ses dragons la rejoignant bien assez tôt. Elle en avait marre, tout simplement. Elle ne saurait pas dire vraiment ce qui l’énervait le plus, qu’il ne se taisait pas, qu’il se répétait, qu’il pensait qu’être “formé à comprendre toutes les souffrances” lui donnait un quelconque avantage à comprendre les occultistes, ou peut-être tout simplement un mélange de tout ça. Non, elle savait ce qui l’énervait de plus en plus.

“Ferme-la bon sang. Jusqu’à quand tu comptes profiter de ma patience hein ?! Je fais un effort sans nom pour ne pas laisser ma colère prendre le dessus, et tu parles tu parles tu parles , tu racontes connerie sur connerie et tu ne t’en rends même pas compte !”

La queue de son gardien frappait le sol pour appuyer la colère de son invocatrice, cette situation ne s’était que trop étendue, elle n’en pouvait plus de supporter la naïveté d’un monsieur je sais tout. Il ne se rendait pas compte à quel point sa simple présence était une catastrophe, et il venait de parler en paix…

“Qu’est-ce qu’on en a à branler des fléaux sales trou du cul ! C’est ce que j’entends quand je te dis tu ne comprends rien, car tu viens d’une famille, ce ne sont pas les fléaux nos seuls ennemis, ce sont les non-exorcistes !”

Cette fois, le combat commençait vraiment. La rose en forme de dragon qu’elle appelait Gardien frappait de sa queue de ronce l’exorciste à la faux, cinglant l’air comme un fouet et donnant le top départ pour les hostilités. Les grands yeux de ses petits dragons se resserrent comme des pupilles de chats, et pour ceux qui le pouvaient, ils s’envolaient pour encercler leur cible.

“Qui nous traitent de bêtes de foires lorsqu’ils découvrent nos pouvoirs, nous enferment dans des cages, nous isolent, nous blessent, nous trahissent, nous haïssent, nous craignent. Malgré tout ce que l’on sacrifie pour leur putain de petites vies sans problème, tu crois qu’ils nous en sont reconnaissant ?! Tu penses que s’ils le pouvaient, ils ne se débarrasseraient pas de nous si c’était le prix à payer pour qu’ils n’aient plus à avoir affaire avec des fléaux ! Il n’y a pas de demi-mesures à avoir avec eux, ils nous tueront quand bien même nous faisons partie de leur famille, si on s’isole, ils prétexteront que groupé nous sommes une menace, si nous arrêtons de tuer des fléaux pour eux, ils nous forceront à le faire, parce qu’ils n’y a qu'eux qui compte à leurs yeux !”

Deux de ses plus petits dragons, le rouge et le rose, attaquèrent par le sol, l’un avait pour objectif l’estomac dans un coup de tête, l’autre voulait faucher ses jambes pour donner aux trois autres plus d’opportunités. Quand bien même la colère et le venin débordaient des paroles de leur invocatrice, elle était concentrée, et avait déjà une sorte de plan pour la marche à suivre. Elle se tournait vers son gardien, et ce dernier s'abaisse, dans une sorte de révérence que ferait un chevalier face à sa reine, lui permettant de monter sur son dos alors qu’il commençait à s’envoler.

“Alors quoi, on devrait l’accepter parce qu’ils sont la majorité ?! On doit se laisser tuer parce que l’on est les plus forts ?! Ce n’est pas de la maturité ou de l’empathie, c’est donner son cul au boucher en espérant qu’il aura suffisamment mangé qu’il ne tuera pas le reste du bétail !”

Les deux dragonnets bondirent en retrait, pour laisser la queue massive du gardien fouetter l’air une nouvelle fois, depuis plusieurs mètres du sol cette fois et en visant le bras droit. Elle allait l'incapacité, c’était la meilleure chose faire pour le moment, l'incapacité, puis laisser la cheffe lui faire entendre raison. Il comprendra qu’il se battait pour une cause inutile s’il pouvait la rencontrer, que ses actions n’avaient rien à envier à ceux d’un cheval de course pensant qu’il sera en sécurité tant qu’il gagnera, mais qu’au moment où il se fatiguera, finira dans l’assiette de son cavalier.

“Mais comment tu pourrais le comprendre, tu n’es qu'entrainé à comprendre toutes les souffrances, quelle bonne blague. Tu n’es pas différent d’un husky cherchant à convaincre un loup qu’agiter la queue devant un humain te frappant est plus efficace que de lui arracher la gorge à coup de crocs. Qu’est-ce que tu vas bien y faire à la situation mh? Grogner un peu plus fort face à tes bourreaux ?”

Le bleu surgissait de sous-terre, gueule grande ouverte et déterminé à la refermer sur la jambe de l’héritier des Sato, pour que le dragonnet blanc ait une meilleure chance à voler cette satanée faux. Tant qu’il l’avait en main, et qu'Ibara ne savait pas la nature de son sort inné, elle ne pouvait que rester dans les airs pour avoir l’avantage du terrain. C’est en le voyant se battre qu’elle avait une réalisation, ce n’est pas la première fois qu’elle avait vu quelqu’un se battre comme ça, spécifiquement, comme ça.

“Oh. Je connais ce style de combat, tu es de la famille d’Asuma ! Aha, ahahahaha ! C’est pour ça que tu dis avoir été entraîné à toutes les souffrances ! Tu as été élevé par ces psychopathes ! Ton enfance a été sacrifiée pour leur bénéfice et pour le maintien d’une société qui te brûlerait au bûcher s’ils découvraient que tu leur étais différent, et pourtant, tu continues à les servir !”

C’était triste, et hilarant, un peu des deux à la fois en vérité. Le pauvre garçon, il avait été jeté en pâture à toute sorte de sévices pour au final être quoi, un guerrier inébranlable dont le seul but dans la vie est de mourir face à des fléaux. Pour quoi au final, permettre à des enculés au fin fond du Japon de torturer des exorcistes parce qu’ils sont nés supérieurs à ces ploucs ? Pour que des non-exorcistes aient la vie qu’il n'aurait jamais à cause d’eux ?!

“C’est d’un triste. Et si centré sur toi, au final. Imaginons, tu arrives à changer les exorcistes pour le mieux, et bien que tu ais l’air d’être un sacré con, je te crois, tu n’as pas l’air de mentir. Qu'est-ce que tu penses va se passer ? Penses-tu qu'une seule famille va changer toute la société ? Et qu’est-ce qui changera, tu enverras des élèves encore plus torturés que Asuma combattre encore plus de fléaux et en encore plus petit nombre pour couvrir plus de terrain ? Ou tu lâcheras l'entraînement, menant à un manque d’effectif compétents et à des élèves sous préparés ? Quelle est ta solution pour tuer plus de fléaux que les fléaux ne tuent les exorcistes.”

Ibara ne pouvait pas dire qu’elle connaissait comme le revers de sa poche le passé d’Asuma et de ses nombreuses personnalités, mais elle avait pu lui parler quelques fois, et avait une vague idée de ce qu’il avait bien pu subir là-bas. Et pour faire simple, c’était tout simplement atroce. Qu’il veuille changer ça n’est pas surprenant, mais il voyait tellement petit. Un troisième et dernier coup de fouet de son gardien déchirait l’air dans un son fracassant, ayant encore une fois pour cible l’exorciste ayant ruiné sa journée.

“Et encore plus surprenant, imaginons tu réussis. Tu fais quoi des autres ? Ceux qui ne sont pas nés dans votre petite utopie d’exorciste ? Ceux qui, nés de parents non-exorcistes qui finissent battus, torturés ou tués ? C’est quoi l’excuse, la vie de leurs bourreaux est plus précieuse que la leur, parce qu’ils sont plus nombreux ? Tant que les non-exorcistes existeront, des monstres tels que moi seront créés de leurs propres mains, il n’est que justice que les monstres s’en prennent à leurs créateurs.”

“Bien sûr que oui, pour protéger ceux que j’aime, je me rabaisserais encore plus bas que ces enflures, je porterais le premier coup à chaque fois !”

Le physique de cet homme n’était pas simplement pour la décoration, il savait balancer cette faux qu’il portait avec lui et l'utiliser pour frapper ses dragonnets avec une certaine agilité. Elle se tenterait même de dire qu’il était plus agile que Chae Lin Wong, mais non, elle restait à un niveau supérieur à lui, c’était une moins grosse cible et elle était plus souple. Ce qu’il ne tarderait probablement pas à comprendre, c’est la synchronicité ahurissante entre ses dragonnets, si bien que même s’il a essayé d’embrocher une de ses invocations lui fonçant dessus, cette dernière a pu in extremis éviter une blessure mortelle ou handicapante, presque comme si elle avait vu le coup venir et s’était retirée en conséquence. Parce qu’elle avait vu le coup, non dans le futur, mais sous un angle différent, et avec des yeux expérimenté au combat.

“Le moyen dont tu parles n’a pas été trouvé en plus de deux mille ans d’histoire, tu penses vraiment que mes frères et sœurs ayant renié leur société n’ont jamais essayé de trouver une solution en tant qu’exorcistes !”

Rebelote pour le dragon qui a failli finir aplati par ses genoux, à la place, c’était son aile qui assumait le plus gros des dégâts. S’ils semblaient se déplacer avec presque de la prescience, il n’en était rien. Ibara avait simplement ses yeux fixés sur chaque mouvement du Sato, elle pouvait utiliser son point de vue aérien pour ne pas se faire prendre par surprise par ses agissements et éviter de lourds dégats à ses dragons. Ce n’était pas parfait néanmoins, il était plus rapide que ses invocations, ils ne pouvaient donc que choisir le moindre maux de ses attaques. Sur la durée, pas dit que cela soit viable s’il était également plus endurant qu’eux.

Une pirouette plus tard, les dragonnets ont tous été repoussés, mais pas tués, et c’était le plus important. La respiration de son adversaire était lourde, il donnait bien plus d'informations sur son état que cette furie du mont Mitake, il ne tiendra pas le rodéo s’il ne changeait pas de stratégie, à moins que ce soit du bluff ? Pour l’heure, Ibara n’avait aucune raison de changer de stratégie, tant que ses dragonnets n’étaient pas dans un état critique, elle pouvait continuer sur cette lancée. Elle ne se faisait cependant pas de faux espoirs, si Asuma n'exagérait en rien les entraînements de cette famille, il devait être un véritable colosse de l’endurance, et sa résistance à la douleur devait excéder la sienne dix fois.

La dresseuse de monstre écarquille les yeux à son comportement après cette brève joute néanmoins. Puis, elle ricanait, son gardien s’approchant du toit de sa propre maison pour l’y déposer avant de se poser à ses côtés. C’était complètement inconscient, dans un milieu aussi dégagé que son jardin, elle avait clairement l’avantage, puisqu’elle pouvait voir tout le champ de bataille de son perchoir et coordonner ses dragons d’une main de maître. Et pourtant, il la défiait sur son propre terrain. Un sourire bien similaire à celui que pourrait avoir une lionne face à un zèbre voulant lui faire face apparaissait sur son visage, et en réponse au cri de l’exorciste, le plus grand des cinq dragons rugissait.

“Toi, je t’aime de plus en plus ! Mais il n’y aura pas de repas aujourd’hui, tu ne comprends donc pas ! Non, aujourd’hui, c’est un requiem ou la proie rie à la mort du prédateur, et je n’ai pas l'intention de me laisser manger.”

La sorcière claquait des mains, c’était le top départ, les dragons repartent à l’assaut en même temps que Daisuke, mais cette fois, ils étaient accompagnés par le Gardien. Ce dernier rasait le sol et volait dans sa direction, gueule grande ouverte, les crocs dehors. Ce qu’il voulait faire semblait évident, croquer l’ennemi courant vers lui, mais non. Au dernier moment, il frappait le sol de ses puissantes pattes pour se forcer à faire un salto arrière, ainsi, il pouvait le frapper depuis le sol avec sa queue et l’envoyer dans les airs même s’il paraît. La première fois qu’il l’avait touché avec sa queue, il l’avait bien envoyé à quelques mètres de distance, cette fois ibara s’attendait à un résultat similaire, parce que depuis les airs, les quatre dragonnets fonçaient en contresens de sa trajectoire. Le raisonnement était simple, les airs étaient le terrain de chasse de ses invocations, il n’avait pas d'appui une fois les pieds hors du sol pour esquiver quatre dragons en même temps.

Et dans les airs elle contait bien l’y garder, avec l’attaque descendante de ses serviteurs, c’était le gardien qui retournait dans les airs, frappant de son aile le manieur de faux pour l’éloigner encore un peu plus du sol, beaucoup plus du sol, l’emportant avec lui même dans les cieux avant de le lâcher et de continuer sa course, le laissant à la merci des dragonnets qui prirent le relais pour le harceler. Il ne devait pas avoir un instant de répit, il ne devait pas se douter de ce que préparait Ibara.

“Cela devrait être assez d’élan… Tâche de ne pas en mourir.”

Elle n’avait pas besoin de regarder son gardien pour savoir où il était, sous peu, sa position se fit impossible à ignorer, parce qu’il était en chute libre, ailes repliées, serres ouvertes, il tombait tel un météore vers le pauvre exorciste gardé sous une pression constante par ses serviteurs. La dernière fois qu’elle avait fait une telle attaque, elle avait été grondée pour avoir utilisé un coup qui aurait pu tuer son adversaire lors d’un simple entraînement, maintenant qu’elle utilisait un dragon plus faible, il devrait pouvoir s’en sortir vivant, non ? Ou avec quelques côtes cassées, mais cela facilitera le transport s’il pouvait tomber inconscient.

Cette bataille aérienne était moins à l’avantage de la sorcière rouge qu’elle ne le pensait, pour la simple et bonne raison que cet homme était un monstre ! Il avait réussi non seulement à bloquer le coup de queue de son dragon, mais une fois dans les airs à attraper deux de ses dragonnets et à en frapper un troisième, seul le blanc avait réussi à percer son bras, et même là cela n’avait pas été suffisant pour lui faire lâcher sa prise sur le dragon rose. Non, la seule chose qui réussit à lui faire lâcher sa prise, c’était l’attaque de son Gardien qu’il mangea de plein fouet.

Même après cela, et sans appui, à l’aide pure de ses muscles, il arrivait à repousser les assauts de ses servants. Heureusement, sans appui, ses coups étaient plus brouillons, moins vifs qu’ils l’étaient sur la terre ferme, c’était vraiment la meilleure décision de déplacer le combat dans les airs. Mais même comme ça, il était compliqué de l’approcher. Ses servants faisaient de leur mieux, mais s’ils arrivaient à le maintenir en altitude par des petits coups-ci et là, mais cela avait ses limites. Il avait réussi à attraper son dragon rose une nouvelle fois.

Elle devait rester calme, même si l’envie de le tuer la prenait plus d’une fois en voyant comment il traitait son dragon rose. L’utiliser comme une simple arme de pugilat, quel salopard ! Elle avait beau garder la tête froide, son attention avait été bien trop distraite de la faux de ce saligaud, si bien qu’il arrivait en raccourcissant sa prise dessus à embrocher une aile de son dragon bleu. Si ce n’était que ça, ensuite, il cherchait à arracher la rose de son pauvre dragon. Qu’est-ce qu’il pensait pouvoir accomplir en faisant ça hein ?!

“Tsk, si tu tiens tant que ça à passer un mauvais quart d’heure.”

Elle allait devoir le faire lâcher son dragon, mais l’attaque de son gardien ne tardera pas à tomber, elle devra faire ça sans mettre en danger ses déjà blessés servants pour ne pas perdre son momentum. Une seule solution alors, elle joignait les mains, croisant les doigts entre ses articulations, et utilisait son sort étendu. La greffe. À son activation, les quatre servants éclatèrent en pétales de leurs couleurs respectives, même entre les doigts de l'exorciste. Ces mêmes pétales se regroupent autour d’Ibara avant de s’envoler au-dessus d’elle et de former le Serviteur, la fusion des quatre servants, et une copie plus grande et robuste du gardien, si ce n’était que ses couleurs étaient inversées.

Mais il n’allait peut-être servir à rien, après tout, son gardien allait bientôt faire contact avec le Sato. Mais non, il était plein de ressource. Avec sa fichue faux, il arrivait à planter sa faux dans sa patte pour le contourner, et à lui donner un coup dans son visage. Rien d’inquiétant, n’est-ce pas ? C’était avant qu’elle ne voie les éclairs noirs qui en sortaient. Impossible, dans cette situation, il a réussi à utiliser un éclair noir ?!

“Gardien !”

Son dragon piquait vers le bas, cet saleté d'exorciste s'assurant qu'il lui serve d'ammortisseur, et bien il allait être surpris ! En claquant des mains, Ibara fit disparaitre son dragon dans un nuage de pétale aveuglant la brute l'ayant blessé. Il était tout simplement k.o., le coup d’un black flash, avec un minimum d’appui avait transformé sa tête en flipper. Mort ? Peut-être pas, mais il n’allait pas s’en relever pendant un moment, si Ibara veut pouvoir l’utiliser pour le reste du combat, elle devait le rappeler tout de suite.

“Tu as fait du bon travail, Serviteur à toi !”

Le dragon éclate avait lui aussi en une tornade de pétale, laissant transparaître une profonde tristesse sur le visage de l’invocatrice, avant qu’elle n'envoie d’un mouvement du bras son remplaçant vers l’exorciste en chute libre. Il fonçait en ligne droite, de sorte à cacher ce que faisait l’invocatrice des yeux de l’exorciste, puis le percutait avec bien plus de vitesse et de force que son homologue. N'ayant pas de sort, il était bien plus porté sur la force physique et cela se ressentait. Cette dernière se mit à parler à voix basse, le regard légèrement dirigé vers sa droite.

“Je vais avoir besoin de toi. Est-ce que tu sauras te tenir ?”

Sur sa droite se dressait de nouveau des pétales, puis des fleurs, et enfin des rosiers. De toutes couleurs, jaune, violette, orange, rouge, mais les plus nombreuses étaient roses. Elles s'entremêlent, et laissent apparaître un nouveau dragon, ni aussi grand que le gardien, mais bien plus grand qu’un serviteur. Ce dernier ne répondait pas à l’invocatrice, en étant incapable, mais cette dernière semblait entendre quelque chose, et s’en satisfaisait.

“Récupère sa faux, puis dresse un filet, nous devons le capturer vivant.”

La nouvelle dragonne ne bougeait pas d’un pouce, plutôt, les ronces qui poussaient de son corps dévalaient la façade de l’habitation de sa maîtresse, avant de se planter dans le sol où elles y grossirent et s’y multipliaient. Si bien qu’un véritable filet de ronce attendît l’exorciste au sol, dissimulant sa faux qu’il avait lâché. Il était clair qu’ils allaient servir de piège, ils étaient suffisamment emmêlés pour attraper du poisson, au moins contact, telles des dionées, ils se refermeront sur lui, et la victoire sera aux mains de l’invocatrice. Son serviteur n’était qu’une précaution si, d’une manière ou d’une autre, il arrivait à éviter, ou à se déjouer des ronces de la nourrice, même sans son arme. Il s’était révélé plein de surprise, et Ibara ne voulait pas éterniser le combat si elle le pouvait.

“Mh ? Non, je n’en ai pas besoin, jette la dans la maison en attendant.”

La sorcière délusionnelle parlait de la faux qu’une ronce portait à sa vue, et aussitôt le disait-elle qu’elle balançait l’arme dans la fenêtre, la cassant et la laissant dieu sait où. Ce n’était plus la peine de prendre soin de cet endroit, Ibara ne pourra plus jamais y revenir. Ou très longtemps dans le futur. Qu’importe, elle s’en souciera une fois cet exorciste capturé.

Tsk, si elle devait décrire cet homme, persistant, serait le premier adjectif lui venant à l’esprit, suivit de débrouillard. Il avait réussi à agripper son dragon malgré le choc qu’il a pris lors de l’impact, et à le frapper avec ses jambes. Il devait réaliser néanmoins lors de ses impacts que ce n’était pas le même dragon que son gardien, il était bien plus résistant, plus fort également. En l’histoire de quelques manœuvres, il s’était débarrassé de cette peste et l’avait envoyé filer droit dans les ronces. Sa chute n’était pas des plus agréables, l'atterrissage encore moins. Mais s’il s’était laissé capturer, il n'aurait pas eu à se ruiner la santé en voulant s’extirper de son piège.

“Tu ne te rends pas la vie facile.”

Elle laissait ses yeux descendre sur son corps, jugeant son état. Son pied était foutu, ses jambes devaient le brûler, vu ce qu’il a dû faire pour se sortir des ronces. Ses bras étaient en meilleur état, mais tout de même salement amochés. Dure à voir à cause des vêtements, mais il avait probablement des hématomes des coups donnés par ses deux dragons. Si elle attendait, il s’écroulera probablement de fatigue, aussi déterminé puisse-t'il être.

Enfin, elle ne pouvait que répondre à son enthousiasme par un dernier affrontement au sommet. La nourrice rétracte ses ronces, et les déploie aussitôt entre L'ennemi et sa maîtresse, cette dernière n’était pas sûre que le Sato ait vu son dragon, mais dans le doute, il fallait rester prudent. Après tout, il se lançait à ses trousses, non ?

Sur son chemin, il trouvera son serviteur, qui n’en avait pas fini avec lui et comptait bien l’attraper dans ses serres, ainsi que les ronces de la nourrice avec le même objectif, si ce n’est un appendice différent pour l’attraper. Avec ses deux dragons sur ses trousses et l’état de ses jambes, Ibara ne lui donnait pas plus de deux minutes. Si elle ramenait cet exorciste en tant que prisonnier, c’était sûr qu’elle allait se faire bien voir par la cheffe et les autres ! Mais il fallait le garder en vie, si elle y allait sans retenue, dans son état, il allait mourir, c’était certain.

Elle faisait donc preuve de retenue, ne cherchant pas à le blesser plus, juste à l’attraper. Il avait beau avoir économisé ses réserves d’énergie occultes, si son corps était en lambeau, cela ne servait à rien. Ibara avait déjà gagné à ses yeux, elle pouvait relâcher la pression.

"Ryoiki Tenkai ..."

Ces mots signaient l’immense erreur d’Ibara. Elle avait sous-estimé son adversaire, elle le pensait fort, mais pas si fort. Pas au point de pouvoir créer un domaine. Ibara savait ce que signifiait un domaine, bien sûr, c’était là le pinacle de la sorcellerie. Que cet homme l’ait atteint ne voulait rien dire de bon, elle devait rappeler ses dragons en vitesse, mais c’était trop tard. Son sort était scellé le moment où ces mots résonnaient, et que son domicile se changeait en un océan de nuages. Trop tard, elle était dans la zone de cette extension incomplète de territoire, sans défense et sans dragons.

Elle découvrit enfin ce qu’était ce sort inné. Elle aurait dû se renseigner un peu plus auprès du Sato des occultistes, elle n’aurait pas été si laxiste face à cet homme. Le pire sort inné qui puisse exister : Noble Truth. En étant frappé, elle en comprenait la nature, ce n’était pas tant des coups dont la force dépassait celle qu’un exorciste pourrait donner, sinon elle serait déjà en bouillie, non. C’était un sort pernicieux qui infiltrait l’esprit de celui qu’il touchait, et altéré ses sens pour lui montrer ce qu’il cachait au plus profond de son cœur. Elle comprenait mieux pourquoi il ne l’utilisait pas contre ses dragons, cela n’aurait aucun effet sur eux, n’étant que des fragments de son imagination donné forme par son pouvoir, ils n’avaient ni conscience ni cœur à proprement parler, pas de passé, pas de peur, pas de traumatisme qui ne soit qu’une comédie créée par Ibara pour alléger sa solitude. Elle s’est fait avoir en beauté.

Quel sort d’une cruauté sans fin, et quelle ironie que ce domaine soit appelé “l’éternelle compassion”. Devant les yeux d’Ibara défilent tant de choses, un cœur comme le sien avait tant de ronces l’entourant, elle était peut-être la parfaite victime de cette technique. Roué de coups sous les mille mains de la statue de Khanon, un léger bruit commençait à lui échapper. Des sanglots ? Des gémissements de douleur ? Rien de tout ça, c’étaient des grognements. Elle avait fait disparaître ses dragons, et joint les mains. Elle n’était plus certaine d’où elle se trouvait, d’en quelle année, mais cela n’avait pas d’importance. Contre tous ses cauchemars, qu’ils soient réels ou non, il n’y avait toujours qu’une solution.

…

“Elle est ici ?”

L’année n’avait pas d’importance, le mois et le jour encore moins. Aux yeux de Taichi Morgan, ils se ressemblaient tous, il n’y avait que deux distinctions qui valaient la peine, avant, lorsqu’elle était une exorciste dévouée, et maintenant, membre respecté de l’ordre occulte. C’est en leur nom qu’elle était là aujourd’hui, devant une porte que son collègue ne voulait pas ouvrir, et où se trouvaient nombre de plateaux-repas à peine entamés. Ce qui se trouvait derrière cette porte ne mangeait presque plus, et elle savait à la fois qui se terrait dans cette chambre, et pourquoi.

Elle toquait délicatement à la porte, aucune réponse, elle adressait un regard interrogateur vers son collègue, aucune réponse, enfin, elle utilisait son sort inné, son don des dieux, sa télékinésie pour tourner le verrou de la porte, et entrer. Ce qu’elle y voit dans un premier temps, elle s’attendait en réalité à voir une enfant, une adolescente à tout péter, recroqueviller dans un coin de la pièce, pleurant toutes les larmes de son corps et tremblant comme une feuille. Il y avait bien une adolescente, mais elle n’était pas recroquevillée, en pleure, ou tremblante. Le sol était jonché de débris de verre, de meubles ayant été renversés, de pieds de chaises démontés ou du barreau du lit arraché. Au plafond pendait à une des poutres horizontales des draps déchirés, cette pièce était sens dessus dessous, et au centre de tout ça, se trouvait l’adolescente aux cheveux rouges.

“Homura Ibara ?”

Un sursaut prenait la dénommée Ibara, et sa tête se tournait vers Morgan. N’avait-elle pas fermé la porte ? Était-ce vraiment important, puisqu’elle était certaine que cet endroit était rempli de gens comme elle. Un pincement au cœur prit l’exorciste de classe 1. Il n’y avait pas de rougeurs autour des yeux de la jeune sorcière, mais des cernes extrêmement profondes, et des pupilles d’une noirceur sans fond, entrecoupés occasionnellement par des traces de rouge. Plus qu'épuisée mentalement, c’était physiquement qu’elle semblait à bout.


“On peut discuter toi et moi ?”

Elle allait utiliser son sort pour se faire de la place parmi les débris de verres, mais elle a été prise de vitesse par la jeune fille silencieuse, qui frappa son poing dans les débris. Morgan s’attendait à voir du sang couler, ou à prendre cela comme un refus qu’elle ne l’approche, mais le poing était arrêté à quelques millimètres du verre, qui fut balayée par une force invisible. Enfin, pas si invisible, c’était dur pour une exorciste de ne pas le voir.

“Merci.”

L’occultiste l'approche, d’abord normalement, mais en voyant qu’elle se recroqueville à son mouvement brusque, elle y alla plus doucement, avant de finalement s’asseoir. Elle commençait à se faire une idée de ce qu’il se passait ici, et n’en était pas ravie.

“Il a un nom ?”

“...”

La sorcière regardait par-dessus son épaule. La créature qui la suivait comme son ombre, le dragon qu’elle viendra par la suite à appeler “Gardien”. Pour l’heure, il n’en avait pas, et hocha négativement la tête. Il était simplement là, se tenant près d’elle, empêchant les gens et les choses de la blesser…

“Cela doit être épuisant de le laisser là tout le temps, tu sais comment le faire partir ?”

“... Oui.” Couinait-elle avant d’inspirer longuement, et de laisser son shikigami disparaître petit à petit. De simples pétales restant comme preuve de son actuelle existence.

“Pourquoi as-tu détruit la chambre ? Elle ne te plaît pas ?”

“... Je ne voulais pas.”

“C’est lui qui l’a détruit ?” Elle la voyait hocher la tête, elle enchaînait donc. “Est-ce que tu sais pourquoi ?”

“Pour me protéger, je crois.”

“Te protéger de quoi ?” Elle commençait à le deviner, mais Ibara lui répondit avant qu’elle ne puisse faire le lien.

“De moi.”

Aucune hésitation, elle le disait simplement comme elle annoncerait que le pain était cuit. Morgan déglutit, cette fille, elle était en morceaux. Détruite de l’intérieur au point de voir sa vie, la fin de cette dernière et le fait qu’elle ne puisse pas l’arrêter par elle-même comme une mondanité. Si bien que pendant un moment, elle ne sut pas vraiment quoi dire.

“Pourquoi tu fais ça ?”

“C’est ce que je mérite.” Encore une fois, sèche, sans aucune hésitation.

“Faux.”

“J’ai tué maman, et je l’ai poussé à tuer papa, mourir est tout ce que je mérite.”

“Faux.”

“Je ne suis qu’un monstre de to-”

“Faux.”

Ibara était confuse, comment pouvait-elle en être si sûre ? Elle y était ? Et de sa confusion commençait à naître de la rage, mais elle était comme un livre ouvert pour l’exorciste bien plus expérimentée qu’elle.

“Tu n’es pas un monstre, tu es ce qu’on appelle un exorciste. Tu es simplement née avec des pouvoirs que beaucoup de gens n’ont pas. Tu n’as pas tué ta mère, tu as protégé ta vie, j’ai lu tes antécédents d’incident lié à ton pouvoir, il  n'apparaît que lorsque tu te sens en danger, et te défends que contre ce qui cherche à te blesser. Tu ne mérites donc pas de mourir.”

Elle était, étrangement bien renseignée. Le début de flamme de sa colère se taisait aussi tôt une fois confrontée aux faits durs. Si elle en savait autant, est-ce qu’elle était un monstre aussi ?

“Je suis une exorciste, tout comme toi, tout le monde ici est comme toi. Ils voient les mêmes choses que toi, et beaucoup ont des histoires comme la tienne.”

Et elle était psychique aussi. La sorcière rouge se détendit un peu, regardant la pointe de ses pieds, toujours suspicieuse qu’elle ne fasse que lui dire ce qu’elle veuille entendre, mais elle ne pouvait nier que l’entendre lui faisait du bien.

“Si je ne dois pas mourir, qu’est-ce que je dois faire ? J’ai tout de même tué quelqu’un…”

“Ce qui te revient de droit : vivre. Tu dois vivre ta vie comme tu l’entends, heureuse et loin des malheurs qui incombent les exorcistes vivant dans le monde des humains. C’est notre but, qu’il n’y ait plus personne qui puisse t’en empêcher.”

Morgan saisissait les mains de la jeune fille, et les joint l’une à l'autre dans une forme rappelant la prière.

“Dans l’exorcisme, les mantras fait avec les mains donnent plus de force aux exorcistes. Joindre les mains représente unifier quelque chose, le consolider. Si jamais tu as de nouveau ce genre d’idées, joint les mains, et nous viendrons t’aider autant de fois qu’il le faut.”

“... Pourquoi ?”

“Parce que tu es de notre famille, Ibara.”

…

La sorcière sentait le sang sur ses mains, la terreur dans l’air, les coups qui lui étaient infligés, les cris étouffés par des ronces enserrant le coup d’une femme. Elle voyait par bribes les mains dorées qui lui faisait revivre ce cauchemar, mais plus souvent elle voyait la scène où son humanité lui a été arrachée. Et dans tout ce tumulte, elle joignait les mains. Elle se rappelait, les mantras renforcent les sorts des exorcistes, ce mantra lui permettait de fusionner ses dragons, de les renforcer grâce à un autre. Chaque action qu’elle a jamais prise depuis qu’elle le sait, c’était dans le but de renforcer sa nouvelle famille, de l’unir, même ceux qui n’en voient pas la vérité, qui n’en comprend pas le but, ou qui le renient. Certes, elle s'écarte du chemin par moment à cause de sa colère, elle était un peu une petite sœur capricieuse, au tempérament de feu, mais au cœur au bon endroit. Elle ne pouvait pas perdre, parce qu’elle ne pouvait pas mourir tant qu’elle avait une famille avec elle. Cette rage, plus que ça, son désir, elle ne pouvait plus le canaliser, c’était comme chercher à retenir de l’eau dans le creux de ses mains. Elle laissait simplement tomber ses efforts. Pour un moment, elle demandait pardon à l’ordre. Peut-être bien qu’aujourd’hui, elle allait devoir tuer un possible frère.

“UUAAAAAAAAAAAA”

Ce cri sorti tout droit des tréfonds de l’enfer, comparable aux rugissements de ses invocations, venait nulle part d’autre qu’elle, et annonçait l'arrivée de ronces qui envahirent les poings de Kannon, les stoppant suffisamment pour qu'Ibara puisse émerger de leurs attaques incessantes. Avec elle, deux dragons. Sa nourrice, d’où provenaient les ronces, et son serviteur. Son serviteur avait encore une fois changé, parce qu’il ne s’agissait plus du même dragon, et Daisuke devrait le reconnaître maintenant. Le premier dragon qu’il a affronté, le gardien, avec quatre couleurs de pétales supplémentaire. Les quatre dragonnets avaient fusionné avec lui pour le remettre de ses blessures, et lui offrir la force qui lui manquait cruellement au début de l’affrontement. Sur le dos de la nourrice, se trouvait Ibara, elle avait dans les mains la faux du Sato, mais pour s’assurer qu’il ne la récupère pas, et était en très mauvais état, passé à tabac par son sort inné, comment ne pourrait-elle pas l’être.

“... hehehehe.”

Le nouveau gardien disparut dans une pluie de pétales, et suivit Ibara qui, à dos de sa nourrice, volait en direction du maître de ce domaine, utilisant les ronces de cette dernière pour se protéger, et parfois éviter, les poings qui ne semblaient pas vouloir la lâcher. On pourrait croire qu’elle allait frapper Daisuke, mais non, elle le dépassa. Et alors qu’il se tournait vers elle, son gardien réapparut derrière lui, pour le frapper de ses serres tel un aigle. Il n’y avait plus de retenue, plus de désir de préservation de son adversaire, l’attaque avait clairement pour but de lui arracher un membre. Puis, une fois son coup donné, il disparut de nouveau, et réapparut auprès d’ibara pour trancher de ses griffes un poing l’approchant de trop près. Ibara n’était pas la seule à avoir caché un atout, Daisuke allait goûter à son contre parfait. Le gardien ne le laissera ni se reposer, ni toucher sa maîtresse.

“Quelle vue nostalgique.”

Elle avait un sourire macabre, ne lui appartenant presque pas. Ce n’est pas un sourire traduisant d’un quelconque plaisir, plutôt un qui laissait entrevoir le craquage mental dans lequel elle était reine. Son ennemi était devant elle, ses instincts bouillaient, si bien qu’elle pensait un moment sombrer dans un lac en feu, toujours plus profondément. Elle pouvait voir quelqu’un au fond de ce lac et devant elle, mais ce n’était pas Sato. À sa place, se trouvait le péché d’Ibara. Une femme lui ressemblant fortement, si ce n’est qu’elle était plus âgée, plus émincées par le temps et la tristesse, et qu’elle était surtout morte. Elle avait cette même expression folle qu’elle arborait lorsqu’elle avait réveillé sa fille en pleine nuit, menaçant sa vie d’un couteau de cuisine déjà sali par le sang de son époux abusif. Si elle n’était pas si habituée à voir cette femme dans ses cauchemars, dans ses crises, et surtout dans le miroir, elle serait tétanisée. Si elle n’avait jamais rencontré Taichi Morgan, elle n’aurait jamais eu la force de se battre, bien que son corps lui hurle d’arrêter. Et si son vrai père n’avait jamais rencontré sa mère, elle n’aurait pas ce pouvoir lui permettant de dire avec assurance ce qu’elle s’apprêtait à annoncer.

“J’ai tellement de choses à te dire, et si peu de temps.”

Elle marmonnait, déconnectée du combat, dans une sorte de zone, si on peut appeler ça ainsi, si quelqu’un pouvait comprendre son état, c’était Daisuke, qui était dans une même sorte d’état d’esprit. Son dragon rugissait et quelques manœuvres d’évasion plus tard, les ronces de la nourrice étaient lancées tels des javelots sur le maître de ce domaine. Qu’il s’en protègent ou les esquives, cela n’avait pas d’importance. Ibara passait au-dessus de lui, avant de piquer vers lui, son dragon gardien la suivant comme son ombre, mais lorsqu’elle s’arrêtait en plein vol, elle continuait de plonger comme un missile ayant une cible simple : Daisuke Sato. Qu’il utilise ses bras pour se défendre, Ibara utilisera ses ronces pour limiter leur action, et permettre à son dragon d’avancer avec le moins de problème possible.

“Tu ne peux pas m’en vouloir, tu t’es infligé ça toute seule.”

C'est la malédiction de Daisuke : à son grand désarroi, il ne peut pas ressentir ce que l'autre ressent à travers Noble Truth. Il n'avait pas pu le voir sur le mercenaire qui voulait abattre Toki, il n'avait même pas pu le voir sur celle qu'il considérait comme étant la plus chère à son coeur ... Pas plus qu'il n'y arrivait pour Ibara. Pour autant, il était certain que la compréhension de la peine de l'autre était la clé pour résoudre LE problème qui guidait son objectif. Le chemin vers l'éveil, la naissance des fléaux, les maux du monde occulte ... S'il disposait de cette seule faculté, il était persuadé de faire avancer bien plus les choses que tout ceux qui l'avaient précédés sur cette piste auparavant. C'était littéralement le moyen de connaître la nature des fléaux de leur point de vue et potentiellement d'arrêter leur cycle de réincarnation. C'était la meilleur piste qu'il avait. Si toutes choses étaient liées, comme le voulait la philosophie bouddhiste, alors il y avait forcément moyen de se connecter à son sort. Il n'en avait tout simplement pas encore trouvé le moyen. Il préférait pour le moment se concentrer sur l'entraînement au combat, parce qu'il était jeune et qu'il se devait d'apprendre les techniques d'exorcisme indispensables au plus vite ... Mais dans ces moments là, ces moments où une jeune femme criait son désespoir en revivant sa plus grande souffrance, l'entraînement purement spirituel lui faisait cruellement défaut et lui manquait d'autant plus.

Parfois, Daisuke peut complètement entendre ce que ressentent les personnes sous l'impulsion de Noble Truth. Tout simplement parce qu'elles lui parlent à lui, en imaginant qu'il est sa peur. Ou qu'ils parlent dans le vent, a côté de lui. Mais dans le cas de la dresseuse de dragon, constamment harcelée dans le territoire, ce qu'elle est en train de vivre s'entend d'une toute autre manière : il se caractérise par un hurlement assourdissant, ses poumons semblant se vider continuellement de leur air tant elle ne s'arrête plus. Mais le jeune exorciste sent bien que sa propre énergie occulte s'écoule rapidement, et il n'est pas certain de pouvoir maintenir son territoire aussi longtemps que les experts dans ce domaine. Aussi décide t-il de ne pas arrêter ses assauts : il verra plus tard pour l'aider a surpasser ses peurs, il préfère infuser Noble Truth le plus possible dans son esprit, dérégler totalement ses sens, pas tant pour gagner complètement le combat que pour engager une conversation profonde une fois sortis. Il espère exagérer un maximum les renforts de l'ordre occulte et se retrouver en face à face avec la sorcière pour faire pencher la balance et l'inciter à le rejoindre plutôt qu'à rester dans son groupe de génocidaire.

Mais alors que les poings pleuvent, son cri se mue rapidement en un rire inquiétant. Qui rigole dans un territoire, à la merci des sorts de son adversaire ? Sans doute quelqu'un qui a encore une carte dans sa manche : d'un mudra, elle rappelle à ses côtés deux dragons. Celui qui faisait des ronces ... Et un nouveau, qui ressemble à une fusion du dragon qu'il à mis hors d'état de nuire, et de la fusion des petits. S'il poussait la logique jusqu'au bout, c'était deux dragons qu'il pouvait encore fusionner, pour en donner un ultime. Du moins, ça, c'était dans l'esprit de Daisuke, et peut-être en était-il autrement. Mais la paranoïa constante qu'il gardait, en réfléchissant aux pires résultats, le maintenait dans un état de concentration extrême, le lançant dans le même état de zone dans lequel se trouvait Ibara. Ici et maintenant, deux manieurs d'énergie occulte se donnaient à leur maximum, et leur maîtrise différente de l'exorcisme se confrontait avec intensité.

Elle s'élança alors, sur le dos du dragon ronces. C'était impressionnant qu'elle puisse se mouvoir en gardant un certain détachement, malgré tout les coups qu'elle avait mangée, et qu'elle tentait certaines tactiques pour essayer de s'en sortir. Car oui, le maître du territoire avait bien vu clair dans son jeu. Sur un bras de Kannon, dont le poing essayait de rencontrer la sorcière, il fit un pas de côté pour tomber sur un autre. Et s'il tourna la tête en effet pour la suivre du regard, il savait qu'elle jouerait avec son autre dragon pour l'attaquer de nouveau. Pourquoi se passer d'une seconde force de frappe ? Aussi, dès qu'il réapparut, un poing doré percuta ses pattes, un autre l'enclencha sur sa gauche pour l'éloigner de l'héritier des Sato. Mais une fois attaqué, il disparut de nouveau pour protéger sa maîtresse. La rapidité d'exécution était sans pareille, dans son territoire. Tout peut être contré ... Mais tout arrive de n'importe où. C'est le pinacle de l'exorcisme ... Et Daisuke en est lui même ébahi. Même dans son territoire, il s'agit d'un combat au sommet.

Aux paroles lancées par Ibara, il était bien conscient qu'elle découvrait un tout autre environnement. Malheureusement, encore une fois ... Il ne pouvait pas déduire quoi.

"Le temps est relatif, ici. Ce que tu as sur le coeur, tu peux le dire."

Ibara faisait du mieux qu'elle pouvait avec ce qu'elle avait ... Et finalement, elle s'en sortait plus que bien. Mais forcément, tant qu'elle était dans son territoire ... C'était très loin d'être assez. Peut-être avait-elle l'illusion qu'elle pouvait gagner, ici et maintenant. En réalité, il lui aurait surtout fallut avoir assez de temps pour se protéger : en fonçant dans la gueule du loup, ainsi infusée de Noble Truth ... Daisuke n'avait aucun mal à contrer, et surtout à savoir où elle était. Mais il était heureux de combattre quelqu'un d'assez téméraire pour aller au devant du danger, de voir sa plus grande souffrance et de lui foncer dessus en l'affrontant en face à face, avec des paroles si heurtaient finalement plus fort que ses attaques.

"Si je me le suis infligé moi même et que tu es en paix avec ça ... Pourquoi tu continue de me voir ?"

Les poings allaient en effet contre les ronces d'Ibara, et les deux effets des sorts des deux manieurs d'énergie occulte se percutèrent avec fracas. Mais Daisuke, lui même sur un poing doré, s'envola assez lentement vers son adversaire, alors qu'elle semblait arriver a tout berzingue. Mais jamais il ne la rencontrerait. Dans son territoire, les mains étaient bien plus nombreuses que les ronces de la nourrice. Un poing dépassa Daisuke et percuta le gardien amoché mais tout de même remis sur pied, puis il fut harcelé d'autres poing. Ibara, de son côté, fut frappé par derrière, un poing qui eut pour but de la désarçonner de sa monture. Mais dans le même temps, un autre arriva pour la percuter de la droite.

Avec Noble Truth, ses sens continuaient d'être altéré. Ce n'est pas parce qu'elle voyait Daisuke en face d'elle qu'il n'était pas forcément un peu plus sur le côté. Ce n'est pas parce qu'elle entendait un poing venir de la gauche qu'il ne venait pas de la droite. Ce n'est pas parce qu'elle n'entendait rien qu'une nuée assourdissante de poings ne lui fonçait pas dessus. Rien. Elle ne pouvait littéralement se fier à rien. Et si elle ne pouvait pas se fier à ses sens ... Ses dragons non plus.

Ils étaient harcelés, et désorientés comme elle l'était, elle, parce que dans un sens, ils étaient une part d'elle même. S'il était sans doute inutile de frapper ses Shikigami avec Noble Truth comme Daisuke s'en était douté, en revanche, une Ibara infusée par Noble Truth devait donner des ordres erronés à ses dragons, et ils seraient eux même confus. Si on ne peut pas tromper la marionnette parce qu'il voit des yeux du marionnettiste, c'est à ce dernier qu'il faut s'en prendre. Du coup, malgré ses membres amochés, Daisuke se carapatait avec une certaine aisance de l'emprise des ronces de la nourrice, elle même harcelé par les coups de poing. Il en était de même pour le plus balèze qui, bien que gros, se retrouvait submergé d'une nuée de ces mêmes poings, partant dans toutes les directions, ne lui laissant aucun répit : s'il disparaissait, dans le territoire, sa réapparition était immédiatement prise en charge. Il n'avait pas d'échappatoire. Quand à la principale intéressée, elle était également à la merci des attaques. Devant, derrière, à gauche, à droite, en diagonale ... Les poings étaient assez forts et robustes pour lui infliger des dégâts importants tout en la plongeant profondément et encore plus dans Noble Truth. Lorsqu'elle ressortirait du territoire, elle serait dans un état sans doute ... Inédit.

De son côté, Daisuke était émerveillé. Evoluant parmi les bras de Kannon, il se rapprocha finalement de plus en plus de l'emplacement d'Ibara, et arriva bientôt à sa hauteur. Si elle n'avait pas lâchée sa faux, il lui plaça un puissant coup au ventre tout en agrippant son arme fétiche avec force. Si elle ne lâchait pas, elle se prendrait des coups de boule jusqu'à lui faire lâcher prise.

"Tu m'a manqué, mon vieux."

Contrairement à sa balade avec le dragon dans les airs, il n'eut pas le temps de tomber puisque ses pieds posèrent pied au sol une demi seconde plus tard, sur un doigt de Kannon, qui se dirigeait tout droit vers la nourrice. Les poings déglinguaient les ronces comme s'ils n'étaient que des branchages, et tapaient le dragon dans le même temps. Daisuke n'eut qu'à attendre l'ouverture, et d'un coup de faux, lui planta dans le ventre. Un coup qu'il retira bien vite, pour éviter un contre du sort de la créature, avant de reposer pied sur un autre bras de Kannon.

Un sauts, deux sauts, trois sauts, et il retrouva Ibara exactement là où il la sentait grâce aux effets du territoire. C'était son domaine, et il savait précisément où se trouvait chaque personnes. Et alors que ses poings s'écartèrent pour laisser passer l'héritier des Sato, il en donna un ultime dans son ventre ... Et le ciel se brisa. Littéralement, comme si on avait brisé un décor de cinéma. Le coup donné par Daisuke devait propulser Ibara dans le jardin, en dehors de la maison où se trouvait le territoire, et ce dernier se dissipa complètement. Daisuke fit tourner sa faux dans sa main, heureux de retrouver une extension de lui même ... Puis analysa les dégâts.

Il ne sentait plus Noble Truth. Il avait épuisé énormément d'énergie dans son attaque qu'on pourrait qualifier de suprême. Il n'avait jamais étalé sa puissance ainsi auparavant. Pour autant, les coups qu'il avait déjà donné et infusé de Noble Truth faisait toujours effet : c'est surtout qu'il ne pouvait absolument plus en donner. Donc, Ibara était encore profondément plongée dans son illusion, et ses sens lui jouaient toujours des tours : c'était un euphémisme que de le dire. Ses propres jambes tremblaient quelque peu, car même si les écorchures semblaient superficielles de son point de vue, elles commençaient tout de même a peser, quand bien même il faisait fi de la douleur. Il fit craquer sa nuque. Il espérait le combat terminé, mais il restait tout de même bien en alerte. Cette femme avait réussi à se démerder admirablement bien dans un territoire, aussi se dit-il qu'elle avait tout de même en réserve un joker. En attendant ...

La faucheuse avança son arme, et la lame n'était qu'à quelques centimètres de la dresseuse de dragon. Il ne la tuerait pas bien sûr - bien qu'elle ne s'était pas privée pour lui infliger des dégâts létaux - mais la priver à se servir de ses membres, ça ...

Il resta néanmoins sur ses gardes. S'il espérait avoir déglingué les deux dragons avant qu'ils ne fusionnent dans l'éternelle compassion, il ne se sentait pas à l'abri pour autant. Que ce soit par un regain de leur énergie, par l'arrivée soudaine d'autres dragons, ou par des renforts tout simplement de l'ordre occulte. Aussi surveilla t-il tout de même ses arrières.

"Bon ... Reprenons depuis le début ... Qu'est-ce qui t'a amené à devenir ce que tu es aujourd'hui ? Si je continue de te hanter, c'est que tu as quelque chose à te reprocher, et que tu le sais. Tu dois le dépasser, et si tu essaie de surpasser ce traumatisme et que tu n'y parviens pas ... C'est que tu ne prends pas le bon chemin, Ibara."

Se faire chasser de sa propre maison, quelle drôle de situation se trouvait Ibara. Elle en rirait presque, si ses muscles n’étaient pas tétanisés par la douleur et la peur. Comment ne pas avoir peur, elle n’avait aucune idée d’où étaient ses dragons, ses sens étaient sans dessus dessous. Son corps la faisait souffrir, et pourtant elle ne sentait pas la douleur, seulement l’odeur du sang de quelqu’un d’autre. Elle n’entendait plus son environnement, et pourtant avait l’impression d’être à deux endroits en même temps, trois, quatre. Combien de temps s’écoulait-il depuis qu’elle avait été touchée par ce fichu sort inné ?

Elle entendait l’exorciste une nouvelle fois, mais il n’avait à ses oreilles pas la voix qu’il devrait avoir, à ses yeux ce n’étaient pas ses lèvres qui bougeaient. Quelle situation lunaire, et surtout, quel terrifiant pouvoir. Si bien qu’elle soupçonnait qu’elle était morte, cela expliquerait beaucoup de ce qu’elle voyait, mais elle devait s’accrocher à l’idée qu’elle était encore vivante, même si elle semblait traverser l’enfer.

“hehehehe. Ca te tuerait de le savoir, n’est-ce pas? Tu ne peux pas voir ce que je vois, sinon, tu n’aurais pas besoin de le demander. Hahaha, quel pouvoir bien nul.”

La sorcière ne prenait pas la peine de se lever, à quoi cela servirait, hein ? Qui dit que ce qu’elle pensait être le sol était bien le sol? Elle ne pensait pas si loin non plus, même si elle voulait se lever, elle n’en aurait pas la force à ce point. Elle ne pouvait compter que sur son sort inné, et dieu sait ce qu’il était en train de faire en ce moment. Ils étaient invoqué, donc en théorie, ils étaient encore là, mais sans ordre, ou plutôt, avec Ibara qui paniquait à plein régime, il devraient s’affoler aussi, et être en train de faire un carnage autour d’eux.

“Va te faire foutre, je n’ai plus à t'écouter maintenant.”

C’était tout ce qu’elle avait à lui dire, à qui ? ça, elle laisse l’exorciste l’apprendre par lui-même. S’il s’en sortait de cette attaque, bien sûr. Mais comment Ibara pouvait-elle attaquer dans son état, n’importe quel observateur pouvait l’affirmer, elle avait simplement perdu, ses dragons devenaient fou non loin d’elle, et elle était mise en joug par son adversaires. Et bien, pas vraiment, ses dragons ne pouvaient pas devenir “fous”, ils obéissaient simplement à l’ordre de base du sort inné “protéger la rose à tout prix”. Le problème était, la protéger de quoi, elle percevait du danger partout à cause de noble truth, ils n'agissent pas aléatoirement, ils la protègent d’un danger n’existant pas.

Mais elle a appris quelque chose avec le temps. Lorsqu’on y met suffisamment d’effort, on peut annuler cet ordre. Cela ne s’appliquait que dans une sorte de situation, lorsqu’Ibara voyait son objectif plus important que sa vie, à la fois consciemment et inconsciemment. Que pensez-vous va se passer si devant elle se trouve quelqu’un menaçant la sécurité de toute sa famille avec un sort aussi cruel ?

“Et à bientôt.”

L’ordre était réécrit, plutôt que de se protéger, elle allait simplement détruire la zone entière. La nourrice reçut l’ordre, mais si elle attaquait une cible, les sens corrompus par le sort inné du sato de la sorcière lui feront rater son attaque. L’ordre était donc simple, “Détruit tout ce qui m’entoure de tes ronces.”, et c’est ce qu’elle fit. Elle planta ses ronces dans le sol, et des dizaines en surgirent autour et parfois sous la sorcière vaincue. Transperçant sa jambe, son bras, cela n’avait pas d’importance, être capturé par ce type serait pire que la mort, avec un sort comme le sien, Ibara ne savait pas combien de temps elle pourrait garder le silence sur les membres de l’ordre occulte, être capturé était donc à éviter à tout prix. Alors autant mourir et l’emporter avec elle.