cherryflan

La ligne rouge

Kenshin a toujours été vétilleux, surtout en ce qui concerne la salubrité. Le moindre environnement possiblement propice au développement de maladies, la moindre présence de microbes ou de germes a toujours eu tendance à le pousser au dégoût. Si l’on pourrait comparer cette exécration à une forme de phobie, cela ne l’empêche pas toutefois de braver les pires environnements pour mener à bien son devoir. Il a déjà vu et verra toujours pire, c’est le cas de le dire surtout sur cette affectation macabre.

Foulard noué autour du visage pour préserver son nez et sa bouche autant que faire se peut, il avance à tâtons dans ce marécage putride, poussant les jambes dans la fange pour essayer d’avancer. Les émanations méphitiques traversent aisément son masque de fortune, lui donnant des hauts le coeur à plusieurs occasions, Kenshin étant de plus en plus convaincu que la véritable épreuve de cette mission est le voyage plutôt que la destination.

“ Ces exhalaisons… pestilentielles… “

C’en est trop pour lui, d’un geste, Kenshin matérialise deux grandes échasses lui permettant d’avancer en se hissant au dessus de la bourbe nauséabonde. Loin de ne penser qu’à lui, il fait la même chose pour son camarade de mission en lui tendant le matériel salvateur.

“ T’en veux ? “

Cela donne à leur marche une allure certes burlesque, mais Kenshin se moque bien du regard vitreux des insectes peuplant ce marécage. D’ailleurs, il remarque à plusieurs reprises des déchets humains au travers des eaux troubles à leurs pieds, signe que les lieux ont mué ainsi en partie à cause des humains. Une fois de plus, leur impact sur l’environnement se vérifie.

Avançant avec une plus grande efficience, le duo parvient à atteindre le seuil du palud, Kenshin jetant ses échasses alors qu’il pose le premier pied à terre, poussant un soupir d’accomplissement. Créant cette fois-ci un outil adapté à son office, il s’en sert pour défaire ses bottes de toute la boue accumulée, celle-ci agissant tel un poids semblable au boulet d’un prisonnier.

Ce n’est qu’en relevant la tête vers l’horizon qu’il aperçoit une bien macabre protase, des corps de réprouvés exhibés aux arbres dans un tableau sépulcral. Celui qui a fait ça semble presque en avoir tiré bien du plaisir.

“ Ce doit être l'œuvre de Toru. “

Il ne peut réprimer une expression de dégoût à l’énoncé de son nom. Si tuer est une chose, le faire de cette manière relève d’une profonde insanité. Ce fils de pute aurait grandement mérité ce qui l’attendait s’ils n’avaient pas été assignés à son sauvetage. Heureusement pour lui, Kenshin est désormais vu comme un membre de confiance et ne trahira pas les espoirs placés en lui. Observant Haru, il se demande bien la réaction qu’il pourrait avoir devant de telles horreurs.

Continuant leur avancée malgré tout vers le premier village de leur sillage, le duo finit par entrer au sein d’un hameau déserté dont les habitants sont sans doute ceux ayant été exposés plus tôt.

I want to reconcile the violence in your heart

Tenue du k:

Haru traîne les pieds dans la fange, comme il traîne tous les jours sa dépression. Autant dire que ça a un goût d'habitude et c'est aussi dur d'avancer ici que de se tirer de son lit tous les matins. Ils avancent lentement dans le marécage, l'air poisseux remplissant leurs poumons de nauséabondes odeurs chatouillant leurs entrailles et leurs estomacs. S'il avait rendu sa bile sur la bateau lors de leur précédente mission, il ne compte pas gerber de nouveau ici. Il a vu pire, senti bien pire. En cinq ans de service chez l'Ordre Occulte, Haru n'a pas eu que des missions tranquilles. Certaines ont bien failli lui coûter la vie, d'autres sa santé mentale. A voir dans quelle case ranger celle-ci.
Ce qui le rassure au moins, c'est qu'il fait équipe avec Murasaki Kenshin. C'est la troisième fois, déjà, et bizarrement, le coréen a été satisfait de le voir dans le même bureau que lui lorsqu'on leur a donné l'ordre de mission. Il n'irait pas jusqu'à dire qu'il en était content, mais ce serait mentir de dire qu'il n'a pas ressenti un peu de suffisance de voir le balafré.

C'est sur le dos de ce camarade que son regard est rivé. Les éclats de braise s'y accrochent pour ne pas sombrer dans le marais qui tend à les engloutir. L'environnement est traître, peu accueillant, insalubre et surtout, il fait tout pour les ralentir. Ils ne sont pas les bienvenus ici. Kenshin craque enfin, se révolte contre leur situation actuelle. Si ça n'avait tenu qu'à Haru, il aurait juste accepté son sort. Pourtant, il attrape les échasses qu'on lui tend dans un « Merci » soufflé et les enfile. Ils s'aident tous deux à se lever de leur nouvelle hauteur. L'équilibre est précaire mais ils avancent mieux.
Haru manque de tomber plusieurs fois.

Enfin, la terre. Mais elle n'est pas mieux accueillante tant elle est parsemée d'un décorum au goût particulièrement sadique, particulièrement macabre. Haru attrape les chaussures qui pendaient à sa nuque et sur son torse pour les mettre après avoir traversé le marais pieds nus, dardant son regard sur le brun devant lui qui commente l'art gore qui les entoure. Mais il ne s'agit pas plus d'art que d'un jeu dans la tête de celui qui en est l'auteur.
Haru souffle doucement, arrache ses yeux à cette vision horrifique. Son cerveau se conditionne, il se détache. Il a l'impression d'être là, sans l'être. Comme à chaque fois.

Ils continuent d'avancer vers un village déserté de ses habitants, assassinés salement d'une main pleine de folie que Haru connait. Sur le chemin, il n'a pas manqué d'en faire part à Kenshin. Il a jugé pouvoir lui faire assez confiance, maintenant, sa langue se délie petit à petit avec l'introverti japonais. Haru l'apprécie.

« Ouais... Toru Hideki est persuadé que les exorcistes sont supérieurs à ceux qui ne voient pas l'énergie occulte. » Il s'est tu un peu, avant de continuer, le regard vague. « Je l'ai déjà croisé sur une ou deux missions. » Les yeux sont jetés sur Kenshin. « C'était pas ouf. »

Outre l'aspect solo du style de Toru, et sa façon de faire n'incluant aucunement ses camarades, Haru ne s'est trouvé aucun point commun avec ce type. Toru prend plaisir aux massacres, là où Haru tente de les éviter. Pourtant, il n'avait pas levé son petit doigt pour l'arrêter, et il ne comptait pas le faire ici non plus. La théorie d'une évolution de l'être humain fait sens pour la majorité des membres de l'Ordre. Haru n'a aucun avis là-dessus. Tout ce qu'il sait, c'est que s'il n'y a plus de personnes créant de fléau, eh bien, il n'y aura logiquement plus de fléau. Et ça lui suffit.
Pour autant, il garde cette réflexion pour lui alors que ses yeux glissent sur les maisonnettes vides. Des traces de sang fraîches ont repeint les murs de certaines. Ici, ça sent la mort, les tripes et le bain de sang.
Haru renifle, gêné par l'odeur du carmin dilué dans l'eau. Il déteste cette effluve.

« Mmh... Si j'étais Toru, je me planquerais là en faisant croire que j'ai continué mon chemin... Mais... Ses poursuivants vont sûrement passer par ici. » Le coréen fixe son camarade, il n'est pas sûr de ce qu'il va proposer. « On a de quoi tendre un piège ici, si on s'y prend bien. »

La proposition est risquée. Il ne sait pas trop s'il a envie d'une confrontation directe avec les gars lancés aux trousses de Toru. Quand bien même, l'idée de courir après ce dernier tout en étant en fuite lui aussi, ça lui plait encore moins.
Haru attend l'avis de Kenshin, et il s'y pliera. Il n'aime pas mener.

Un craquement sinistre appelle son attention, et il rive ses yeux sur la moitié d'un corps d'enfant qui s'est décroché d'un toit pour tomber lourdement sur le sol.
Il lutte contre l'envie de fumer une clope. Il aimerait juste se tirer de là. L'ambiance est lourde. Il sait pas ce qu'il fait là. Le visage fermé, il se tourne de nouveau vers Kenshin.

Haru n'a pas répondu à la remarque de son camarade sur Toru. Il garde quelques mauvais souvenirs des mission effectuées en sa compagnie, mais il faut dire aussi qu'il est plutôt du genre à fuir le conflit avec ses collègues. Toru avait donc pris totalement l'ascendant et le coréen avait juste suivi les ordres de mission, témoignant de la violence du type et de sa cruauté. Il considérait les non-exorcistes comme du bétail, rien de plus. La même violence que l'homme pouvait commettre envers un animal, Toru l'avait envers des êtres humains. Mais à ses yeux, d'humain, ils n'avaient rien. Difficile d'aller contre un type comme ça, surtout que l'Ordre Occulte est aussi construit autour de cette croyance de supériorité du monde exorcisme.
Haru se sait supérieur à un homme lambda et s'il lui arrive de se montrer lui aussi prompt à une certaine brutalité, il ne lui vient pas à l'idée le genre de délires morbides et "artistiques" dont Toru est fanatique.

Le blond hoche la tête aux hypothèses de Kenshin. Toru doit être dans le coin oui, mais son poursuivant aussi. Pour mettre en déroute un gars comme lui, ce doit être un sacré morceau. Haru n'a pas très hâte de le croiser et s'ils peuvent éviter la confrontation, il ne dira pas non.

Il participe aussi aux recherches donc, guettant le moindre signe frais de la présence du maître des fléaux en fuite. Son regard glisse sur les traces carmins qui parsèment allégrement chaque habitation. Quelques morceaux de chair non identifiés -boyaux, organe ?- jonchent parfois le sol ou carrément les murs. Toru ne fait pas dans la dentelle.
Enfin, dans une autre pièce, il entend son camarade l'appeler. Haru le rejoint pour découvrir une trappe sous un tapis. Un peu bateau comme cachette, quand même. Ils s'y enfoncent, Kenshin précédant la marche. Jusqu'à ce que Toru les agresse en les prenant pour ses poursuivants. Le quiproquo est vite oublié cependant : ils n'ont pas le temps pour ça.

Ils remontent dans la maisonnette, Toru en profitant pour saluer Haru qui ne lui répond que d'un bref « Salut. » presque marmonné. Il n'aime pas ce type : il l'agace à toujours sourire de cette façon alors qu'il s'est mis dans la merde jusqu'au cou. S'il n'avait pas joué au con, Haru serait encore tranquillement en train de ne rien faire pépouze chez lui. Journée de merde.
Alors qu'il va pour sortir de la maison, Haru esquive de peu en une roulade vers l'avant une traînée de glace qui recouvre le pan de mur et la porte.
Merde. Si, ils ont été suivis. Bien sûr que si. Et le gars est assez doué pour savoir se dissimuler.

Haru recouvre ses bras de son énergie occulte, se rétablissant sur ses jambes rapidement pour faire face à leur ennemi. Il a l'air tout droit sorti d'un shonen, et il comprend mieux pourquoi Toru l'a appelé "Chevalier blanc". De une armure étincelante, on dirait qu'il attend sa princesse à sauver. C'est presque ridicule. Mais pas vraiment le temps de tergiverser sur le style ringard de ce qu'il porte. Le coeur battant, Haru observe son vis-à-vis. Il fait confiance à Kenshin pour le rejoindre rapidement en brisant le mur de glace qui les sépare, mais la priorité n'est pas au combat : ils doivent ramener Toru en vie.
Haru se demande s'il ne ferait pas diversion. Mais quelque chose lui dit que Toru n'allait en faire qu'à sa tête, comme d'habitude.

Enfin bref, il s'élance en avant vers le chevalier en armure, prévenant son camarade de son choix.

« J'engage ! »

Haru court droit vers son adversaire, qui découvre une épée effilée, d'où s'échappe une brume singulière. Froide et terrible. Yatsuatari ne la craint pas, cette épée. Elle le pousse vers lui, et le coréen sent déjà son sang bouillir partout dans son corps. Le palpitant est prêt à la confrontation.
Bras noir contre métal glacé, il pare et contre-attaque. Les coups s'enchainent quelque peu jusqu'à ce que d'un habile maniement, la lame se plante au sol comme dans du beurre, et si Haru lance un coup droit, il a juste le temps de voir un mudra devant le visage du chevaliers avant que sa main recouverte d'obsidienne ne frappe un mur de glace épais, contre lequel il vient se fracasser par trop d'élan. Mais Haru ne se laisse pas désarçonné, et en profite pour se replacer, reculant.

Le blondinet joue avec sa lame, un léger sourire flotte sur son visage alors qu'il jauge le coréen.
Haru le sent mal.

Si Kenshin le rejoint enfin, le mercenaire blond atteste de la solidité de l'armure de leur adversaire lorsque la pique de bois envoyée par son camarade ne l'érafle même pas et s'y éclate sans plus de cérémonie. Haru n'est même pas certain que Yatsuatari soit aussi solide. L'obsidienne noire recouvre ses bras, et le cœur battant il observe son sort inné un instant avant de poser ses yeux aux chauds éclats carmins sur Kenshin.
S'il y a bien une chose qui le rassure, c'est de combattre à ses côtés.

Haru ne lui demande même pas ce qu'il a fait de Toru : il en a rien à foutre, et il fait assez confiance au Murasaki pour ne pas se poser la question. Ce n'est pas la première fois qu'ils vont affronter ensemble un adversaire de taille. Si face au fléau de classe S de l'île d'Ha-Shima ils ont manqué de communication, les choses vont être différentes à présent : ils savent tous les deux ce qui a pêché la dernière fois, et ils ne referont certainement pas les mêmes erreurs deux fois. Tous deux sont assez intelligents pour tirer les bonnes conclusions de leurs erreurs passées.
Et quelque part, s'il appréhende le combat, Haru a aussi très hâte de laisser parler sa rage sachant qu'il a derrière lui un type comme Kenshin pour couvrir ses arrières autant que pour l'accompagner dans la bataille.

Effacé devant le leadership naturel de son camarade, Haru atteste de son échange avec le chevalier blanc. Kenshin tente la négociation, en vain, mais il aura au moins essayé. Leur vis-à-vis semble sûr de lui et de sa puissance. Deux options s'offrent à lui alors : un excès de confiance qui l'amènera à sa perte, ou bien il est effectivement plus fort et à ce moment-là... Haru fait craquer ses épaules dans un roulement de ses omoplates.

Le chevalier lance le top départ, en fracturant la terre de sa lame avant de geler tout autour de lui sur une large zone. Haru n'a pas le choix : s'il veut l'atteindre, il doit passer la glace. Il n'est pas certain que Yatsuatari apprécie et encaisse. Il n'a jamais essayé, à vrai dire, de la mettre en contact avec du gel aussi agressif.
Le coréen s'élance néanmoins. Il rassemble son énergie occulte, renforce tout son corps et chaque fibre musculaire qui le constitue : il maintiendra cette concentration tout le long du combat. Il sait qu'il devra encaisser la plupart des dégâts, et il fera front comme à chaque fois, pour laisser à Kenshin libre court d'utiliser son sort inné sans contrainte.

Haru grimpe sur les pics de glace et s'y laisse glisser. Yatsuatari s'est renforcée sur lui, et elle appelle au sang. Dans le cercle formé, il force son adversaire à reprendre son arme pour parer son assaut. Le poing noir rencontre la lame froide, et s'échappe dans un crépitement la colère de son sort contre l'eau s'évaporant dans une brume épaisse. S'il a arrêté son coup avec le tranchant, l'épée ne perce pas pour autant le gant d'obsidienne, et Haru peut appuyer autant qu'il le souhaite pour forcer son vis-à-vis à reculer et parer de nouveau les prochains coups qui arrivent sur lui. D'un mouvement circulaire rapide, la lame se fracasse contre ses côtes protégées par l'épaisse énergie occulte solidifiée. Haru profite de cet instant pour attraper le tranchant d'une main et coincer le chevalier dans un sourire carnassier. Mais loin d'être désarçonné, l'exorciste lui sourit lui aussi.
Au contact prolongé de l'épée contre lui, la glace court à une vitesse folle sur son bras et sur son flanc. Haru lâche prise, par réflexe, des éclats d'eau gelée s'épandant sur le sol lorsqu'il a ouvert sa paume. Le froid est mordant, mais il n'a pas le temps de s'attarder sur les effets du gel sur Yatsuatari qu'il doit se protéger d'un coup de lame, en croisant les bras avant qu'un jeu de jambes agiles ne le repousse de la zone.

Propulsé plus loin, le coréen se laisse rouler sur le sol avant de se rétablir sur un genou et observe la glace qui n'en démord pas sur lui. L'obsidienne noire est toujours visible dessous, et si le froid ne le brûle pas, c'est en grande partie grâce à elle. Mais même avec son armure innée, il ne peut contrer la glace. Ce sera un problème pour lui.
Dans tous les cas, il est sûrement sur la bonne voie : il lui faut récupérer cette putain d'épée et immobiliser leur adversaire, afin de permettre à Kenshin d'attaquer librement.

Mais c'est au chevalier de s'élancer vers eux maintenant, encore plus confiant comme il suppose avoir semé le doute dans l'esprit des deux occultistes.

Son regard croise celui de son camarade. Ils sont tous les deux loin d'être stupides, ils ont l'avantage de leur expérience : approcher de la trentaine pour des exorcistes, c'est déjà un exploit. Mais c'est aussi leur troisième mission ensemble, et Haru se raccroche à l'idée qu'ils commencent tous les deux à comprendre le fonctionnement de l'un et de l'autre. S'il leur est risqué de communiquer oralement pour ne pas dévoiler un semblant de plan, il reste confiant en l'idée qu'ils arriveront à s'accorder.

Le coréen encore à terre, c'est Kenshin qui prend les devants pour affronter le chevalier de front. Haru ressent l'anxiété de ne pas être à sa place : habituellement, c'est lui qui est au contact. Les poings noirs sont fermés et il ne quitte pas l'assaut des yeux, suivant les mouvements des deux hommes en plein duel. Il se tient prêt à réagir, le corps tendu par son énergie occulte. La concentration est intense, leur adversaire est coriace. Ils n'ont pas le droit à l'erreur. C'est comme devant le fléau de classe S.
Et celui-ci, ils l'ont battu.

En observant leur corps-à-corps, Haru note que l'épée est figée dans la main de son propriétaire. Une astuce particulièrement rusée, et bien pensée. Le coréen n'a pas réellement le temps de réfléchir à une solution au problème, qu'il se fait appeler en renfort par son camarade. Immobilisé au sol, le chevalier blanc est vulnérable. Il faut agir vite avant qu'il ne se dégage ou pire encore : qu'il ne gèle Kenshin sur place.
Haru s'élance vers eux et d'un bond il est à côté de ce nœud de racines enserrant les deux hommes. Mais déjà l'armure gèle le bois et il se craquèle sous l'effet du froid mordant. Il lui faut faire au plus rapide. Haru vise le visage. Mais avant qu'il ne puisse l'atteindre, l'épée est plantée dans le sol d'un mouvement du poignet agile malgré l'enchevêtrement de racines. Il a juste le temps d'apercevoir le mudra de son autre main avant que la glace ne l'emporte avec lui dans son sillage.

Les pics sont nombreux. Haru, par réflexe, s'est protégé le visage de ses deux bras, mais il ne sent plus ses jambes. Elles sont au prise dans la glace, comme la moitié de ses flancs. Qu'en est-il de Kenshin ? Alors qu'il tente de trouver son camarade, Haru se rend bien compte que ce n'est pas tant que la moitié de son corps qui est gelé, mais son entièreté : la glace n'a eu aucune pitié, et comme il était tout près, il lui a tout cédé, dans l'incapacité de s'en protéger. Les bras croisés quelque peu devant son visage, le coréen accuse le coup, respire difficilement sous la pression du gel pernicieux.
Réfléchir vite. L'instinct lui crie de laisser parler son sort inné, ce qu'il fait sans plus attendre. Yatsuatari le recouvre alors, s'imposant avec force entre sa peau et la glace. Elle craque, sous l'effet. Fragilisée. Rassemblant une nouvelle fois son énergie occulte, Haru se compresse pour s'en extirper. Il peut enfin regarder autour de lui et témoigner de la puissance de l'exorciste qu'ils combattent : la zone est entièrement recouverte à présent, il n'a pas fait dans la dentelle. L'environnement change à vue d'oeil. Au travers le gel, près des maisons, il peut apercevoir dans le miroitement de l'eau solide les restes d'un cadavre exquis laissé par Toru. Et lui déjà, il est où ? Et Kenshin ?

En le cherchant des yeux, le coréen se refait l'action : ils n'ont pas été assez rapides, du moins, lui n'a pas été assez rapide. Trop loin, pour agir vite. Peut-être peuvent-ils réitérer l'essai, mais il en doute : le chevalier a l'air loin d'être idiot. Il faut rester concentré. Non : il faut se concentrer beaucoup plus. Haru pense à Kumiko, à Azra. Il ne peut pas mourir ici.
Bon. Deuxième round.

Il leur faut absolument immobiliser l'exorciste ou le désarmer.
Le regard vermeil s'est raffermi. Cette fois, c'est lui qui ira au contact.
Il peut se défaire de la glace avec son sort. S'il ressent la sensation de froid, Yatsuatari est plus solide. Et surtout, elle lui permet efficacement de s'extirper d'un piège de gel. Les bras recouverts du noir profond, Haru s'élance vers l'exorciste trônant au milieu de son royaume de glace. Il compte bien lui faire ravaler son sourire satisfait. Alors qu'il s'approche, un nouveau mudra est formé et il sait déjà qu'il va devoir encaisser un autre mur. Mais... Béton, ou glace, c'est du pareil au même nan ?
L'obsidienne le recouvre, et il ne s'arrête pas, force le passage contre les pics qui s'écrasent contre lui. Il passe. Dans les éclats projetés, il se jette lui aussi sur son adversaire, le forçant à retirer son épée du sol pour parer ses coups.

Il ne lui faut pas craindre le gel. Il peut s'en sortir. Haru se rassure, il ne pense ainsi qu'à frapper. Il n'y a pas de problème à être au contact ici : l'auto persuasion fonctionne. C'est à son tour de faire preuve de sa maîtrise du corps à corps, et l'échange lui rappelle un peu celui avec le jeune Sato. Ce dernier était tout de même bien plus coriace et bien plus... créatif. Aérien. Ce blondinet semble surtout utiliser son arme pour se défendre et attaquer, on est bien loin d'un combattant agile quand bien même il faut avouer que l'épéiste s'en sort très bien pour suivre les mouvements de son vis-à-vis.
Haru lui laisse croire qu'il tente d'atteindre sa tête ou les jointures à ses genoux. Mais il n'en est rien, et lorsque Yatsuatari s'abat sur la main fermée et gelée, ne faisant qu'un avec l'épée, il est déjà trop tard pour reculer. Sa paume ouverte resserre son étreinte sur le poignet de l'épéiste. La glace se répand sur le bras de Haru, après ce contact franc et prolongé. L'énergie occulte noire crépite : elle s'étend brutalement dans une lance sortant tout droit du creux de la main du coréen. Elle traverse glace, chair, glace, puis se fiche dans le sol, plantant sa victime.

Tout est allé vite, et c'est à Kenshin d'agir à présent avant que l'épée n'enferme dans son piège de glace le coréen dans ce contact forcé.