Rei ne ressentait guère d'enthousiasme à l'idée de passer le week-end chez ses parents. Elle préférait nettement l'internat et l'ersatz d'indépendance qui en découlait. D'ailleurs, elle avait fait un détour par le konbini à proximité de l'école pour réapprovisionner le réfrigérateur en prévision du week-end. Mais que comptait-elle faire de tout cela ? Maaya, cette cruche, ne manquait jamais de lui conseiller avec bienveillance, presque condescendance, de rattraper son retard scolaire. Avec son sourire rassurant, ses yeux plissés et sa tape habituelle sur l'épaule, c'était une véritable épreuve que de la confronter,  elle et sa gentillesse désintéressée. Non, elle avait plutôt l'intention de se goinfrer de poki et de se plonger dans un bon drama coréen. C'était son rituel depuis ses douze ans, pourquoi cela devrait-il changer ?

Non loin de son logement, tôt le matin, alors que le soleil atteignait son zénith, que les cigales chantaient en harmonie et que la chaleur du sol créait quelques mirages à l'horizon, la jeune fille perçut des cliquetis de serrures et divers bruits mécaniques. Ils furent suivis par les gémissements d'un ahuris, s'écriant comme...Bordel, il y avait donc un autre no-life qui ne rentrait pas chez lui le week-end ?! Et merde, elle pensait avoir l'établissement pour elle toute seule, c'était d'ailleurs son premier week-end à l'école d'exorciste, elle n'avait eu que quelques jours de cours et une mission à Kyoto pour s'imprégner, pas le temps de prendre ses marques. Elle essayait de se faire discrète, mais le son de ses chaussons scolaires sur le gravier la faisait remarquer comme un éléphant dans un couloir. Tant pis pour l'espionnage, elle allait rentrer dans le lard. Le pas lourd et roulant des épaules, elle traversa les portes de l'établissement, soufflant comme un bœuf pour s'enhardir de confronter c-cet... être humain (?).  Là, elle découvrit un jeune homme allongé, le ventre à découvert par son t-shirt relevé, révélant une admirable musculature abdominale. Il semblait affairé à quelque chose sur sa moto, lâchant quelques gémissements d'embarras à l'accomplissement de sa tâche. Il ne l'avait pas encore remarquée, et Rei l'observait avec une expression béate. Sa posture ressemblait étrangement à celles qu'elle avait vue dans ses livres, que pouvait-il bien faire à cette dame de fer ? Son propre visage s'empourprait imperceptiblement.

La chaleur du soleil s'abattait impitoyablement sur son crâne, rappelant la nature de son don mystérieux. Rei était captivée par le galbe musclé du jeune homme qui s'activait devant elle. Elle était tellement absorbée par l'instant qu'elle ne remarqua pas l'avalanche d'émotions qui la submergeait. Soudain, son œil sacré s'activa sans avertissement, projetant une décharge brûlante vers le postérieur du bel inconnu. Un instant de surprise la fit sursauter, et elle ferma rapidement les paupières pour arrêter la projection de son pouvoir. La faute était commise, et elle le savait.Elle demeurait immobile, affublée d'une tenue décontractée faite d'un pantalon de jogging et d'un t-shirt tâché de confiture, qu'elle avait enfilée en toute hâte sans s'attendre à rencontrer qui que ce soit en chemin vers ses activités secrètes, intimes, et profondément importantes que de s'adonner à la consommation de ses séries préférées. Même si son pouvoir occulte n'était plus actif, sa peau portait encore les marques de deux cicatrices sanguinolentes, résultant du crépitement de son œil gauche, qui illuminait de façon aussi arrogante et indifférente que l'astre solaire lui-même.

Pour le dire de manière plus abrupte, son visage était désormais maculé de sang, Les traces de confiture s'étaient fondues et mêlées aux tâches de sang, créant une sinistre toile écarlate sur son vêtement. Et pour couronner le tout, elle venait de fumer le cul d'un innocent, c'était certes involontaire mais les dégâts étaient là. Ce samedi ne pouvait définitivement pas être pire.

MADE BY @ICE AND FIRE & @KIMLEE (HEAVILY EDITED).

Cette charade tomba à point nommé pour Rei, qui réalisa que l'homme venait de lui offrir une excuse toute faite. Son accoutrement était pour le moins ridicule, mais sa maladresse éveilla en elle une curieuse combinaison de pitié et d'amusement. Il semblait si pathétique dans ses singeries, qu'elle le voyait presque rôtir comme un petit cochon... Non ! Elle se reprit aussitôt, se donnant une violente claque qui déclencha une éclaboussure sanguinolente. Elle avait désormais l'air parfaitement dérangée, le visage écarlate, des stries de sang maculant sa peau. La scène ressemblait étrangement à une performance artistique contemporaine, digne des excentricités européennes.

Son plus grand défaut était de penser de façon excessive, et face à cette situation, elle se contenta de sourire. Elle se balança légèrement d'un côté à l'autre, les mains jointes derrière son dos, arborant une expression de gêne manifeste. C'était comme si une comédie absurde se jouait en plein air, avec elle-même et cet étrange individu comme acteurs involontaires.Cependant, c'était la première fois depuis sa rencontre avec Fudo que quelqu'un complimentait quelque chose chez elle. Peut-être que ce don occulte, c'était ça, ce qui la distinguait et faisait d'elle une personne à part entière ? Elle se considérait nulle en tout, en sport, à l'école, nulle pour se faire des amis, piètre oratrice, timide, pas particulièrement belle. Sa vie jusqu'à présent, en dehors des incidents de combustion spontanée, était une accumulation tragique de banalités qui la maintenait solidement ancrée dans l'ordinaire. Donc, bien que la comparaison à Nicolas Cage ne soit pas le compliment le plus flatteur, elle ne pouvait s'empêcher de le prendre comme tel. Elle l'accepterait quoi qu'il arrive. De plus, ce jeune homme semblait être quelqu'un d'attendrissant, peut-être un futur ami, voire plus ?

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Elle le suivit d'un pas lent et hésitant, laissant involontairement des traces de sa pourpre à chacun de ses pas, elle était en train de ruiner les efforts des concierges pour maintenir la propreté de l'établissement par inadvertance, mais elle ne pouvait pas faire autrement. Elle espérait au moins que personne irait se faire des idées en suivant ces marques sanguinolentes sur le sol. À sa question, elle ne put s'empêcher de dissimuler un sourire en le voyant se déplacer avec une assurance inébranlable, malgré le fait qu'il déambulait en caleçon, il affichait une étonnante confiance en lui, ce blondinet.Elle découvrait avec timidité les lieux, c'était une chambre étudiante similaire à la sienne, sinon qu'il logeait un étage plus bas, pas loin de la salle où l'on pouvait entendre les lave-linges tourner. Ce son de tambours avait quelque chose de réconfortant, Rei se faisait petite. Elle qui se montrait arrogante et manipulatrice dans ses moments d'exaltation se faisait rapidement rattraper par la réalité. Sa nature d'introvertie. Elle fit un geste pour indiquer son passage dans la salle de bain puis se dénuda, s'assurant que la porte derrière elle s'était fermée correctement afin qu'il ne tente rien. Ce n'est pas qu'il avait la nature d'un pervers, c'était peut-être insultant pour qui débordait d'innocence, de toute manière il avait l'air de préférer les pots d'échappements aux... Enfin bref.

Quinze minutes plus tard, elle s'échappait de la douche couverte d'une serviette blanche pour le corps et une pour les cheveux, son œil brillait toujours d'une lueur dorée et les cicatrices crépitantes restaient animées, cependant le sang n'avait plus l'air de couler à flot comme auparavant. Elle resta plantée là, à fixer Sora dans un coin de sa chambre pour savoir ce qu'il comptait bien faire maintenant qu'elle était là. Elle espérait peut-être que de cette rencontre fortuite résulterait quelque chose d'intéressant. Son sac en plastique plein de friandises était d'ailleurs entreposé sur la table basse, elle lui sourit faiblement et fit un geste du menton pour le lui désigner.

Une odeur de graisse de moteur flottait dans l'air, laissant entendre que cette pièce avait été le refuge d'un mécanicien en herbe. La chambre de Sora était un véritable sanctuaire pour tout ce qui touchait au monde des deux-roues, et cela en disait long sur la personnalité de l'adolescent. Rei se demandait ce qui pouvait l'avoir conduit ici, à l'école des exorcistes de Tokyo.

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Rei sentit son cœur faire une pause abrupte, gelant son souffle pendant un fugace instant... Cette tête dépourvue de couleur, les yeux écarlates tels le sang qui avait jailli de ses orbites précédemment, cela correspondait parfaitement à ce dont elle avait entendu parler en cours,
un F L E A U ! Elle recula instinctivement, glissant maladroitement sur un magazine de motos appartenant au jeune Mishima. Son corps enveloppé dans un peignoir humide percuta violemment le sol et... Plus rien. Elle semblait complètement inerte, du moins en apparence, bien que son souffle ténu indiquait qu'elle était toujours en vie. La nuque avait violemment heurté le coin de la table basse. Heureusement pour elle, en tant qu'exorciste, sa force occulte l'avait peut-être protégée de sa propre maladresse maudite à maintes reprises durant sa vie semée d'embuches.

Si cette scène n'était pas déjà assez parodique, une atmosphère lourde semblait planer dans les environs, une ambiance sinistre qui rappelait les scènes pré-mort des personnages dans certains films d'horreur de série B. Par un coup du sort, c'était simplement l'aura de désespoir qui suivait habituellement Yuuji Tooka, le professeur de l'école, qui passait par là pour enquêter sur l'origine de tout ce tumulte dans l'établissement et ses dortoirs.

Sa tête dépassait de la porte d'entrée, juste au-dessus de celle de Sayuki Mochizuki. La proximité des deux personnages pouvait paraître gênante, et cela pousserait probablement l'albinos à réagir.


Vêtu de sa chemise blanche, d'une ceinture en cuir noir, d'un pantalon en tissu anthracite, et chaussé de souliers soigneusement cirés, il arborait l'apparence d'un cadre d'entreprise désabusé. Pourtant, il était peu probable que les élèves présents ici aient connaissance de sa méthode d'enseignement si singulière, qui le rendait presque célèbre. Tel un acteur qui attendait un prompteur, il semblait guetter la moindre réaction de la petite zombie, cherchant désespérément un signe de vie dans cette scène aussi étrange qu'ironique.

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