C'est un appel téléphonique qui l'a réveillé ce matin.
Haru a bien essayé de se boucher les oreilles avec son oreiller, mais la personne au bout du fil a rappelé fissa, faisant sonner de revêche son portable. Dans un râlement bruyant, il a donc décroché, son drap glissant sur sa peau nue.
Taichi Morgan l'accueille d'une voix moqueuse, Haru toujours dans les nuages de son sommeil. Elle lui explique rapidement la mission qu'on lui confie aujourd'hui et seulement aujourd'hui. Une urgence. Quelque chose de pressant, sinon on allait rater le coche. Il s'agit d'assassiner une taupe, protégée actuellement par un exorciste. On n'en sait pas bien plus. Morgan lui donne tout de même quelques informations complémentaires sur sa cible, pendant qu'Haru s'allume une cigarette, le téléphone coincé entre son épaule et son oreille.

« Oui, je veux bien mais du coup... ça sert à rien, nan ? » sort-il après avoir soufflé la fumée blanche de son tabac.

Morgan le reprend et lui rappelle que les ordres d'en haut ne se discute pas. Elle avance aussi l'argument d'un exemple. Haru soupire et acquiesce finalement. On lui donne cette mission parce qu'il est le plus proche de la cible qui se trouve actuellement dans un immeuble. Localisée pile poil au milieu des étages. Morgan lui indique la chambre supposément occupée par la cible. Il aurait mieux fait de retourner dans son appartement à Tokyo... L'exorciste demande pourquoi on n'a pas essayé de le tuer avant, ce petit bonhomme, et Morgan lui répond simplement que le garde du corps envoyé par l'école pour le protéger a donné du fil à retordre aux membres de l'Ordre Occulte envoyés avant lui. Aucun n'a su s'approcher suffisamment sans craindre pour sa vie, et l'Ordre ne donne pas de mission suicide. Leurs rangs sont trop insuffisants pour perdre bêtement des membres.
Aussi, c'est enfin à Haru qu'on confie cette mission.
Le jeune homme soupire bruyamment en fermant les yeux, sa cigarette se consumant entre ses doigts. Morgan raccroche après avoir insisté pour avoir un accord oral de sa part.

Bon, eh bien... Pas le temps de niaiser comme on dit.
Haru file dans sa salle de bain prendre une douche rapide, enfile des vêtements dans lesquels il se sent autant à l'aise pour vivre que pour combattre : petit trois pièces crème, auquel il ne met pas de cravate mais quelques colliers d'argent et assez imposants. Une main passée dans ses cheveux mouillés pour leur donner un semblant de forme, lavage de dents express et puis, zou. La porte se referme derrière lui, mais le voici qui fait demi-tour pour donner une caresse à son chat avant de partir pour de bon cette fois.

Casque sur les oreilles comme à son habitude, il regarde sur son téléphone la localisation de la cible envoyée par Morgan. C'est vraiment pas si loin. Deux ou trois minutes à pied tout au plus. Le monde est si petit. Haru choisit une musique motivante pour se mettre dans le bon mood et c'est "Bloody power fame - Coldrain" qui résonne dans son crâne. Le ciel est grisonnant mais il ne pleut pas. Là, voilà, c'est ce bâtiment. L'entrée est avec digicode, aussi Haru s'adosse au mur à côté de la porte et prend le temps de fumer une clope. On ne lui pose pas de question, il a l'air d'un salary-man après tout. Une jeune femme sort en le saluant et il lui rend son hochement de tête. Rapidement, il s'interpose avant que la porte ne se referme et se faufile à l'intérieur de l'immeuble. Haru regarde les boîtes aux lettres d'abord. Le seul appartement qui n'a pas de nom attitré se situe bien au cinquième.
Tout comme l'Ordre Occulte fait des erreurs stupides avec le genre d'individu d'Edamame Toki, l'école en faisait aussi.

Haru emprunte la cage d'escaliers. Maintenant aux aguets, le coréen a baissé le son dans ses oreilles. Au deuxième, il est plus sage pour lui d'éteindre complètement sa musique. Il laisse son casque glisser autour de son cou puis reprend son ascension dans le silence de l'immeuble. C'est un endroit calme. Au troisième, Haru darde ses prunelles vermeilles vers les étages du dessus. Au quatrième, il échauffe sa nuque.
Il pousse la porte du cinquième et s'engage dans le couloir. Lui aussi est très silencieux, les appartements sont bien insonorisés pour un bâtiment aussi vieux. Haru scanne les portes, compte dans sa tête. Si les informations qu'on lui a donné sont correctes, il s'agit de la quatrième sur les dix présentes dans le couloir. Elle se situe à sa gauche, à l'opposé de l'entrée donc.

Là-dedans, il y a un autre exorciste qui ne le laissera absolument pas assassiner tranquillement le traître. Pas un petit en plus, puisque d'autres ont voulu s'y essayer sans grand succès. Haru respire calmement, mais sent l'excitation faire palpiter son corps. C'est toujours les mêmes sensations : avant d'entrée sur le ring, avant un combat. Il ne connait rien de son adversaire, mais son adversaire aussi ne connait rien de lui.
Haru s'avance lentement jusqu'à la porte, puis la fixe, hésitant un instant à la défoncer pour rentrer.

Il toque, puis attend, mains dans les poches.

Haru patiente. Mais s'impatiente.
Il tend l'oreille. Si près de la porte, il entend que ça bouge à l'intérieur. Des bruits de pas précipités, qui s'en vont puis reviennent, s'en vont une nouvelle fois. La coréen fronce ses sourcils bruns. Il se demande s'il n'y a pas plus de personnes là-dedans, si les informations qu'on lui a donné sont incorrectes. Il compte les secondes dans sa tête, repasse les bruits de pas dans son esprit... Le silence est revenu à l'intérieur quant il convient qu'il s'agissait de la même personne. Pas d'autre bruit. L'autre doit être discret.
Ils sont donc deux, en comptant sa cible.

Haru se redresse et regarde fixement la porte. Il hésite à la défoncer, une nouvelle fois. L'idée lui traverse l'esprit mais il la chasse, une nouvelle fois. Ce ne serait pas très propre, et puis... Il a toqué poliment alors il s'attend à ce qu'on lui ouvre poliment. Il recompte, juste pour être sûr de ne pas s'être trompé, les appartements. Mais oui, il s'agit bien de celui-ci. Bruits de pas sourds, mais francs.
On déverrouille la porte, enfin.

Son regard vermeil tombe directement dans celui du jeune homme en face de lui. Haru a toujours les mains dans les poches. Il fait glisser ses prunelles de haut en bas, puis de bas en haut, juge cet étranger qui vient d'ouvrir la porte. Il est torse nu, dévoilant une musculature travaillée. Aucune arme à portée, mais Haru sait très bien que les poings peuvent suffire. En tout cas, ce n'est pas à la salle et certainement pas à un si jeune âge qu'on obtient un physique comme le sien. Il doit avoir à peine vingt ans, si ce n'est moins. Un fin sourire étire ses lèvres alors qu'il redresse son menton, presque provocateur et amusé.
Alors le voici, celui qui a fait fuir tout le monde jusqu'ici. Le silence d'abord, entre eux, lui indique que l'adolescent le jauge lui aussi.
Ça promet d'être intéressant.

Si jeune et déjà si prometteur. Haru, qui lui n'a pas hérité de grand chose en terme de sort inné, n'est d'aucun clan d'exorciste ni promis à un grand avenir par je ne sais quelle famille, en a vraiment bavé pour parvenir à son niveau actuel. Il devine facilement le potentiel du gars en face de lui. Oh, il ne doute pas du travail accompli... Seulement, c'est bien connu que les exorcistes ne commencent pas tous au même niveau.
Le brun passe une main dans ses cheveux, presque gêné, presque faussement gêné, par sa semi-nudité. Haru s'en fiche bien. Des torses nus, il en voit régulièrement, que ce soit sur un ring ou dans son lit.

L'ambiance est tendue, déjà.
Haru sait. L'autre sait.
C'est électrique, et il ne faut qu'une étincelle pour que le feu prenne.

« Ah oui... Je ne me suis pas annoncé, mais je suis bien attendu par monsieur Edamame. » répond t-il, en apparence très calme et rassemblé, le ton de sa voix grave et basse trahissant sa tension.

Pas qu'Haru ait peur, loin de là. Mais la situation a quelque chose d'excitant et de presque galvanisant. Il sait que bientôt ils croiseront le fer. Alors, avoir une petite conversation comme ça... ça lui rappelle les face à face, avant un combat. Ce moment où, front contre front, on se bouscule, on se juge, on se provoque. On s'échauffe l'esprit. On réveille son sang.
Haru fixe les yeux d'ambre du jeune. Il ne cligne que peu des yeux, la pupille presque dilatée, témoignant de sa préparation mentale à la confrontation. Mais Haru ne bouge pas, les mains toujours dans les poches.

L'exorciste tente un joli mensonge et Haru cille quelque peu, sa tête se penchant un peu de côté. C'est amusant. Haru s'y engouffre.

« Oh, j'en conclus que monsieur Edamame est absent. » lance t-il de revêche, le regard droit dans celui du jeune. Il hausse les épaules. « Dommage. Désolé pour le dérangement... Je ne sais pas qu'il avait ce genre de goûts. » Recule d'un pas, après sa pique. « Je repasserai. Bonne journée. »

Regard presque doucereux, Haru s'engage dans le couloir, direction les escaliers, d'un pas lent mais sûr.
A l'intérieur, il boue.

Son regard aux lueurs carmins parcourt le mur qu'il longe, à mesure qu'il s'avance d'un pas tranquille dans le couloir. Haru ne s'attend pas à se faire interpeller à nouveau par le jeune exorciste, et lorsqu'il l'entend, il s'arrête et se tourne à demi pour le voir. Un regard par-dessus son épaule, alors qu'il lance un "Mmh ?" presque inaudible si ce n'est par lui-même.
Ses yeux tombent dans ceux du brun, qui s'adosse nonchalamment à l'embrasure de la porte, gardant l'accès à l'appartement où se trouve -sans aucun doute- la cible du missionnaire de l'Ordre Occulte.

Haru tend l'oreille aux interrogations justifiées de l'exorciste. Quand bien même, c'est un fait surprenant de sa part que de relever pareil questions. Habituellement, on suit les ordres, simplement, chacun croquant dans le même steak sans se préoccuper des motivations de son vis-à-vis.
Le torse d'Haru se gonfle doucement, puis se relâche dans un soupire nasal maintenu. Il réfléchit à une réponse, non pas pour la donner à celui qui l'attend, mais plutôt pour lui-même. Après tout, ce sont les mêmes objections qu'il a lancées à Taichi Morgan, il n'y avait même pas une heure en recevant sa mission.

Edamame Toki est d'une inutilité certaine à présent. C'est un point que personne ne peut contester et Haru est fondamentalement d'accord avec celui-ci. En plus de ça, c'est un exorciste et normalement, l'Ordre Occulte évite de prendre leur vie. Pourtant, le voici, dans ce couloir, si proche et si loin de cet homme qu'on veut voir mourir et qui mourra certainement de ses mains. Ce n'est pas le premier qu'Haru doit tuer, et ça ne sera certainement pas le dernier. Pourtant, des cas comme Toki, il n'y en a pas mille. Une dizaine, finalement depuis que l'Ordre existe. Les traîtres sont plutôt rares.
Et c'est là toute la problématique : Toki doit mourir, parce que c'est un traître et que l'Ordre Occulte n'accepte aucun traître dans ses rangs. Même si cet homme ne faisait pas officiellement partie du groupe puisqu'il était là pour d'autres desseins, il a tout de même été accueilli par l'Ordre de la meilleure des façons. La trahison, ça, c'est quelque chose qu'on ne peut pas laisser passer.
Haru est bien d'accord avec ça, finalement. Lui-même est plutôt très rancunier, lorsqu'on en vient à le trahir. Puis là-haut, il y a des têtes pensantes qui gèrent le groupe, et si elles décident que Edamame Toki doit mourir et que Haru doit le tuer, alors il doit en être ainsi. Haru est bien trop peu au courant des ficelles qui se tirent pour réfuter un ordre comme celui-ci. C'est pour cette raison d'ailleurs, qu'il n'a pas plus chercher à questionner Morgan.

Quant à donner une réponse à ce jeune homme... Haru reste silencieux et après l'avoir fixé un instant, laisse de nouveau glisser son regard vermeil sur le mur à sa droite. Son silence pèse dans le couloir entre les deux manieurs d'énergie occulte.
Quand enfin, il est brisé, ce n'est ni par Haru, ni par son futur adversaire.

Bruit de verre qui éclate sur le sol, derrière le mur... qui résonne par la porte encore laissée ouverte par le jeune brun.
Trouvé.

Haru ne perd pas de temps, renforce son poing avec son énergie occulte solidifiée et frappe de toute sa force le mur qui le sépare de l'appartement. Le gant noir sur ses doigts fait exploser le placo et la poussière l'enveloppe. Haru enjambe le bas du mur et s'engouffre dans l'ouverture qu'il vient de créer.

Là, devant lui, par terre et complètement apeuré, se trouve sa cible tenant des morceaux d'un reste de bocal en verre entre les mains. Haru fait craquer ses poings, conscient qu'il lui faut agir vite avant que l'autre ne se ramène.
Toki tente de fuir par la porte de la salle de bain, mais il a oublié l'avoir verrouillée en s'y cachant. Le grand coréen s'avance vers lui, sourire aux lèvres alors que l'homme panique sur la poignet qui refuse de coopérer.

Toki n'est peut-être pas son adversaire, mais c'est son objectif.

Haru prépare son poing qu'il compte bien balancer dans la gueule du fuyard s'étant recroquevillé sous la poignée de la porte récalcitrante à s'ouvrir. L'énergie occulte du blond épouse la forme de ses doigts avant de s'épaissir en un gant noir et parfaitement lisse doublant le volume de son poing. Il va pour frapper, mais un coup de travers le balance contre le mur.

Haru le regarde du coin de l'oeil, suit les mouvements du jeune exorciste. Il prend Toki avec lui et va pour lui renvoyer un coup de pied que le combattant pare par pur réflexe. Le pied s'appuie sur un bras renforcé, fait craquer l'énergie occulte solidifiée sans la briser. Il tente d'attraper la jambe du plus jeune, mais elle file avant qu'il n'ait pu refermer sa prise. Haru se rétablie sur ses deux jambes et se tourne vers le trou dans le mur qu'il a fait peu avant. Le brun lui barre la route et il entend Edamame s'enfuir dans le couloir. Des bruits sourds, un long cri.
Haru passe outre la provocation du plus jeune et ne perd pas de vue son objectif. Il n'a pas le temps de se battre avec lui. Toki est une priorité. Qu'il craque sa nuque ou ses poings autant qu'il le veut : le coréen est dans le même état d'esprit que sur un ring. Ce n'est pas la victoire qu'il vise, mais bien la mise à mort de Toki.

"Haru"

Mmh ?
Haru tique. Mais peu importe : si l'autre ne le laisse pas passer, il se frayera un chemin par lui-même. Mais d'abord... Le blond balance un débris de mur de toute sa force sur le jeune exorciste en face de lui. Sans perdre plus de temps, il condense de nouveau son énergie occulte dans ses poings, entourant cette fois-ci ses avant-bras ainsi que ses épaules.
L'obsidienne luit alors qu'il démonte le mur direction Toki d'un coup de poing fulgurant. Tant pis pour la poussière, tant pis pour les gens de l'autre côté : Haru s'engouffre rapidement dans le trou qu'il vient de créer et fonce droit devant lui.

Un mur. Deux murs. Trois murs.
Le quatrième obstacle qu'il démonte est une pauvre porte qui vole sur celle d'en face. Le voici de nouveau dans le couloir et il n'est pas arrivé les mains vides. Haru balance d'un coup de pied précis et puissant un morceau de ciment vers le jeune exorciste, histoire de pouvoir le ralentir un peu, du moins le gêner. Et s'il ne peut pas encore lui-même rattraper Toki qui est presque à l'ascenseur, c'est Toki qui viendra à lui. Dans un cri de rage, Haru frappe le sol de l'étage de ses deux poings chargés d'énergie.

Craquement sur le sol. Le bâtiment tremble. L'étage ne cède pas.
Vieux mais robuste cet immeuble.
Haru n'a pas le temps d'en remettre une couche, conscient que derrière lui, l'autre manieur d'énergie occulte a du se rapprocher.

Il fera d'une pierre deux coups, la prochaine fois.

Le coréen pivote sur sa jambe et croise les bras devant lui, s'attendant à parer une attaque frontale. Il bande sa ceinture abdominale, prêt à accuser le coup.
Son énergie occulte est toujours présente autour de ses avant-bras, miroitant agressivement de son noir obscur.

Ça vient vite, ça fait mouche.
Craquement sourd dans ses jambes. Son adversaire a de l'esprit et des ressources. Haru doit arrêter de faire les choses à moitié. Déséquilibré, le coréen serre les dents alors qu'il repose ses jambes sur le sol, bien ancrées. Il a pris le projectile dans le tibia, et ne veut pas regarder. Il sent juste le tissu de son pantalon couvrant sa jambe devenir moite.
Peu importe.

Son regard vermeil ne lâche pas la silhouette athlétique du jeune exorciste qui vient à lui. Haru a de l'expérience : il ne se laisse pas avoir par une attaque de ce genre, et même s'il n'a pas pu esquiver le morceau de ciment qui lui a éclaté la jambe, il sait qu'il s'agit d'une mise en bouche. L'autre glisse sur le sol. Il aime apparemment attaquer du sol.
Haru pivote en même temps, ne le quitte pas des yeux, grogne sur la douleur de son tibia. Le brun lui envoie un coup de pied qu'il pare sans effort, ses bras toujours croisés et recouverts de son énergie occulte. Encore une fois, il file avant que le coréen n'ait pu refermer sa prise sur son membre attaquant. Sa main n'attrape que du vide.

Pas le temps de réfléchir, il faut agir.
Le jeune perd du temps à diriger Edamame, se propulsant vers lui. Haru n'en perd pas lui. Il le suit et il n'est qu'à quelques centimètres lorsqu'enfin son vis-à-vis se tourne vers lui. Malgré des appuis solides, il ne pourra pas aisément se tirer de l'attaque frontale de Yatsuatari.
Le poing solide, gonflé à bloc de son énergie occulte solidifiée, Haru lance son uppercut. La lueur rouge dans ses yeux brille méchamment d'une sauvagerie qui s'épanouie.

Poing, poing, jambe. Genou.
Droite, gauche, gauche, droit.

Haru est un démon de la boxe thaïlandaise et ici dans ce couloir, il n'y a pas d'autre choix que de se confronter à lui ou d'essayer de s'enfuir. Le coréen couvre chaque attaque d'une solide couche d'obsidienne noire : Yatsuatari recouvre ses poings et ses jambes, il bande ses abdos et tout le reste de son corps, lui insufflant son énergie occulte et la laissant gonfler toutes ses fibres musculaires pour encaisser les coups que pourraient lui mettre le brun.
Le ring est étroit, esquiver est difficile.

"Haru"

Dans un cri rageux, le blond enchaine les coups.

Poing, jambe, droite, droite.
Gauche, droite, bas, bas.
Il ne laisse pas respirer son adversaire, pas plus qu'il ne se laisse respirer, laissant libre cours à sa colère.

Haru voit rouge, il enchaîne les coups à bout de souffle. Tout son corps en ébullition prêt à imploser, prêt à exploser.
Ça vient.

Il touche, il sent qu'il touche. Plusieurs fois. Il sent un corps s'opposer à l'obsidienne de son énergie occulte, il sent le frisson du combat qui le transperce. Il sent aussi qu'on tente de s'y opposer, de faire front. Mais Yatsuatari frappe plus fort. Yatsuatari en veut encore. Yatsuatari ne connait pas le repos, ni la satiété. Yatsuatari n'est jamais satisfait.
Haru ne le sait que trop bien. Au fond, il frappe comme si ça vie en dépend. Il frappe parce que c'est le seul moyen qu'il trouve pour exprimer ses douleurs. Elles sont nombreuses et elles sont profondes. Elles ne connaissent pas le repos elles non plus. Le regard vermeil est fou, empreint d'une rage qui vient des profondeurs de son cœur.
Car si aux premiers abords le coréen parait calme, patient et réservé, c'est toujours en plein combat qu'il dévoile sa nature véritable. Sauvage. Brutale. A l'image de ce que sa vie a marqué sur son âme.

Haru grogne lorsqu'il sent une prise sur son poing recouvert de noir. Yatsuatari n'en a pas eu assez. Son regard se plante agressivement dans celui du jeune exorciste. Il sent deux coups rapides frapper son torse.

"Haru"

Le blond enrage, et envoie un revers qui ne trouve pas sa cible. Pas assez rapide, trop déconcentré. Putain.
La punition ne tarde pas et elle est aussi violente que son état psychologique. La douleur est fulgurante. On entend distinctement les côtes se briser. Le souffle coupé, il crache du sang. Haru n'a pas le temps de se remettre de ce coup, que son jeune adversaire le propulse de ses deux jambes contre le mur opposé du couloir.
La réception est brutale, et il glisse le long du mur. Haru crache de nouveau du sang. Un putain de rayon noir. Bordel. Il voit trouble, n'arrive plus à distinguer correctement les choses dans le couloir. Un point sourd et inconfortable le prend là où l'exorciste brun l'a touché. Il pose instinctivement sa main à cet endroit. C'est moite. Il saigne.

Haru se relève dans un grognement de douleur. Yatsuatari s'effrite sur ses bras, disparait avant de toucher le sol dans une fumée écarlate et sombre. Un mouvement sur sa droite attire son regard et il décèle dans le trouble de sa vision la silhouette de son adversaire.

Tout ça c'est de ta faute

Tu aurais pu l'éviter

Pourquoi tu ne fais rien ??

Haru !

Où es-tu Haru ?

Son cœur manque un battement. Il a du mal à retrouver sa respiration, son souffle lui échappe comme son mental. Haru tangue, et s'éloigne du jeune exorciste à reculons, sa main pleine de son propre sang glisse sur le mur jusqu'à retrouver un des trous qu'il a éventré peu avant.

Tu me déçois, vraiment

Viens, Haru, il faut partir

Pourquoi tu ne fais rien ??

Haru, qu'est-ce que tu fais ?

Par ici !

Haru souffle, souffre.
Sa vision est toujours trouble. Il ne comprend rien. Ce n'est pas un seul rayon noir qui le mettrait à terre, normalement. Alors pourquoi ?

Oui, dis-moi pourquoi

Pourquoi t'as rien fait

Pourquoi tu fais rien

Pourquoi je suis mort ?

Haru, pourquoi ?

Il grogne, secoue la tête. Putain, il connait cette voix. Il ne sait juste plus à qui elle appartient. Il a l'impression que ça fait... si longtemps, qu'il ne l'a pas entendue. A qui ? Où ? Dans sa tête ?Il cherche du regard, ne trouve rien d'autre que le brun qui le fixe toujours. Il s'est passé beaucoup de temps là ? Il perd ses repères.
Tout au plus quelques secondes, Haru. Mais maintenant, t'es perdu.

L'objectif. Ne pas perdre de vue l'objectif.
Pourquoi il est là déjà... ? Ah oui. Edamame Toki. Tuer. Traître. Voilà, tout lui revient. Sa vision se précise de nouveau, et derrière le brun, il peut voir distinctement quelqu'un qu'il n'aurait jamais cru revoir. Deuxième battement manqué. Putain de merde ?
Jihoon le fixe, le regard plein d'un jugement que Haru se prend de plein fouet.

Non, non... L'objectif, ne pas perdre de vue l'objectif.
Le blond secoue la tête. Yatsuatari recouvre de nouveau ses poings. Il a perdu assez de temps. Faisant fi de ses côtes fracassées qui hurlent lorsqu'il se redresse, il frappe de nouveau comme précédemment le sol de l'étage. Cette fois, celui-ci cède. Haru tombe, mais se prépare à la réception. Il n'aura pas long pour passer outre l'exorciste. A moins que...
Dans la poussière et les morceaux de béton qui tombent sous l'étage du dessous, Haru se réceptionne sur ses jambes et profite du rebond pour éclater la première porte qui vient à sa droite. C'est le bon côté de l'immeuble. Il traverse l'appartement en trois grandes foulées, les dents serrées sur une douleur qui le transperce. Le monde a pris des teintes d'aquarelle filante tout autour, comme c'est étrange. Plus sombre, plus coulant.
Haru se jette par la fenêtre. Il se couvre d'obsidienne. Tenir encore un peu. Il faut tenir encore un peu.

Tu t'en vas ? Pourquoi tu pars ?

Haru, tu fuis encore, t'es qu'un lâche

T'es qu'un lâche, t'as pas changé, tu fuis toujours devant tes responsabilités, je dois toujours tout faire à ta place

T'as rien dans le cœur, t'es un crevard, t'as quoi ici à la place du coeur, t'as quoi, tu veux quoi, qu'est-ce que t'as

Rien dans la tête, t'es qu'un abruti, tu nous as laissé crever et tu vas faire pareil

Putain, putain, putain.
Roulade contrôlée comme réception, Yatsuatari absorbe le choc, mais pas la douleur de ses côtes cassées, ni celle de son tibia. Traces de sang sur le sol. C'est à lui ? C'est beau, comme ça, comme deux coups de pinceau, qui veulent lui bouffer les pieds. Haru les enjambe, s'accroche à son objectif pour ne pas sombrer définitivement.
Il traverse pareillement le verre de la porte d'entrée de l'immeuble. Les éclats luisent et sont comme des milliards de miroir. Il se voit en triple, en quadruple. Il se voit partout. Le temps se suspend un instant et c'est Jihoon qu'il voit. Haru attrape un morceau. Lorsqu'il met pieds à terre, le verre éclate sur le sol et il se jette sur les escaliers.

Tenir encore un peu.
Il a juste à réceptionner Edamame dans sa descente. Et si ce dernier remonte, il retournera le chercher.
Encore, et encore.
Et encore.

Ça tangue, ça bouge. Les escaliers ressemblent à des vagues, prennent des teintes brunes, comme un plancher longuement sillonné qu'il connait par cœur. Haru souffle un air familier, des odeurs lui piquent le nez, rappellent à lui des souvenirs creux. Il n'y avait pourtant pas d'étage dans leur maison. Où alors ?
Concentre-toi, bon sang.

C'est la maison ?

Où es-tu, Haru ?

Pourquoi tu te caches, Haru ?

Haru !

Haru ! Haru ?

Oh bordel, qu'il commence à avoir mal au crâne. Il ne sait pas si c'est les coups, la douleur qui lui monte à la tête, ou la voix de son frère qui lui fait perdre l'esprit. Haru se raccroche comme il peut au réel, pose une main sur la rambarde de fer des escaliers. Le toucher le maintient sur terre, le pousse à rassembler ses idées. A chasser le sort inné qui l'empoisonne. Il secoue la tête, frotte son front, et ses yeux. Il y laisse une trainer de son propre sang.
Sous lui, il a l'impression que le monde veut l'engloutir.

Pourtant, il ne faut pas perdre de vue l'objectif. Oui c'est ça, il faut tuer Toki. Putain de merde, c'est où déjà ? Par en haut. Il faut monter. Il monte, les marches tentent de le désarçonner mais à mesure qu'il se concentre, elles se stabilisent. Les murs coulent toujours d'une encre sombre, il évite de les regarder. Il évite de se regarder.
Il ne veut pas voir.

Regarde moi !

Où es-tu, Haru ?

Haru, t'es qu'un lâche !

Haru !

Regarde moi, Haru !

Il regarde.
Son regard se porte un peu plus haut, et ce n'est pas la silhouette de Jihoon qu'il voit mais bien celle du jeune exorciste. Quelques marches les séparent juste. Haru est entre deux étages. Il n'a pas monté grand chose. C'est dur d'avancer quand il a l'impression que le sol se défend à ses pieds. Il pose son dos contre le mur et la fenêtre derrière lui. Il est à contre-jour mais le ciel grisonnant du jour n'empêchera certainement pas l'autre de voir son visage.
Haru souffle doucement, ses prunelles cherchent sa cible mais elle n'est pas là. Il a du remonter sous les ordres du brun. Putain. Il faut monter encore ? Encore... ? Ses côtes le lancent et il grogne. Un rayon noir, ça pardonne pas.

Voilà que son adversaire lui cause et lui fait la leçon. Qu'est-ce qu'il lui baragouine là ? Haru hausse un sourcil, fronce l'autre. Fuir ses problèmes ? Qu'est-ce qu'il en sait d'abord ? Et puis c'est qui ? Merde, en fait. Haru soupire bruyamment.
Il fixe son vis-à-vis, le carmin de ses yeux luit de sentiments amers à son attention. Haru ne s'ouvrira pas. Il ne s'ouvre jamais. Le talk no jutsu, ça ne prend pas avec lui.
Pourtant, la deuxième salve de questions du jeune réveille en lui les mêmes interrogations qu'il s'est posé il y a quoi... une heure et demie maintenant ? Il sait plus. Le temps, ça va, ça passe. Le temps, on le rattrape pas.

Qui sert à rien ?

Tu sers à rien

Haru, tu sers à rien

Haru !

Haru ! Haru ?

Haru laisse sa tête rencontrer la fenêtre, pose sa main sur ses côtes de nouveau.
Il reprend son souffle. Reprend le contrôle sur lui-même. Doucement, doucement. Voilà, c'est ça. Inspirer, bloquer. Une, deux, trois, quatre, cinq... Relâcher. Expirer. Sa vision se stabilise, alors qu'un sourire narquois fend son visage pour toute réponse à son vis-à-vis. Ce jeune a de la ressource, mais pour un mercenaire comme Haru, il en faudrait bien plus pour briser son mental.
Quel sort inné intéressant, tout de même.
Parce qu'il n'y a que ça, il ne voit que ça : c'est son sort inné qui l'a rendu comme ça. Haru n'est pas schizophrène ni sujet à des hallucinations quelconques, habituellement. Et ce n'est pas la première fois qu'un coup puissant le désarçonne, il en a vu d'autre. Jamais encore ça ne lui a provoqué de telles visions.

Tout ça, c'est du faux. Du bullshit. Ça ne prendra pas avec lui.
Tout ça, c'est faux, pas vrai ?

« J'en ai rien à foutre. »

Les mots sont amers, comme son ton. Amer.
Il a craché ses maux comme seul commentaire sur toute son existence. Rien à foutre. Y'a que ça qui fonctionne, de toute façon.
Y'a que comme ça qu'il avance.

Haru a fait le point sur son état. Ce moment de calme lui a permis de réfléchir à un moyen de s'approcher, de passer outre cet exorciste. Ils sont mal en point tous les deux. L'autre a, théoriquement, l'ascendant. Il se tient en hauteur. Il va falloir la jouer fine. Et surtout, se protéger de tous les coups. Son énergie occulte ne doit pas être infinie. Tout comme celle d'Haru. Ça se joue maintenant.

Craquement sur le verre un peu plus bas. Quelques secondes passent. Haru glisse son regard sur un jeune homme qui est monté à son niveau. Il pose d'une façon hésitante son pied sur le même pallier que le blond, il sent instinctivement que la situation est inhabituelle. C'est un habitant de l'immeuble. Il tombe à pic.
Haru n'a plus de cœur, depuis longtemps.

Le voici qui attrape le civil par le col et le place devant lui, le morceau de verre qu'il a récupéré peu avant se pointe dangereusement sur la gorge de sa proie. Haru plante son regard dans celui du jeune exorciste, resserre son emprise sur le pauvre étudiant qui n'a rien demandé et qui couine. D'une main experte, Haru lui fait rapidement une clef de bras, histoire de l'immobiliser complètement et le soumettre totalement à lui.
Haru n'a pas de race, non plus.

Le tout pour le tout.
Yatsuatari recouvre ses bras, jusqu'à ses épaules. Haru couvre aussi ses tibias, mais joue la ruse en camouflant son énergie occulte solidifiée au plus près de sa peau, sous le tissu de son pantalon.
Il s'avance, force son otage à faire de même, le poussant vers les escaliers en directement du brun. Une marche, deux.
Et maintenant, tu vas faire quoi ?

Une mauvaise personne

Tu sers à rien

Regarde-toi

Haru !

Qu'est-ce que tu fais ?

Rien à foutre, répète-t-il pour lui-même, en son for intérieur.
Les mots lui crèvent le cœur.

Ouais, prendre un otage c'est petit. C'est lâche. C'est vraiment pas beau, et même pas poli. C'est carrément irrespectueux. Mais qu'est-ce qu'il en a à foutre en vrai de vrai ? Dans le fond, ce type là, qu'il tient contre lui et qui geint, presque à se pisser dessus... c'est juste un lambda, un humain, une source de fléaux. Les fléaux c'est la mort, le drame de sa vie. Si y'avait pas les fléaux, y'aurait pas d'énergie occulte. Si y'avait pas d'énergie occulte, Jihoon serait toujours là. Et lui, il serait peut-être heureux.

Ouais, c'est lâche

Pourquoi tu fais ça, Haru

Pourquoi t'es comme ça, Haru

T'es qu'un lâche !

Une sale race

Haru ne lâche pas son adversaire du regard. Ça commence à lui taper sur le système cette histoire de voix dans sa tête. Mais il tanke, encore, toujours. Il n'a pas le temps pour se rouler en boule dans un coin et rester en PLS. Il est en mission, là, il a un truc à faire. C'est pas ce petit con avec ses belles paroles et son pouvoir occulte chelou qui va l'abîmer au point de ne pas parvenir à ses fins. Haru est blindé. Haru est un prince de la désillusion.
Tout autour, le monde a arrêté de couler comme une peinture à l'huile fraîche. Il marche sans se poser de questions maintenant, le sol ne cherche plus à s'enfuir sous ses pas. Il pousse le civil sans ménagement, lui tire un cri de douleur parce qu'il martyrise un peu son bras. Juste un peu. Haru s'en fout. Voilà, il s'en fout. Il en a plus rien à faire. Cette mission le saoule, sa vie le saoule. Ce type le saoule. Tout le saoule.

S'il s'en foutait, il ressentirait rien. Ben voyons ?!
Comme si rien ressentir, c'est aller bien. Il a fumé ou quoi ce jeune ? Haru ressent plus rien depuis longtemps. Et c'est ce vide qui le bouffe de l'intérieur. Chaque jour, il se demande pourquoi il se réveille. Il n'a pas de raison d'être là, finalement. Et pourtant... Il est toujours là, à combattre pour un monde qu'il pense meilleur. Sans fléaux, pas d'exorciste. Sans fléaux, pas de drame familial. Pas de dépression.
Les premières marchent sous ses pieds. Il se rapproche du brun à la mèche coloré. Ce type-là, il essaye encore le talk-no-jutsu. Haru lui répond d'un sourire sarcastique. Cause toujours.

Peut-être que tu devrais l'écouter

T'en fais toujours qu'à ta tête

Pourquoi t'es comme ça, Haru

Une mauvaise personne, un sale type

Lâche cette personne

Pourtant, il soulève un point vrai : Haru ne peut pas se trainer son otage sur chaque étage à la recherche de sa cible. Et le temps presse, il n'a pas toute la journée. D'autres exorcistes peuvent débarquer à tout moment. Putain.
Il ne voit pas trop comment il va pouvoir faire pour mener cette mission à bien. Pourtant, c'est con, Edamame Toki a l'air si faible et inutile... il lui aurait suffi d'un coup de point bien placé et il l'aurait envoyé six pieds sous terre. Haru se tend. Haru est tendu. La douleur a ses côtes est encore vive : on lui a envoyé un exorciste qui sait faire un putain de kokusen. Pas étonnant que les types de l'ordre partaient la queue entre les jambes. Mais Haru n'est pas comme ça. Haru veut peut-être bien crever, comme ça ?

Des morts inutiles... Comme celle de tous les jeunes exorcistes qu'Haru a vu périr du temps où il était lycéen ? Comme tous ceux qui sont un jour partis en mission et revenus sous un drap blanc ? Celles-ci oui, il faut les arrêter. Les humains, eux, c'est juste des parasites. Des usines à fléaux. Haru cille pourtant, s'arrête au milieu des marches de l'escalier. Il ne peut décemment pas aller au contact de l'autre ainsi. Il faut encore ruser.
Yatsuatari lui hurle de combattre.

Et pourquoi faire ?

Pourquoi tu fais ça, Haru

Tu veux encore te battre ?

Pourquoi ?

A quoi ça sert ?

Ferme-la Jihoon, putain.
C'est les mots de trop.

Haru agit. Il n'a plus de temps à perdre. De toute façon, a t-il vraiment d'autre solution ?
Cri de rage, lorsqu'il soulève son otage par le bras et par la ceinture dans son dos. Peu importe s'il pète le bras de ce type, il en a rien à faire. Un craquement se fait bien entendre, mais est-ce que c'est bien le bras de l'autre, ou bien ce sont ses côtes ? Haru ne sait pas, ne s'y attarde pas. Il a mal, bien sûr. Mais, comme toujours, c'est la rage qui l'anime. Elle lui fait tout oublier. Yatsuatari lui fait tout oublier.
Haru soulève son otage au-dessus de lui et le balance sur l'exorciste.

Tous deux savent qu'il ne s'agit que d'une diversion. Prendra ou prendra pas, peu importe, maintenant qu'il est lancé, il faut aller au bout de sa décision. Haru ne peut plus reculer. Il profite de l'élan de son envoi d'otage pour monter les marches et se préparer à une attaque frontale. Il pioche dans ses dernières réserves d'énergie occulte pour se forger une amure à toute épreuve, camouflée sous ses vêtements histoire que l'autre tente quand même de le frapper sans savoir qu'il se protège. C'est maintenant ou jamais.
Le morceau de verre qu'il tient dans sa main lui transperce la peau alors qu'il serre les poings. Ses gants noirs sont de retour. Il envoie un coup droit.

Mais Haru n'est pas stupide. A la place de son adversaire il aurait deux options : sauter ou reculer.
Dans tous les cas, s'il enchaine avec un coup de pied, il est safe, à peu près. Alors Haru enchaine, pivote sur une jambe et envoie l'autre dans un coup de pied latéral.

Maintenant ou jamais.

Attention, Haru !

Fais attention, Haru !

Haru, reste avec moi ! Reviens !

Par ici, Haru !

Haru ? Ne pars pas

Les oreilles bourdonnent, et tout autour, c'est la maison qui prend forme. Elle est si grande, et il a l'air si petit dans la maison. Pourtant, il est grand normalement... Elle l'écrase, elle l'étouffe. Elle est sombre et vide. Lorsqu'il lève la tête, il n'aperçoit pas son plafond. Il est loin là-haut, dans l'obscurité. La maison vibre, elle bouge doucement comme une mer calme. Les murs pleurent leur peinture au ton neutre. Les fenêtres se secouent de bourrasques violentes. Nous sommes en plein hiver. Tu crois, Haru ?
Mais pourquoi la maison est ici ?

Et toi, pourquoi t'es là ?

Haru flanche, Haru glisse. Haru a l'impression de sombrer. Mais Haru sombre, vraiment. Haru n'a plus pieds, il ne les voit plus, ils sont engloutis par le plancher de la maison. Il coule. Il perd l'équilibre, et tente de se raccrocher à quelque chose. Sa main tombe sur la rambarde d'un escalier qui n'existe plus dans son esprit. Il s'accroche au vide, et le vide se décroche à lui. Il tombe, dans la maison, et son cerveau accuse une chute qui n'a pas réellement eu lieu. Il retombe sur le plancher, mais n'a pas bougé.
Mais pourquoi ? Il s'était pourtant protégé, il avait tout fait pour ne pas être touché. Yatsuatari s'effrite, et l'abandonne. Il se sent plus léger, mais une légèreté qui le met à nu.

Regarde moi, Haru

Je suis là, Haru

Regarde

Par ici, Haru !

Haru !

Et là devant ses yeux aux lueurs vermeil, où danse un feu qui s'épuise, des braises qui s'essoufflent, il y a Jihoon. Jihoon le regarde, Jihoon le fixe. Jihoon le juge d'un regard dur. Il a cette expression qu'Haru lui connait si bien, cette expression où se chevauche déception et colère. Cette expression qu'il déteste. Haru a un trou à la place du cœur et pourtant, il sent ce vide s'approfondir. La chute est violente. Comment on sort de là ?
Haru a un mouvement de recul. Un pas en arrière dans les escaliers. Le plancher se penche, il a l'impression d'être tiré vers l'avant. Il recule précipitamment. Son dos rencontre un mur, et lorsqu'il se retourne, la peinture lui colle à la peau. Elle n'est plus que grise, elle est un peu rouge. Il regarde sa main. C'est vrai, haa... Il saigne encore. Ce n'est que son sang.
Attends mais pourquoi il saigne ?

Ah oui. Toki. La mission.
Son regard se raffermit l'espace d'un instant.

Rentrons à la maison, Haru

Je suis là, Haru

Viens, Haru, il faut rentrer

Par ici, Haru !

Haru, qu'est-ce que tu attends ?

Haru fait non de la tête, lentement, doucement. Il ne doit pas faire ça. Jihoon lui tend la main, en bas là. Il a juste à se laisser glisser sur le plancher. Il a juste à y aller. Haru aimerait partir. Il a du mal à respirer. Il a du mal à vivre.
Il a du mal à exister.

Il faut trouver un appui, il faut retrouver une accroche. Haru a peur de sombrer, définitivement et pourtant, il aimerait au fond. Jihoon le fixe, sa main attendant la sienne. Il est si proche. Mais si loin depuis longtemps.
Haru a la bouche sèche, il mâche de l'air à la recherche d'un peu de salive. La maison coule encore autour de lui. La maison ne veut pas de lui. Lui ne veut pas être là. Haru fait volte-face. Mais devant, il n'y a qu'un mur. Alors, sur le côté ? Oui, par là. Par là, à droite c'est bien.

C'est bien les murs de la maison, le sol de la maison. Les odeurs de la maison. Le vide de la maison.
Mais ce n'est pas du tout la maison. La maison n'a pas d'étage et pourtant, il monte. Indéfiniment, lui semble t-il. Ce n'est que quelques marches, au final. Parfois, il a l'impression de tomber, et de descendre, mais ses pieds rencontrent un appui là où il ne s'y attendait pas. Pourquoi tout est comme ça ? Pourquoi la maison est comme ça ?
Mais pourquoi la maison est là ?

Haru. Il n'y a pas de maison. Elle n'est pas censée être là.
Tout ça, c'est dans ta tête.

Où tu vas Haru ?

Tu m'abandonnes ?

Pourquoi tu t'enfuis, Haru ?

T'es une mauvaise personne

Pourquoi tu pars là-bas, Haru ?!

Cri de rage. « Sors de ma tête, putain ! » Il se cogne le crâne du plat d'une main.

Son regard tombe sur la silhouette du jeune exorciste. Il n'était pas là avant, mais finalement, il l'a trouvé. Quand est-il apparu dans son champ de vision ? Haru ne sait pas, mais puisqu'il est là maintenant... Le mercenaire de l'ordre occulte voit rouge. Lui là, ce petit con. Il va pas s'en tirer comme ça.
Haru se jette sur lui. Tant pis pour Yatsuatari, il a épuisé ses ressources. Il peut au moins charger ses poings d'énergie occulte. Son corps entier. Tout ce qu'il lui reste. Il le met dans sa rage, dans sa colère. Dans sa détresse. Et il frappe, gauche, droite. Droite, gauche. Jambes, poings, tout y passe.

Haru ne sait plus pourquoi il est là.
Il s'en fout maintenant.
Il veut juste partir d'ici.
Partir de la maison.

Haru est épuisé, Haru a mal aussi.
Mais il frappe. Avec force, avec détermination. Avec toute la haine qu'il se porte.