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Short story collection || Daisuke & Kasca
Kasca Umino
Élève de 3ème année - Tokyo - Classe 2
Kasca Umino
Messages : 75
Puissance Occulte : 2754
Date d'inscription : 01/01/2024

Compétences
Hors-Exorcisme: Corps à corps - 500
Sort inné: Anima - 1000
Sorts Occultes: 1000
Kasca Umino
Mar 12 Mar 2024 - 9:28
Daisuke Sato18 ans ▪ Héritier des Sato

“The future belongs to those who believe in the beauty of their dreams”

Dans le lotus
s'ouvrent les
trois yeux
sur la
roue du dharma
et nous vivons
plus fort
mais le ciel est
bien trop étroit
pour nos étoiles
notre grandeur
se révèlera
dans notre chute
Kasca Umino18 ans ▪ Diamant des Umino

“The world doesn't make sense, so why should I paint pictures that do ?”



“Je suis content que tu sois venue, ce soir.”
“Et toi, t’es là et t’es pas pyromane. Toi tu veux juste que tout le monde soit heureux.”
CATALYTIC CYCLE
”Ouais, l’alliance, ouais. Une pupille ? Ouais ouais, bien sûr.”
MINI-RP IV
Petite citation illustrant la relation.
MINI-RP V
Petite citation illustrant la relation.
MINI-RP VI
Petite citation illustrant la relation.
Kasca Umino
Élève de 3ème année - Tokyo - Classe 2
Kasca Umino
Messages : 75
Puissance Occulte : 2754
Date d'inscription : 01/01/2024

Compétences
Hors-Exorcisme: Corps à corps - 500
Sort inné: Anima - 1000
Sorts Occultes: 1000
Kasca Umino
Mar 12 Mar 2024 - 9:44
Ce sujet se situe juste après Familia ante omnia et La Bête Noire.

Late night chemicals

Kasca tournait et retournait dans ses draps. Impossible de trouver le sommeil et impossible de savoir pourquoi elle ne parvenait pas à dormir cette nuit. Elle était pourtant bien avancée la nuit, même si elle tombait tôt à présent. Si elle tirait son rideau pour l’ouvrir, elle n’était même pas plus éclairée par la lune qui se montrait timidement dans un léger croissant. Pas de pleine lune pourtant, et même si elle ne croyait pas à ce genre de choses, son esprit cherchait une raison extérieure expliquant son insomnie improbable. Même si elle avait le sommeil léger, elle ne se souvenait pas avoir eu autant de difficulté à s'endormir. Enfin… Cela remontait à des années, maintenant. Son regard s’égara sur son reflet dans le miroir unique posé au sol, face à son lit. Quelques secondes passèrent où elle dissocia complètement, les yeux plantés sur cette autre Kasca.
Elle ne se souvint plus de ce qui lui avait donné l’impulsion de sortir de sa chambre pour se faufiler comme un fantôme dans le couloir jusqu’à devant sa porte. Le regard posé sur sa main, elle-même posée sur la poignée, elle se retrouvait complètement hésitante. Et finalement, céda. Sans un bruit, elle se glissa à l’intérieur et referma tout doucement derrière elle. Kasca respirait silencieusement et pourtant, elle se sentait tendue et nerveuse. Elle se tourna, fit volte-face, ses pieds nus coulissant sur le parquet dans un frottement infime. Ses yeux s’étaient habitués depuis un moment à l’obscurité, à force de les avoir gardés ouverts. Aussi, devinait-elle l’emplacement des meubles communs à toutes les chambres. A sa droite, collé au mur, elle savait qu’il y avait un lit et que le propriétaire de cette pièce s’y trouvait peut-être. Sûrement.
Le doute l’habitait plus encore et elle se laissa glisser contre la porte jusqu’à poser ses fesses sur le sol, silencieuse comme une ombre parmi les ombres de la nuit. Si elle ne pouvait trop y voir, elle pouvait se fier à ses autres sens. Le parfum de la pièce emplissait ses narines et lui procurait une sensation étrange à la fois familière, agressive et confortable. Elle sentait sa peau frémir un peu du froid ambiant : si chez elle, le chauffage était de mise, ici on sentait bien l’hiver. Pour autant, Kasca ne savait toujours pas pourquoi elle était venue. Elle se releva et décida de sortir. C’était une mauvaise idée d’être là. Malencontreusement, elle heurta un meuble portant un peu de vaisselle, qui teinta bruyamment. Gelée, l’Umino s’immobilisa la main sur la poignée, son cœur ratant un battement dans l’attente d’écouter si elle avait réveillé son hôte. Merde.

La semaine n’avait pas été des plus réjouissantes, même pour quelqu’un qui avait pour réputation de se foutre de tout, ou de voir toujours le bon côté des choses, ou du moins, un côté optimiste. L’entraînement avec Kasca s’était révélé des plus laborieux, d’autant que le jeune Sato n’avait pas pour réputation d’être un très bon professeur. Et au moment où ils avaient eu un semblant de réussite, la mère de l’Umino avait débarquée pour réduire à néant l’euphorie du moment, et présenter un “nouveau parti” à sa fille. Il ne fallait pas vraiment être devin pour comprendre ce qu’elle avait entendu par là, et sa rencontre avec le parti en question n’avait pas rendu Daisuke plus heureux. En dehors de marcher sur ses plates-bandes, on ne pouvait même pas dire qu’il avait été utile dans le succès de sa mission. En fait, il lui avait probablement gâché d’importantes informations. Si l’héritier des Sato avait bien une piste à suivre, il ne savait pas combien de temps lui prendrait cette quête de reconversion de tout l’ordre occulte. Peut être des mois, des années, sans aucun doute. Mais l’intervention de ce Zenzo lui avait bousillé un temps précieux. Et dire que Kasca allait sûrement devoir subir sa tronche de bouffon arrogant … Ah, pas moyen qu’il laisse ça arriver. Un lâche qui se bat avec un arc en plus, sérieusement … Ce type lui trottait plus dans la tête qu’il ne l’aurait voulu. Ce n’était pas censé être le cas. Enfin, personne ne devrait lui trotter dans la tête comme ça. Mais il ne pouvait s’empêcher de se faire du mouron pour sa camarade. Pour elle, ou pour lui ? Le détachement qu’il se targuait d’avoir semblait finalement bien loin, ce soir, et ces derniers jours en général. Même lorsqu’il était sur cette île, ses sentiments ont ressurgi et l’ont presque paralysé. Il était connu pour être détaché en général, et c’est ce qui est censé faire sa force. Mais qu’est-ce qu’il y pouvait si des sentiments apparaissent sans qu’il ne puisse rien y faire ? Il ne demanderait pas conseil aux Sato. Pas moyen. Mais il fallait qu’il travaille tout de même sur ses sentiments nouveaux, et sur ceux qu’ils connaissaient bien comme la peur qui pouvaient refaire surface. Malgré tout, avec autant de pensées en tête, impossible d’avoir un sommeil serein. S’il ne se retournait pas toutes les trois secondes dans son lit, il s’y était couché anxieux. Pas le meilleur moyen d’entendre dans un sommeil profond. Alors quand il entend des bruits de verre dans sa chambre, il ne met pas longtemps à se mettre en garde. Se redressant et tentant d’y voir clair dans l’obscurité de sa chambre, il parvint presque à distinguer une silhouette se dressant devant sa porte. Une seule solution possible, il ne pouvait s’agir que d’un autre élève du lycée. Aussi ne se fit-il pas trop de soucis, et porta une main à ses yeux pour se les masser, sentant subitement qu’ils n’avaient pas trop envie de rester ouvert. “Qu’est-ce que tu fais là ?” demanda t-il, alors qu’il pouvait aussi bien s’adresser à un première qu’à un troisième année.

Mouvement derrière elle, et elle retint un soupir d’exaspération envers elle-même pour avoir été aussi maladroite. Elle ne le voyait pas mais elle pouvait décemment sentir son regard sur elle, à travers le manteau d’obscurité de la chambre. L’interpellation ne mit pas longtemps à suivre, la voix du Sato brisant le silence tendu. Et elle n’avait aucune réponse à lui apporter, tant elle ne savait pas elle-même quelle mouche l’avait piquée. Ces dernières semaines, mettre de l’ordre dans ses pensées et dans ses émotions lui demandait beaucoup plus d’effort et d’énergie qu’avant. Avant… Avant à Kyoto. Avant qu’elle ne se serve de son Anima pour la première fois. Avant qu’elle n’enterre pour la deuxième fois un membre de sa famille proche. Mais tout cela, c’était enfoui, et cela ne devait jamais ressortir. Si tous les autres étaient capables d’en faire fi, pourquoi pas elle.
L’Umino fit volte-face, posant son regard azuré quelque part dans le noir, là où il lui semblait déceler la silhouette assise de son coéquipier. Elle n’avait aucune échappatoire en vue. Il lui fallait juste assumer sa bourde. Kasca glissa près du lit et posa ses fesses dessus, les mains sur ses cuisses. « Je n’arrive pas à dormir, Sato-kun. » Aucune chance qu’elle ne s’excuse, quand bien même elle était consciente de l’avoir réveillé. D’un mouvement nerveux, elle croisa les jambes et en fit bouger une dans un rythme régulier, visiblement contrariée. Et s’il ne pouvait pas forcément la voir, elle se savait assez tendue pour sentir l’air s'électriser autour d’eux. Kasca tourna finalement la tête vers Daisuke, hésitante sur les mots à prononcer. Encore une fois, elle marchait sur un fil.

Daisuke avait beau avoir passé ce qu’on pouvait communément appeler “une journée de merde” qu’entendre Kasca prononcer ces paroles lui fit décocher le sourire qu’il avait presque pris l’habitude de lui adresser. Non pas qu’il fut content qu’elle traverse la même nuit mouvementée que lui, mais la voir venir le trouver lorsqu’elle ne se sentait pas bien lui fit chaud au cœur. D’autant qu’il était heureux de la retrouver après une journée où peu de choses avaient été. Bien qu’elle paraisse froide et sévère parfois, il avait su quelque peu percer sa carapace, et en plus d’une occasion maintenant. Si tout partait de l’entraînement où Noble Truth avait agit d’une façon bizarre, les diverses sorties qu’ils s’autorisaient et les entraînements plus personnalisés forgeaient de plus en plus un complicité certaine entre les deux. Kasca n’était plus réellement la personne silencieuse et glaciale qu’elle fut la première semaine où ils s’étaient rencontrés. Elle pouvait avoir ses moments … énigmatiques où elle semblait bouder, oui, mais rien a voir avec la fermeté dont elle faisait preuve à leurs premières heures. “C’est compliqué de rester en place, quand on ne trouve pas le sommeil”. Et le pauvre bougre en connaissait un rayon. Déjà hyperactif dans la vie de tous les jours, lorsqu’il n’avait pas envie d’une chose, il ne se forçait nullement. Alors quand venait parfois le moment de dormir … Il n’était pas couché avant un long moment et devait s’occuper quand tous ses camarades au monastère se forçaient au repos pour les épreuves coriaces et éreintantes du lendemain. Parfois, il jouait seul dans les contrées sauvages entourant le domaine, en pleine nuit. Et il revenait après avoir tout donné, dans une chasse imaginaire contre un prédateur imaginaire. “Tu veux bouger ? Ou jouer peut-être ? On peut passer le temps jusqu’à ce que tu sois vraiment fatiguée.”

Elle ne savait pas à quoi elle s’était attendue mais finalement, elle n’était pas si surprise par sa réaction. Sa voix trahissait un sommeil troublé, qui talonnait encore son esprit, mais elle sonnait dans la petite pièce d’un ton ronronnant et presque rassurant. Elle ne savait pas trop pourquoi mais elle se sentait presque invitée à la détente. C'était complètement contraire à ses habitudes avec les autres. Généralement, elle n’abaissait jamais ses murailles. Mais généralement, elle ne se rendait pas dans la chambre d’une autre personne aussi. Kasca ne savait pas trop non plus encore sur quel pied danser avec lui. Son instinct profond lui demandait sans cesse de se méfier, de rester sur ses gardes, de ne jamais rien lui montrer. Force était de constater qu’il appelait en elle autre chose, et elle finissait parfois par se surprendre elle-même à réapprendre des comportements qu’elle n’avait eu qu’avec son frère ou Honoka. Pourtant, elle semblait toujours pressentir qu’un coup viendrait, sournoisement et au moment où elle s’y attendrait le moins. Elle devait se rappeler sans cesse qui elle était, qui il était, qui ils étaient tous.
Le voile de la nuit, pourtant, le sommeil qui manquait, troublé, et l’anxiété des dernières semaines la poussaient tout doucement, petit à petit, sur un chemin qu’elle craignait d’emprunter. Comme si elle faisait face à une porte entrouverte, qu’elle n’avait qu’à pousser sans savoir ce qu’elle trouverait derrière. Les Umino ne craignaient rien. Kasca était morte de trouille.
Le silence accueillit les mots du Sato, alors qu’elle pensait dans le vide, sans parvenir à mettre de l’ordre dans ses idées et à lui formuler une réponse convenable. Elle joua avec le tissu de la couverture près d’elle, pensive et contrariée par son propre état. Finalement ramena ses jambes contre sa poitrine et posa sa tête sur ses genoux, le regard tourné vers Daisuke qu’elle devinait de mieux en mieux dans l’obscurité. « T’étais passé où ? » demanda-t-elle plus fermement qu’elle ne l’aurait peut-être voulu. Elle ne lui partagea pas le fait qu’elle l’avait peut-être cherché sur le campus, à tous leurs endroits habituels. Avant que Maaya ne lui donne l’information. Oh, elle savait déjà la réponse. Pas qu’elle fut déçue mais elle avait dû changer ses plans du jour, comme il ne l’avait pas prévenue. Elle se doutait aussi du pourquoi : il n’avait sûrement pas voulu qu’elle le suive. Kasca le fixait donc, en l’attente d’une explication.

Il sentit ses draps bouger sensiblement, signe qu’elle cherchait quelque chose pour s’occuper dans l’obscurité, il l’entendit bouger et frotter le sol comme si elle n’était pas si à l’aise que ça, et après tout, c’était bien normal. Déjà que c’était la première fois qu’elle pénétrait dans sa chambre la nuit, ce n’était en plus pas son genre de rechercher de l’aide, encore moins pour ce qui était une demande en dehors des entraînements et du combat pur. Sans doute étaient-ils devenus assez proches pour se parler en ce genre de circonstances, de tout et de rien à des heures si tardives, à s’amuser ensemble comme des ados normaux. Cela dit, la question de sa camarade le ramena un peu plus sur terre. Il n’avait pas pensé à mal en partant seul à cette mission, mais il ne s’était pas dit que Kasca aurait pu le chercher partout toute la journée. Et il ne s’était pas dit qu’il allait tomber sur l’autre idiot de première. Il ne savait même pas pourquoi il avait tant de méprise sur lui. S’il était si détaché que ça, il aurait dû le comprendre, quelque soit son caractère. Mais le fait qu’il ai un tel lien qui déplaise autant Dai avec l’Umino semblait bouleverser un peu son esprit et sa position. Être autant indécis sur ses sentiments lui triturait quelque peu la tête. “Je suis parti vérifier l’un des quartiers généraux de l’ordre occulte qu’on a retrouvé dans les dossiers lors de notre première mission. Plus on attends, plus le risque de fuite est grand. Je peux pas me le permettre. Je dois retrouver certaines personnes.” Il croisa ses mains en dissociant dans le vide, en se rappelant des noms qu’il est parvenu à trouver, des personnes qu’il allait devoir filer pour savoir qui il pouvait retourner contre leurs “maîtres” … Et du chemin de croix qu’il a dû emprunter pour mettre la main dessus. “De toute façon c’était pas une sortie fun. C’est bien la première fois qu’une mission me casse autant les pieds.” lâcha t-il en agitant la main comme pour balayer la question. Voir Kasca - ou plutôt l’entendre - l’avait remis de bonne humeur - ou plutôt dans son humeur habituelle -, se rappeler de l’attaque dans le Kansai le rendait à nouveau aigri. A choisir, il préférait se focaliser sur les problèmes de l’Umino et sur ce qui l’amenait là. Il tourna son regard vers elle, qu’il commençait à mieux discerner en s’étant habitué à l’obscurité environnante. “T’as fait quoi aujourd’hui toi ?” dit-il pour éviter qu’on recommence à parler de lui, pas le plus subtilement du monde.

Léger froncement de sourcils à mesure qu’elle l’écoutait parler. Il ne voulait pas lui en dire plus. Certainement parce qu’il la comptait dans les potentielles fuites dont il parlait. Kasca se renfrogna quelque peu, à l’évocation de termes très génériques qu’il employait. Qui était ces personnes dont il parlait ? Combien étaient-elles ? Avaient-elles un lien avec lui ? Et donc, était-il relaté à l’Ordre Occulte lui-même ? Il balaya le sujet d’un revers de main, affirmant les doutes de l’Umino. Kasca le sonda, à travers les ombres de la chambre. La légère lumière parvenant de l’extérieur filtrait à travers les volets, et si ses yeux s’habituaient à l’obscurité, elle savait que c’était aussi son cas. Bientôt, elle dessinerait son visage dans le noir. Et s’il mentait, elle le verrait.
Il changea de sujet, complètement. Tentant de l’appâter pour qu’elle parle d’elle, ce qui lui fit hausser un sourcil. Kasca ne parlait jamais d’elle. Très peu, trop peu souvent. Peu importait ce qu’elle avait fait. Rien d’intéressant finalement, comparé à lui. Et cela, elle ne pouvait le laisser passer. Kasca se redressa légèrement, et se laissa un peu tomber vers l’arrière, s’appuyant sur ses bras. Les yeux de tempête fixaient toujours le Sato, et dans un léger mouvement de sa tête, une mèche coula sur son épaule alors qu’elle acérait ses prunelles glacées sur lui. « Et qu’est-ce qui t’a mis autant en difficulté ? » demanda-t-elle, ignorant totalement la question à son propos. Elle, elle n’avait fait qu’une mission de routine en compagnie d’un première année. Rien de particulier, juste pour occuper sa journée. Ce n’était pas tant le fait qu’il soit parti seul que le fait qu’elle avait l’impression qu’il omettait consciemment des informations. Elle ne perdait rien à creuser. Au pire, ils se heurteraient. Un rapide coup d’oeil dans la pièce lui indiqua la position de la faux. Evidemment non loin de son propriétaire mais s’il faisait un geste pour l’attraper, elle parviendrait à lui sans soucis pour poser sa lame contre sa gorge. Il parlerait, s’il essayait de lui cacher des choses. Kasca était prête à toutes les éventualités.

Bon, et bien le Sato n’aura pas sa réponse sur les activités de sa camarade aujourd’hui, quand bien même il en accordait une grande importance. Peut-être que s’il répondait à ses questions, qu’elle posait d’une manière telle qu’elles ressemblaient à des ordres auxquels on était obligé de répondre, qu’elle se confierait un peu sur sa journée et sur ce qui la tracassait ce soir. A moins que ce qui l’inquiétait était le fait qu’il se soit absenté sans l’avoir prévenu. L’idée lui traversa l’esprit en un quart de seconde, et il fronça les sourcils en la regardant dans les yeux. Car oui, il était assez éveillé désormais pour distinguer à peu près tout ce qu’il y avait dans la pièce, maintenant. “Bah ça a fuité.” Comme il l’avait craint, et pas auprès de n’importe qui. Il aurait aimé confronter Zenzo en de meilleurs circonstances, lui foutre la pâtée de sa vie devant un public, lui foutre trois rayons noirs dans le bide et dire “c’est lui qui doit marier Kasca ?” avec un petit air fier, mais au lieu de ça, il l’avait rencontré au pire endroit possible. Alors qu’il voulait faire les choses à sa manière, et discrètement, pour récupérer le plus d’informations possible, l’hautaine personne qu’était cet Umino avait fait un ménage des plus bruyants, et tout ne s’était pas arrêté là. Entre querelle entre les deux hommes et renforts de l’ordre occulte, on ne peux pas dire que la mission d’espionnage se soit révélée être la plus silencieuse possible. “Un type était déjà là. J’me suis embrouillé avec. C’est comme dans une scène de crime, dans les films, où faut récolter toute les preuves et les infos, et qu’un vieux policier qui se fout du règlement arrive avec un burger et un donut et fout ses pieds plein de boue sur tous les indices, et qu’on peut plus rien en tirer.” dit-il en se mettant à écarter les bras pour mimer à sa manière le gros bide d’un flic se fichant du protocole, même si ça marchait peut-être un peu mieux dans sa tête. “J’en ai tiré quelque chose, de cette sortie, c’était pas en vain. Mais c’était chiant. Et usant.” Bouffon de Zenzo. Il retourna son regard vers Kasca “Faudra qu’on jette un coup d’oeil sur les autres bases qu’on avait localisés. Y’a peut-être d’autres listes.”

Kasca le fixa, tout du long, retint un sourire -d’amusement ou de moquerie ?- lorsqu’il imita ce qu’il lui décrivait. Elle regardait peu de films. En réalité, jamais. Pas le temps. Mais il y avait quelque chose de comique à le voir, assis dans son lit, faire le clown comme ça. L’Umino se redressa vers l’avant et laissa une de ses jambes atteindre le sol, l’autre toujours repliée contre elle. Son regard quitta Daisuke, pour se concentrer ailleurs. A quoi pensait-elle ?
Si elle tentait de lire à travers ses mots, elle devinait que le type qui l’avait gêné n’était pas un ennemi. Un autre exorciste alors, sur la même piste que lui ? Il ne lâcha aucun nom. Kasca glissa de nouveau ses yeux sur lui, cherchant les informations manquantes sur le visage du jeune homme qu’elle décelait maintenant mieux. Elle doutait encore. Pourquoi retenir des informations, s’il voulait qu’ils travaillent à deux sur son enquête ? Pourquoi être parti tout seul alors, s’il voulait l’impliquer davantage ? Peut-être que… C’était une taupe, et que c’était du bullshit. Qu’il tentait de gagner sa confiance et noyer le poisson. Peut-être qu’il lui mentait depuis le début. Qu’il se jouait d’elle, et de tout le monde. S’il était parti seul, s’il ne voulait pas tout lui dévoiler… Cela expliquait tout.
Le silence était redevenu pesant. Kasca était tendue. Instinctivement, elle s’était positionnée subtilement de façon à pouvoir se lever, ou attaquer, facilement. Ses appuis étaient stables, elle n’avait qu’à prendre son élan. Le regard fixé sur lui et les sourcils froncés, le visage fermé, elle envisageait le pire. « Tu ne me dis pas tout. » Dernière sommation. Ensuite, elle improviserait. Tout allait dépendre de ses prochaines réponses. L’idée que tout était en réalité un mensonge persistait dans son esprit. Et quelque part, cela la contrariait plus qu’elle ne l’aurait cru.

Il y a des blancs qui ne sont pas gênants, et des silences qu’on irait pas rompre lorsqu’on est en compagnie de quelqu’un qu’on apprécie, parce qu’ils ne sont pas si désagréables. Certains de ces moments se produisaient avec Kasca, et Dai aurait cru que cet instant en faisait partie. Dans sa tête, il était encore en train d’imaginer la scène du policier trop maladroit. Mentalement, le film à suspens avait tourné en comédie, et il se surprit à sourire, pour rien, ou du moins, pour une scène qui était partie trop loin et n’avait plus rien à voir avec l’idée de départ. Mais l’affirmation de son amie le ramena une nouvelle fois durement à la réalité, et son sourire s’effaça quelque peu. Il aurait voulu rayer de la carte une journée pendant laquelle il n’aurait pas dû se lever, déjà, pour commencer. Enfin, se lever plus tôt, peut-être. Sûrement. Car les noms des personnes qu’il pouvait traquer existait bel et bien et permettrait sans doute de sauver des vies. Au sens propre comme au sens figuré : des noms exorcistes seraient véritablement toujours en vie, et les manieurs d’énergie occulte de l’ordre ne la foutrait pas en l’air, leur vie. Pour des broutilles et des ordres complètement idiots. Pour une chimère impossible à atteindre. Pour un génocide. “C’était ton “parti” qui m’a devancé. A la prochaine réunion de famille, tu lui demanderas s’il était là pour m’emmerder ou s’il fait parti de l’ordre.” Il se laissa tomber dans son lit, tête contre le mur, mains croisées sur le ventre “Vaut pas un clou … Troll … Bouffon …” Se mit-il a murmurer dans sa barbe alors qu’il se ressassait les évènements passés dans cette maison aisée du Kansai en bord de mer. La présence de Kasca lui avait permis de reprendre son tempérament détaché, mais pour la première fois, ses questions incessante lui avait refilé sa mauvaise humeur de la journée. On pouvait pas toujours être fidèle à soi-même sous le coup de tels ressentiments.

De tous les scénarios qu’elle avait envisagés, aucun ne ressemblait à celui-là. Tant et si bien qu’elle se contenta d’abord de fixer son coéquipier sans un mot, en se demandant bien par quel miracle Zenzo avait pu se trouver exactement au même endroit que Daisuke, exactement au même moment. Et si tous les deux étaient de l’Ordre ? Peu probable, à l’entente du ton employé par le Sato. Si ses souvenirs étaient bons, elle ne l’avait entendu parler de cette façon que lors de  leur première rencontre, alors que la discussion s’échauffait avec leur professeur. Et ici, qu’il réponde du tac au tac, sa voix claquant le silence comme elle le faisait elle-même habituellement, ne laissait que peu de place au doute. L’un des deux étaient louches, mais lequel ? Zenzo était un Umino. Peu côtoyait l’Ordre Occulte. D’autant plus qu’il avait la réputation d’être un sacré chien-chien auprès de la famille. Peu de chance qu’il trahisse la cause. Quant au Sato, peut-être était-il juste très doué pour la comédie. Kasca se repassa la scène dans sa tête. Dans le noir, elle parvenait à déceler quelque peu ses expressions, mais pas complètement. Pourtant, elle n’avait pu louper la façon dont son sourire avait fané. Et dont, visiblement impulsivement, il lui avait répondu si sèchement. Mais peut-être que ce n’était que de la comédie, effectivement. Pour autant, sa main, qui avait discrètement glissé à sa cuisse où trônait dans une lanière de cuir son poignard, s’était échappée sur le drap, et alors qu’il marmonnait, contrarié, elle se glissa à côté de lui, adossant elle-même son dos contre le mur. Si elle jouait la carte de l’innocence, comme si elle ne se doutait de rien, peut-être qu’il se dévoilerait enfin. Kasca tourna la tête vers lui. Maintenant elle le voyait bien mieux. Son épaule effleurait parfois la sienne, mais elle n’y accordait pas d’importance, son esprit échauffé par la possibilité d’une trahison imminente. « Quelle importance. On devrait plutôt se concentrer sur le Culte Astral. Ceux-là sont plus inquiétants que quelques exorcistes persuadés d'œuvrer pour notre bien. » avança-t-elle posément, fixant le visage de Daisuke sans ciller. « Pourquoi t’entêter, seul qui plus est, à propos de l’Ordre ? Ils ne représentent pas une grande menace actuellement. » A ses yeux, ne comptait que le monde occulte. Et effectivement, l’Ordre n’avait pas pour habitude d’attaquer les autres exorcistes. Kasca ne comprenait pas son obsession pour ce groupe. « Ils ont pas tort en plus, au fond. »

Lorsqu’il l’a vit s’adosser à ses côtés, l’esprit de Dai s’apaisa quelque peu. Il pouvait la voir clairement, maintenant. Ses yeux se perdirent dans les siens, et ses cheveux blancs illuminaient presque son visage, si bien qu’il n’avait plus aucun mal à la distinguer. Il l’aurait imaginé plus en colère. En même temps, la situation était cocasse. Son “promis” et son “frère” d’armes, qui ne s’entendaient pas le moins du monde. Et c’est pas faute pour le Sato d’avoir un caractère plutôt facile à vivre. Il allait se mettre à parler, pour briser la glace d’une telle annonce, lorsqu’elle pris les devants. Et pour le coup, si Dai avait des tics, il lâcha tout ce qu’il avait. Froncement de sourcil en même temps que l’un d’eux fut haussé, regard qui cherchait la moindre faille dans ce qu’elle venait de dire pour essayer de percevoir si elle croyait à ses propres paroles ou non … Il ne croyait pas en ce qu’il venait d’entendre. C’était un test, forcément. Pour comprendre si c’était lui qui était de l’ordre ou Zenzo. D’habitude, il était lent à la détente, mais là, c’était la seule solution qui lui venait à l’esprit. Il n’avait tout simplement jamais imaginé Kasca de cette manière, aussi glaciale pouvait-elle être. Elle voulait en avoir le cœur net et faire confiance à Dai plus que jamais. Oui, c’était la seule explication. “Tu déconnes ? Tu comprends ce qu’ils veulent ? Ils veulent génocider tous les non exorcistes. Le Japon entier. Tu te souviens de quand on est sorti dans Shibuya ? Tous ces lieux grouillants de vie, tous les endroits dans lesquels on s’est éclatés, amusés, régalés, les gens qui profitaient de tous les plaisirs de la vie, femmes, enfants, morts, au lieu de s’attaquer au vrai problème que sont les fléaux.” Il commençait à parler peut-être un peu plus fort qu’il ne l’aurait voulu, pour essayer de faire comprendre à Kasca la bêtise de ses paroles. “Certains de ces membres de l’ordre occulte ont vécu des drames. Certains ont vécu des traumatismes qui les pousse à croire que c’est l’unique solution, et on se divise sur un sujet qui n’a pas lieu d’être alors que tous les manieurs d’énergie occulte avec de l’honneur et un bon fond devraient essayer de trouver un moyen d’éradiquer les fléaux et le culte astral, comme tu dis, au lieu de se tirer dans les pattes. Tous ces exorcistes là devraient se réunir sous une même bannière, on ne pourra s’occuper pleinement des fléaux que quand on sera unis, et pas quand certains seront manipulés par 4 ou 5 malades mentaux qui pensent pouvoir annihiler toute une population innocente.” Il s’arrêta plus parce qu’il n’avait plus de souffle que parce qu’il avait fini de lâcher tous ses arguments, mais la prise de position d’une personne qu’il estimait grandement avait fini par le catastropher. “Nan, l’ordre occulte doit être détruit et la plupart de ses membres être reconvertis en exorcistes ou trouver une paix intérieure, quoi qu’il en coûte. Noble Truth m’aidera pour ça, comme il m’aidera pour trouver un moyen de rayer définitivement de la carte les fléaux.” lâcha t-il enfin, cette fois en fixant la porte, et en priant pour que Kasca ne lui sorte pas des contre arguments qui montrerait son adhésion aux idéaux de l’ordre.

Si elle ne l’avait jamais vu agir de cette façon, c’était bien parce que c’était pour ainsi dire la première fois qu’ils abordaient un sujet aussi sérieux. Et sur lequel ils n’avaient vraiment pas l’air en accord. Si sur le terrain, elle parvenait à retrouver avec lui la même cohésion d’esprit qu’elle avait à Kyoto avec certain, si ce n’était plus tant ils étaient tous les deux perfectionnistes et créatifs, cette nuit dévoilait de nombreuses failles entre eux. Kasca avait raison de ne pas lui faire confiance, au final. Pour autant, elle l’écouta parler puisqu’il en avait des choses à dire, visiblement très contrarié par les paroles qu’elle avait pu prononcer et son avis sur la question à demi-mots énoncé. Elle n’apprécia pas du tout le ton qu’il employa pour s’adresser à elle, et la tension monta d’un cran dans la chambre plongée dans le noir, en total contraste avec leur proximité physique. S’ils étaient plutôt proches, très, trop, elle se sentait si loin de lui en cet instant. Monsieur comptait lui faire la morale, à la manière dont Takeshi Ahad s'était toujours adressé à elle. Eux, avec leurs grands idéaux, ces chevaliers blancs qui couraient après des chimères, les hypocrites au grand coeur, qui criaient à qui voulait les entendre leurs valeurs et qui crachaient sans conteste sur tous ceux qui émettaient un avis un tant soit peu différent. A mesure qu’il parlait, le visage de l’Umino se durcissait, jusqu’à froncer les sourcils dans un éclat visible de colère dans ses yeux polaires. Tout ce qu’il disait n’avait pas de sens pour elle. Et sitôt qu’il eut fini de parler, impulsivement, elle lui emboîta le pas, ne laissant pas de place à une quelconque pause. « Mais ces gens pourchassent une utopie. Je ne suis pas stupide au point de penser que leur plan d’extermination a une once de chance de voir le jour. Le japon compte pas moins de 124 millions de personnes, non exorcistes et exorcistes confondus. Il faudrait être idiot pour croire que ce groupuscule si jeune aura un quelconque impact aussi vite. Quand bien même sur le principe, ils n’ont pas tort. » Kasca pré-shota un éclat du côté du Sato, puisqu’elle avait finalement compris visiblement que ces mots le contrariaient particulièrement. Elle plaça sa main sur sa bouche avant qu’il ne lui coupe la parole. Lui avait assez parlé. « Sur le principe. Écoute moi. C’est une question de logique pure. On sait qui sont la source des fléaux. Ils attaquent simplement le problème à la racine en cherchant une solution simple et efficace. » Elle souffla un peu, la tension grimpant aussi chez elle au fur et à mesure qu’elle avançait ses propres arguments. « Et je m’excuse pas de te contredire mais Monsieur le preux chevalier, tout le monde n’a pas d’honneur. Je suis la mieux placée pour le savoir. Si un jour je dois planter quelqu’un dans le dos, je le ferai. Je suis plus utile vivante et paria, que morte et honorable. Et je ne suis certainement pas la seule à le penser. Tu ne pourras pas sauver tout le monde, c’est ridicule. Redescends sur Terre, le monde est cruel. La réalité c’est qu’il y aura forcément des victimes, des sacrifiés. Parfois pour la bonne cause. » Son regard cilla à cette dernière phrase, alors que ses pensées allèrent trouver le cadavre de son jeune frère, dans un flash rapide qu’elle chassa prestement en se rapprochant de Daisuke, pleine d’une colère sourde. « Toi aussi, tu cours après une chimère. »

Elle n’était pas convaincue, ça se voyait rien qu’à son visage, le jeune homme n’avait pas besoin de plus pour comprendre ce qui se passait dans sa tête. Mais il était lancé, et il ne pouvait pas faire machine arrière, pris dans un engrenage où il avait décidé de déballer le fond de ses pensées. Mais à peine eut-il fini de parler qu’elle enchaîna bien vite pour déblatérer elle-même ses propres arguments. Si au début, à ses mots, Daisuke entendait ce qu’elle disait, il allait répliquer lorsqu’elle parla du principe des motifs de l’ordre occulte. Elle l’en empêcha, pour pouvoir continuer elle-même son monologue, et il plissa des yeux comme pour lâcher un “sérieusement ?” face à la main posée sur sa bouche. Mais la suite de ses paroles n’étaient pas plus sensées que les siennes. Elles étaient lâches et faciles. Mais elle n’avait pas du tout cernée Daisuke - quand bien même il ne s’en rendait compte que maintenant avec ses mots allant droit au but - qui avait bien conscience qu’il ne pouvait pas sauver tout le monde. C’est une des choses qu’on lui a appris au monastère : le cycle de la vie et de la mort est naturel. Même lorsque le mercenaire et sa partenaire ont abattu Toki, il ne s’en est pas voulu. Ce qui était arrivé devait arriver, qu’il soit là ou non, il n’avait rien pu y changer. Et il l’avait accepté totalement, il n’était pas entré en dépression à cause de ça, ni n’avait pleuré la personne qu’il devait protéger. Mais il en avait tiré des conclusions, et avait abouti à l’élaboration d’un objectif. D’autres viendront à mourir, et il ne pourra pas tout empêcher, bien sûr. Forcément, qu’il le savait.  Est-ce qu’elle l’estimait aussi peu que ça ? “Je sais” déclara t-il en se dégageant, mais en continuant de la regarder dans les yeux. Forcément qu’il y avait peu de chance qu’il élimine tout les fléaux grâce aux secrets que pourrait lui apporter Noble Truth. Peut-être que la réponse ne lui conviendrait pas. Mais il s’agissait d’un but moins fou, ou presque similaire. L’ordre occulte voulait éliminer tous les non exorcistes, les exorcistes voulaient éliminer tous les fléaux. A choisir, la solution la plus appropriée coulait de source. “Je sais que mon ambition est démesurée, mais c’est toujours moins taré que de fumer une population entière. Je sais qu’il continuera à y avoir des morts et que je n’y peux rien, des millénaires et des millénaires ont passés et mon existence ne changera sûrement pas la donne. C’est le cycle de la vie et de la mort, il est naturel. D’autres ont sûrement déjà eu l’idée de merde d’éliminer tout les non exorcistes et n’y sont pas parvenus. Il y a forcément d’autres options. Mais se diviser ne fait que donner plus d’opportunités au culte astral. Tant que l’ordre occulte sera là, le culte aura une grande marge d’avance. C’est de la pure logique, ça aussi. Si les deux groupes se rassemblaient, le culte serait écrasé.” Puisque Kasca semblait penser d’une manière purement mathématique, il irait dans ce sens. Même si … Après les différentes sorties qu’ils avaient eues, elle ne pouvait pas penser que comme ça. Si ? “Mais au fond, tu n’es pas si froide que tu veux me le faire croire, là. Il y a une différence entre ta théorie et la pratique.” Il avait vu les effets de Noble Truth devant lui, et le fait qu’elle prenait si bien les effets du sort signifiait sans doute qu’elle voulait, au fond d’elle même, se défaire totalement de ce qui l’entravait. Rare ont été les personnes qui ont recherchés l’éveil de cette manière sans le savoir. Il avait également vu la nouvelle personne qu’elle était dans un monde qui n’était pas le sien, celui des non exorcistes, et en un mois environ il avait vu une multitude de facettes de sa personnalité, sans qu’elle s’en aperçoive. Parce que même s’il était niais, il était observateur aux moments opportuns. Peut-être que c’est une vérité qu’elle ne voulait pas entendre, mais il était convaincu qu’un jour, il pourrait la libérer de son carcan qui la poussait à agir ainsi et à se montrer toujours plus glaciale, sévère et sans pitié … Si ce n’est envers ses ennemis.

Bien sûr qu’il allait répliquer. De la même façon qu’il avait tenté de le faire avec Touka-sensei. S’il se targuait d’être plutôt détaché et placide, elle l’avait suffisamment côtoyé pour s’être rendue compte qu’il ne l’était pas tant. Cette nuit, il lui dévoilait une nouvelle faille. Sa contrariété se heurtait à celle de Kasca, et s’il lui répondait plutôt sèchement d’abord, dégageant son visage de la main de la peintre, le ton était toujours assez haut pour la suite de ses paroles. Si dans les yeux de Takeshi Ahad, elle avait pu y lire une crainte certaine envers son courroux, il n’en était rien dans les prunelles brunes de Daisuke. En parfaite résonance aux siennes, il ne cillait pas devant elle. Jamais. Quand bien même de nombreuses fois elle avait tenté d’affronter son regard, sans qu’aucun n’en ressorte réellement vainqueur. Kasca ne l’écouta qu’à moitié, finalement désintéressée par le sujet qui ne la touchait pas autant que lui. Le monde qu’il protégeait n’était pas le sien. Ils ne partageaient pas les mêmes objectifs. S’il oeuvrait pour la population, comme on leur enseignait sur le rôle des exorcistes, elle avait des desseins bien plus égoïstes et personnels. Peu lui importait au final, que ce soit le Culte Astral, l’Ordre ou les fléaux. Cela faisait des millénaires que cela durait, et elle disparaîtrait comme tant d’autres avant elle, en ne témoignant sûrement pas de la fin de ce conflit. Ce cycle perpétuel dont ils faisaient partie. La seule chose qu’elle pouvait faire c’était laisser sa marque dans l’histoire du monde occulte. On se rappellerait d’elle comme d’Owari Umino. Il évoqua l’idée qu’une alliance avec l’Ordre Occulte permettrait d’anéantir le Culte Astral, mais une alliance même était-elle envisageable ? N’était-ce déjà pas se mettre le doigt dans l’oeil ? Elle allait répondre en avançant l’idée qu’il s’aveuglait et se berçait d’illusions, mais la dernière pique la déstabilisa quelque peu, si bien qu’elle garda le silence. L’éclat de colère dans ses yeux se fana pour un léger écarquillement de surprise, malgré qu’ils étaient toujours fixés droit dans ceux du Sato. Elle n’était pas certaine de ce qu’il sous-entendait et une partie d’elle se sentait agressée par ses mots. Il pointait du doigt quelque chose qu’il n’aurait jamais dû voir, et d’un coup elle se sentait vulnérable. Il n’y avait pas tant d’échappatoire à sa situation, et si ses précieuses bleues avaient cillé quelque peu, cela ne dura qu’un court instant. « Qu’est-ce que tu en sais ? Tu ne connais rien de moi. » attaqua-t-elle frontalement, dans une tentative de le repousser là où elle ne voulait surtout pas qu’il s’enfonce. Quand avait-elle entrouvert cette porte, déjà ? Et quelle arrogance de sa part, encore une fois, de penser qu’il pouvait s’y aventurer ainsi. « Tu ne m’en crois pas capable ? » le provoqua t-elle donc, puisque l’attaque était la meilleure des défenses. Elle ne comptait pas plier devant lui, son regard toujours planté dans le sien, les yeux au blizzard affrontant sans faillir les sables qu’elle décelait dans les iris du Sato. Instinctivement, elle avait porté sa main sur sa cuisse, là où attendait patiemment sa lame. Et si elle pouvait sentir le souffle de Daisuke rencontrer parfois le sien tant ils étaient proches, elle ne reculerait pas devant lui.

“J’en sais plus que tu ne pourrais le croire. En un mois, on a traversé plein de choses. Des missions, des sorties, et j’ai vu qui tu étais dès le premier jour au travers de Noble Truth. Tu veux te détacher de tes chaînes. Inconsciemment, peut-être. Mais tu es la seule qui réagit aussi bien à mon sort. Tu voulais te libérer, t’évader, découvrir un monde que tu n’avais jamais vu. J’sais pas ce qui a fait de toi qui tu es aujourd’hui, non, mais je sais qui tu es intérieurement maintenant.” Dit-il sans quitter des yeux sa camarade. Il l’avait vu vaciller quelques instants lorsqu’il lui avait annoncé qu’elle n’était pas ce qu’elle essayait de décrire en se qualifiant de la sorte de manière sévère et stricte sous prétexte que le monde n’est pas rose. Ils vivaient dans un pays remplis de calamités, pourtant, venant d’une famille structurée d’exorcistes, Daisuke avait décidé de prendre la vie plus légèrement que d’autres suivant les préceptes de leur famille sous la pression, et parfois le confort. On est qui on choisit d’être, et certains deviennent les pantins de leur famille et de leur clan. Mais dans un monde où l’énergie occulte existe, il n’y a rien de surprenant qu’une marionnette avec des pouvoirs puisse au moins couper ses propres ficelles. “Je te crois capable de bien des choses, et tu es sans doute l’exorciste avec le plus de potentiel et de talent que je connaisse, mais te retourner pour planter un ami ou un frère d’arme ? Arrête.” conclu t-il avec un sourire presque entendu à son interlocutrice. Kasca se montrait froide, glaciale et fière, mais laisser tomber quelqu’un et le laisser derrière elle, aujourd’hui, tel qu’il l’a connaissait, non, il ne la voyait pas faire ça. Pas sans bonne raison, et certainement pas à quelqu’un qu’elle estimait. Selon Daisuke, ce qui nous définit, c’est ce que l’on est dans l’instant présent, pas ce que l’on fut dans le passé. Bien sûr, il avait entendu des rumeurs sur Kasca par ses professeurs et des élèves, sur son ancienne école et son passé. Certaines - dévoilés par la dernière catégorie de personne - étaient fausses. Tout bonnement, parce que c’était des actes qu’il ne l’aurait jamais vu faire. D’autres aurait pu être justes, mais explicables. Quant aux dernières … Sans doute. Mais il ne voyait ici que la personne qu’elle était face à lui, en cet instant. Et cette personne là était quelqu’un de bon à qui il manquait certaines clés qu’il s’était juré de lui offrir. Kasca aurait son éveil, et Dai serait là pour la voir atteindre son Nirvana. Qu’elle soit prête ce soir à s’ouvrir et à accepter ses paroles ou non, il savait qu’il ne la laisserait pas tomber pour la suite.

Elle recula pourtant, seulement capable de le voir, impuissante alors qu’elle tentait de la retenir de toutes ses forces, forcer la porte qu’elle avait malencontreusement entrouverte. Son geste fut léger, mais franc. Elle recula, devant ses mots, devant ses yeux, devant lui. A mesure qu’il parlait et lançait des coups d’épaule dans sa porte, son expression d’abord colérique et ferme glissait lentement vers une anxiété et une peur visibles, qu’elle ne savait plus cacher. « Non, je… C’est ton sort qui- » Et le reste lui coupa l’herbe sous le pied tant il ne la laissait pas en placer une. Complètement prise au dépourvue, elle cherchait encore la fissure, la faille dans ses mots, dans son expression. Il mentait. Il mentait n’est-ce pas. Et si elle ouvrit enfin la bouche pour réfuter ses paroles, il la faucha une seconde fois, et elle ne put rien faire contre la pression qui se mit à peser dans le creux de sa poitrine à la vue du sourire qu’il lui offrit. Et s’il était vraiment sincère ? Elle chercha dans ses yeux bruns une réponse à ses doutes, sans n’y trouver quoi que ce soit qui la satisfasse. Alors, comme un animal acculé, elle mordit. La lame siffla tout juste une demi-seconde après qu’il ne se soit tu. Elle avait réagi par réflexe, mécaniquement, son cerveau se réfugiant dans le seul schéma qu’elle connaissait. Dans la faible luminosité de la pièce, elle put sentir le bout de son poignard rencontrer le plexus du Sato, et son regard s’était acéré sur le sien, son réflexe ayant appelé des gestes répétés plusieurs fois depuis ces trois dernières années. Alors il ne la pensait pas capable de le planter, camarade ou pas ? Ne savait-il pas qu’elle avait fait bien pire ? Et pourtant, dans ses yeux bruns, et à son plus grand désespoir, elle ne lisait rien d’autre qu’une limpide sincérité. Le regard polaire s’adoucit quelque peu, visiblement troublé, et la lame, bien qu’elle ne bougea pas, calée à l’emplacement du cœur, trembla. Kasca laissa ses précieuses glisser sur le visage de Daisuke, parcourant doucement ses traits qu’elle devinait, s’égarant un instant sur le fin sourire qu’il lui donnait avant de parcourir la peau de ses épaules où cascadait son épaisse chevelure de jais, jusqu’à l’empreinte de son palpitant encore menacé par le poignard. L’Umino ferma les paupières, et fit tourner sa lame dans sa main, avant de la jeter à leurs pieds plus loin sur le drap. Un profond soupire traversa ses lèvres alors qu’elle s’adossait de nouveau contre le mur, et la tension chez elle comme dans la pièce, disparut. Le silence accueillit son choix, et elle resta visiblement anxieuse à jouer avec ses ongles. Avant d’enfin se décider à parler. « Il y a à peu près deux mois, j’ai tué mon frère. » lâcha-t-elle finalement, en laissant ses yeux bleus transpercer le plafond tant ses pensées étaient à la fois confuses et dures. « Je l’ai utilisé comme appât. J’ai pris la lance qu’on devait ramener, et… et puis je l’ai transpercé avec, lui et le fléau. » Kasca ramena ses jambes à elle, et s’assit pratiquement en tailleur, ses yeux posés sur ses mains qui ne tenaient rien si ce n’était les souvenirs obscurs qui lui restait de cette mission. Elle n’avait rien à rajouter, tant les justifications et raisons qui l’avaient poussée à ce choix tragique et extrême lui laissaient une amertume profonde et insidieuse. « Il avait 15 ans. » Première année d’exorcisme, sans Anima. Et elle se garda bien ses réflexions sur leur relation en dents de scie, teintée par les préceptes et principes des Umino. Takehiko lui avait dit que c’était comme ça, qu’il fallait avancer, qu’il avait juste été faible et que c’était la sélection naturelle qui s’opérait chez les exorcistes, cherchant à minimiser les regrets de son élève. Mais Kasca, des regrets concernant son jeune frère, elle en avait plein le cœur.

Il allait enchaîner, sans lui laisser le temps de respirer, pour lui expliquer en quoi son sort n'inventait pas des choses. Le sort n’est pas qu’une illusion. Il touche tous les sens. Il montre qui on est à l’intérieur. Il doit montrer notre plus grande douleur, notre plus grande peur, pour qu’on en ressorte changé et qu’on trouve l’éveil. Il opère un changement dans le corps, le cœur, et l’âme, sans nous changer. Il nous fait voir la vérité. Le sort est presque un concept en lui-même. Mais il n’eut pas le temps de lui faire un cours sur le clan Sato et de son trésor que Kasca attaqua comme par réflexe. C’est ce qu’on fait lorsqu’on a plus d’options et que notre carapace a été totalement brisée au marteau, non ? Daisuke s’attendait à ce qu’elle parte furieusement, sans un mot, et qu’elle le boude pendant des semaines, devant les mots peut-être un peu durs qu’il avait prononcés. Ou plutôt, emplit d’une vérité qui pouvait faire mal tant le masque qu’elle s’était gravée sur le visage l’empêchait de voir ce qu’elle souhaitait faire et être réellement. Une telle pression infligée sur elle-même ne pouvait venir que … De sa famille. Toujours la même chose. Son clan lui imposait une façon de se comporter, son clan lui imposait un parti, son clan lui imposait même d’avoir l’Anima sous peine de bannissement, de ce qu’on lui avait raconté. C’était toujours les dirigeants les problèmes. Pas étonnant que le Sato avait un problème avec l’ordre en général : dès qu’il avait découvert que c’était ceux d’au dessus qui prenaient des décisions et qu’elles étaient catastrophiques, il n’avait plus supporté qu’on lui donne des ordres. Donc, c’était arrivé très petit. Mais pour l’heure, il n’était plongé non pas sur ses pensées, mais sur les yeux de sa camarade, qui témoignaient d’une fausse rage. Son sourire ne s’effaça pas, au contraire. Il était à deux doigts d’entrer dans la brèche, et le métal froid collé contre sa peau était l’ultime rempart qui allait désamorcer la situation de manière permanente entre les deux. Daisuke est un bon psy. Noble Truth accorde ce genre de compétences. Tous ceux contre qui il avait utilisé le sort inné, même dans leur intérêt et dans un accord commun, avaient fini par montrer les crocs. On ne change pas en ayant aucun gond qui saute, sinon on aurait pas besoin de lui pour montrer la voie. Et finalement, Kasca fit le bon choix. Elle lança le poignard plus loin, puis se livra. Enfin. Elle lui déballa quelque chose qui lui pesait sur le cœur, quelque chose d’important à ses yeux. Elle se confiait. Et quelle confidence. “Mais ça ne change rien à ce que je viens de te dire.” dit-il, en continuant de la dévisager. Il sentait du dégoût, du regret, et une certaine tristesse dans sa voix. Elle ne l’avait pas tué, quoi qu’elle puisse en dire. C’est le fléau qui s’en était chargé en les attaquant, et l’avait forcé à agir ainsi. “J’en déduis donc que tu y a été contrainte. Que c’était lui ou vous deux. Un concours de circonstances. Tu n’en serai pas hantée sinon. Tu n’en parlerai pas … Comme ça.” Avec de tels mots, on pourrait croire qu’il chercherait une confirmation chez son amie, mais en collant son épaule contre la sienne, puis colla son bras contre le sien. En se rapprochant ainsi, il essayait de lui dire qu’elle n’était plus seule, maintenant. Il ne cherchait pas une réponse, il savait qu’il avait raison. La vérité était plus complexe qu’elle ne voulait le laisser entendre. Elle n’avait pas tuée son frère de sang froid. Rien qu’au travers de ses mots, Daisuke avait bien compris que cette mission, si c'en avait été une, l’obsédait au plus haut point. Avec son ton, il entendait les remords. Il entendait presque la petite voix dans la tête de Kasca, qui lui demandait s’il n’y avait pas d’autres solutions, se ressassant dans son esprit l’action, une action que lui-même ne voyait pas. Bien sûr, c’était une image formée dans le crâne de Daisuke, mais il avait une vision globale de ce que pouvait ressentir l’Umino. “Je suis désolé. Que tu aies eu à vivre ça. C’est une souffrance horrible.” Et il en connaissait un rayon, en souffrance. Au monastère, tous les disciples ne ressortent pas vivants de l’entraînement, bien qu’il est censé être encadré strictement. Daisuke est fils unique, mais il y a bon nombre d'élèves qu’il considérait plus comme sa famille que ses propres parents, finalement. Et il en avait donc perdu, des frères. Il savait ce que c’était, plus ou moins, bien qu’ils ne soient pas nés de la même famille. Enfin … Des mêmes parents. La famille, en revanche, c’est peut-être ce qui avait causé leurs morts à tous ceux-là … Et peut-être même qui avait conduit à la mort du frère de Kasca, par leur manque d’encadrement. Il se garda bien de lui dire, cependant. Ce n’était pas le moment. Un jour, il réformera son propre clan. Toshiyuki devait réformer le sien. Et plus rien ne sera comme avant, aussi longtemps qu’ils vivront.

Kasca coulait ses yeux sur ses mains, triturant ses doigts avec une anxiété exacerbée. Ce n’était clairement pas dans ses habitudes de se confier. Si Takehiko l’avait entendue, elle se serait moquée d’elle. Quant à sa mère… ce n’était même pas la peine d’y penser. Et aucune autre personne n’avait eu l’audace de forcer sa confiance comme il le faisait depuis leur rencontre. A chaque fois qu’elle le repoussait, il gardait les bras ouverts et la main tendue. Si elle avait détesté son sourire la première fois qu’elle l’avait vu, en relevant les yeux sur lui, elle s’y perdit un instant et ne ressentit rien de l’agacement habituel qu’il lui provoquait. Et ça depuis quelques jours déjà. C’était étrange pour elle, qui se voyait accorder plus de choses au Sato qu’elle ne côtoyait que depuis quelques semaines, qu’elle ne l’avait fait avec ses camarades de Kyoto. Exception faite de Katsuro, mais il était un mystère à part entière pour l’Umino. Elle retomba dans le feu de son regard, mais n’hésita pas à garder le silence sur le déroulement de l'événement tragique l’ayant conduite à planter la lance dans le torse de son jeune frère. Elle ne s’épancherait pas plus à ce sujet, elle en avait déjà trop dit à son goût. Peut-être lui cherchait-il des excuses, s’appuyant sur le ton qu’elle avait employé. Elle souhaitait refermer sa porte, mais encore une fois et cette fois avec une grande délicatesse, il l’en empêcha. La sensation de son corps contre son épaule et son bras l’invitait, gentiment, à ne pas fuir cette nouvelle proximité. Dans l’intimité de la pièce et la nuit qui les entourait encore, elle n’aurait jamais pensé pouvoir se sentir ainsi confortable. Poussée par l’ambiance particulière du moment et par les derniers mots de Daisuke pour elle, elle s’autorisa un instant de vulnérabilité et laissa sa tête reposer sur l’épaule de son coéquipier. Il ne lui semblait pas n’avoir jamais entendu dans sa vie des paroles totalement dénuées d’un sous-entendu de malveillance à son égard. Il lui ferait presque culpabiliser son geste de l’avoir menacé quelques minutes auparavant avec son poignard. Pour autant, si un merci aurait été de mise, il ne voulait pas sortir. Kasca se redressa et darda ses yeux bleus sur le visage du brun. Elle n’était peut-être pas la personne la plus empathique au monde, et de loin, mais elle était intelligente. Il lui en fallait peu pour que les points s’alignent, et pour émettre de multiples hypothèses dans son esprit toujours en éveil. Aussi avait-elle déjà tiré quelques conjectures quant au fait qu’il était tombé juste à son sujet. L’Umino se laissa glisser sur le lit, quittant la chaleur bouillante que dégageait le corps du jeune homme, son regard se perdant dans le noir où elle ne percevait même pas le plafond. « Tu l’as déjà vécu. » Une évidence qu’elle ne fit qu’exprimer, connaissant assez Daisuke pour savoir qu’il ne laisserait pas de place au silence.
Daisuke Sato
Élève de 3ème année - Tokyo - Classe Semi 1
Daisuke Sato
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Date d'inscription : 28/10/2023

Compétences
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Sort inné: Noble Truth - 700
Sorts Occultes: 1700
Daisuke Sato
Mar 12 Mar 2024 - 9:53
Un sourire bienveillant s’installa sur le visage du Sato lorsqu’elle laissa reposer sa tête sur son épaule. C’était la première fois qu’elle lui témoignait d’une telle marque d’affection, et ce n’était pas pour lui déplaire, bien au contraire. Quelques minutes auparavant, elle avait fait mine d’essayer de le tuer, et voilà que maintenant elle changeait du tout au tout, mais ce simple geste n’aurait pas pu lui faire plus plaisir. Et il tombait à point nommé, après la journée de merde qu’il venait de passer. Si elle ne prononçait pas le mot magique, ce signe de confiance voulait absolument tout dire. C’était sa façon à elle de l’exprimer, et ça lui allait très bien. Leur relation et leur complicité ne pourrait qu’augmenter après ce qu’elle venait de lui témoigner. Cela étant fait, elle lui adressa un dernier regard avant de s’écarter pour énoncer une vérité. Il ne savait pas comment elle avait pu le deviner. A travers ses mots, à travers son ton, ou à travers ses yeux. En soi, il avait été formé à ressentir tous types de douleurs. C’est littéralement le travail d’un Sato. Comprendre les souffrances, les expérimenter, s’en détacher. Tenter d’apporter les préceptes du bouddhisme aux autres à travers la noble vérité. Il n’y avait pas que l’héritier du sort inné qui y était appelé. Même les sans énergie occulte sortaient du monastère avec une mission en tête : vivre avec en tête leur apprentissage et leur quête vers l’éveil, supplément enseigner cette ascension à d’autres, pour qu’elle se répande et que tous aient l’occasion d’accéder au Nirvana. Bien évidemment, ce but est rarement atteint tant il est abstrait. Mais ils essaient, et vivent avec cette philosophie dans un coin de leur esprit. Enfin, ceux qui parviennent à sortir de ces dures années de labeur et de tourments. “Je n’ai pas de frères de sang. Mais la plupart des disciples du monastère font partis d’une famille que j’ai choisi. Tous ne survivent pas à la décennie de travail et de supplice imposé, en effet.” Il se rappelait un frère tombé d’une falaise - qu’ils avaient dû exorciser plus tard en tant que fléau d’ailleurs -, de ceux tombés après que des élèves désabusés aient fait évader les fléaux de la salle spéciale pour se venger des supérieurs, de jeunes Sato ayant fuit dans les contrées sauvages autour du monastère qu’on avait jamais retrouvé, et d’autres sombres histoires que le clan avait fait étouffer. Dai ne détestait pas le nom des Sato, parce qu’il partait d’un bon principe. Mais la quête de pouvoir, le fanatisme de la religion et sa corruption avait poussé les hommes à corrompre toute cette philosophie bouddhiste. C’était dommage et triste. Mais ça, il s’était juré de le changer une fois à la tête de sa famille. Cela, au moins, n’était pas une chimère impossible à poursuivre. Une fois arrivé à ce statut, il verrait pour le plus gros de son pari. “La philosophie bouddhiste est intéressante, mais au fil des années, les dirigeants l’ont corrompus. Ils ont fait de l’emplacement du monastère un enfer sur terre, surtout pour des gens aussi jeunes, mais en dehors de la méthode d’éducation … Les endroits qui entourent le domaine sont de véritables paradis. Je t’y emmènerai un jour. Bientôt.” il tourna son visage vers elle avec un sourire “Quand tu veux.”

Allongée sur le drap, elle frissonna quelque peu. La tension redescendue laissait place à des sensations moins inhibées, et elle ne s’était pas rendue compte qu’elle avait froid. Son léger kimono ouvert, couvrant ses bras, ne suffisait pas à maintenir son corps au chaud. Elle l’écouta parler alors qu’elle se faufilait sous le drap, la chaleur du lit bienvenue sur ses jambes nues et son ventre à découvert. Kasca ferma à demi les paupières un instant, bercée par l’obscurité et le ronron familier de la voix un peu grave de Daisuke. Elle fronça les sourcils légèrement à ses paroles. Elle ne comprenait pas bien pourquoi le clan Sato choisissait de supplicier ses potentiels futurs soldats, plutôt que de les pousser à aller tous les jours au-delà de leurs limites comme chez les Umino. Daisuke parlait souvent de son sort inné avec des étoiles dans les yeux, ses mots élevant parfois Noble Truth au sacré. Quand bien même, il y avait quelque chose d’illogique là-dedans qu’elle ne parvenait pas à saisir. Après, elle découvrait avec Daisuke le clan Sato, ne s’y étant absolument pas intéressée jusque-là, les considérant comme tant d’autres comme des reclus tournés vers eux-mêmes. Ils n’avaient pas très bonne réputation aux yeux de la famille de Kasca. Mais elle, elle possédait une curiosité insatiable la poussant à creuser chaque parcelle de notion encore inconnue. Takehiko avait utilisé ce puissant levier chez son élève, et elle se souvenait encore de sa voix qui résonnait en elle “Connais ton ennemi. La connaissance c’est le pouvoir.” Elle tentait d’appréhender au mieux tout ce qu’il lui partageait, l’inscrivant dans sa mémoire et dans son esprit analytique et calculateur. Pour autant, ses questions apportaient des réponses qui amenaient encore d’autres questions. « Mais je ne comprends pas l’intérêt de vous laisser mourir. Vous n’êtes pas censés apporter une paix intérieure ? Je crois pas que faire mourir des gens ça soit leur apporter une paix intérieure. » Elle le fixa un instant avant d'ajouter, plus bas. « Enfin, euh… je dis pas que toi tu ferais comme ça mais… bref. » Kasca se mordit l’intérieur de la joue. Elle était peut-être -sûrement- une jeune exorciste talentueuse, mais elle n’était certainement pas la plus adroite socialement parlant, et là tout de suite, elle n’avait clairement pas envie de faire une bourde. Mais c’était sans compter sur le tempérament de Daisuke, qui lui pardonnait bon nombre d’écarts. Son regard polaire posé dans le sien, il ne lui semblait soudain plus aussi menaçant. S’il était toujours vif, même à une heure aussi tardive, elle lui voyait à présent un éclat à la fois affable et caressant, résonnant parfaitement avec le sourire qu’il lui donnait. Kasca l’observa assez longuement, silencieuse alors que ses précieuses d’azur parcouraient les traits du visage du jeune homme, encadrés par ses longs cheveux plus noirs que nuit d’où détonnait seulement sa mèche teinte. Kasca continua de le fixer sans ciller, et roula sur le ventre. « Eh bien j’ai hâte de m’y rendre. »

C’était la première fois que Kasca s’intéressait autant à lui ouvertement. A lui personnellement, à sa famille, à être curieuse sur ce qui l’entourait. Ils avaient définitivement passés un stade ce soir, et si le Sato en doutait encore, il avait bel et bien fait sauter la serrure qu’elle mettait un point d’honneur à maintenir fermée. Peut-être était-il le seul a être arrivé jusque là avec elle en si peu de temps. “Ils ne font pas exprès. Ils poussent à bout, jusqu’au limites, pour qu’on forge notre caractère et nos connaissances sur les souffrances. Mais il y a des accidents. Il y a des suicides. Il y a des meurtres. Il y a des disparitions. Causés par des gens qui veulent juste s’échapper.” Il ne déteste pas ces endroits. Il ne déteste pas la philosophie qu’on lui a inculqué. Il déteste le système qui a été mit en place et il déplore les gens qui l’appliquent à la lettre sans se poser de question sur la morale et l’éthique derrière. Daisuke comprend, en revanche. C’est sans doute ce qui lui permet d’avoir ce détachement constant, qui vient néanmoins à faiblir ces derniers temps : il comprend toujours les motivations derrière les actions des autres, et il sait que les conséquences font partis d’un schéma naturel. Le cycle de la vie et de la mort, comme on lui a râbaché depuis toute sa jeunesse. “Et détrompe toi. Les Sato sont de grands manipulateurs. Ils pourraient justifier le fait qu’on trouve la paix et le Nirvana dans la mort, et que le décès des uns provoque une souffrance chez les autres, une nouvelle étape pour l’ascension vers l’éveil. A cause des accidents, des disciples peuvent se transformer en fléau. Une ultime souffrance, mais une souffrance de plus. L’exorciser revient à lui apporter la paix.” parle t-il d’une voix résignée, lasse et qu’il finit par un soupir. Un jour il changerait ça, mais en ce moment même, cela continuait, parce que le vieux, le chef des Sato, trouvait que c’était un système utile et adéquat. “Après tout, tu ne serais pas l’homme que tu es sans l’avoir suivi, non ?” lui avait-il répliqué pendant l’une de leur rencontre. Son air espiègle et son détachement était à des années lumières de celui de Daisuke. En comparaison, ce dernier n’était encore qu’un petit gosse colérique. La dernière réplique de Kasca lui fit oublier ces pensées néfastes et lui redonna le sourire, cependant. “Bientôt, donc. Prochaine sortie, alors.” il marqua une petite pause, réfléchissant à comment il pourrait continuer la conversation, parce que maintenant qu’on l’avait tiré du sommeil, le pauvre bougre n’avait plus aucune envie de se rendormir. “Je suis content que tu sois venu, ce soir.” lui dit-il avec le sourire le plus sincère qu’il avait pu lui sortir.

Les billes bleues, toujours fixées sur le Sato, se fronçèrent à ses explications. Pas exprès ? Même pour Kasca, c’était un argument qu’elle n’aurait jamais pensé entendre sortir de la bouche de Daisuke. Si elle se redressa dans le lit, pour se mettre à sa hauteur, agenouillée ses jambes nues repliées sous elle et le drap glissant sur ses épaules couvertes de son léger kimono, lui continua sur sa lancée visiblement perdu dans ses pensées, un sombre éclat narguant dans ses prunelles brunes. L’Umino ne s’était pas attendu à ce que le clan Sato soit aussi sectaire. Si les Umino étouffaient certaines affaires, comme son pétage de cable à Kyoto, on était loin des meurtres quotidiens. Même la caste la plus basse de la famille était mieux traitée. Ils agissaient généralement en tant que simples serviteurs, mais au moins avaient gîte et couvert, et personne ne les poussait au suicide. Kasca pencha quelque peu sa tête de côté et sa longue mèche blanche coula dans le vide. Elle allait rajouter quelque chose au sujet de Sato, mais se retint et afficha finalement plutôt une expression mitigée bien que clairement un peu énervée. C’était le ton employé par Daisuke qui la fit se murer dans le silence. N’en pensa t-elle pas moins pour autant. Si les Sato perpétraient des meurtres aussi régulièrement, cela valait le coup d’aller y fourrer son nez. Ils n’étaient pas aussi puissants que les Umino et peut-être pourrait-elle jouer du pouvoir de sa propre famille. Quand bien même après sa rencontre avec Daisuke, elle ne ferait pas l’erreur de les sous-estimer. Kasca détourna le regard un instant, perdue elle aussi dans ses réflexions. Ce furent les mots du jeune homme qui attirèrent de nouveau son attention sur lui. Il avait visiblement retrouvé le sourire, lui assurant qu’il l’emmènerait très bientôt dans un des monastères Sato. Les grands yeux polaires le fixaient alors que leur propriétaire commençait à se demander s’il ne se cachait pas trop derrière son sourire. Si elle s’était ouverte à lui ce soir, elle avait aussi l’impression que c’était le cas du brun, qui avait par deux fois déjà abandonné son flegme habituel pour des sentiments beaucoup moins tempérés. Elle tentait de le sonder pour vérifier son hypothèse, lorsqu’il brisa encore le silence entre eux. Les yeux bleus s’écarquillèrent un peu, et elle ne sut pas bien pourquoi son palpitant s’emballa. Si c’était ses mots, si c’était son sourire. Kasca ne sut réagir. Le silence retomba, mais c’était une toute autre conversation qui avait lieu. Le regard de l’Umino planté dans celui du Sato, elle sentait assurément bien cette nouvelle tension installée. Un instant, elle fut happée par l’intensité avec laquelle il la regardait, avec laquelle -sûrement- elle le regardait aussi. Ce n’était pas la première fois qu’elle soutenait son regard. Pourtant cette fois, elle reconnaissait la sensation, sournoise et fallacieuse, qui s’animait dans le creux de son ventre, cette attraction discrète mais indéniable. Il fallait y mettre fin. « Si je n’avais pas fait de bruit en voulant ressortir, j'aurais pu te trancher la gorge, Sato-kun. » Alors, on avait connu mieux comme façon de détourner l’attention, et c’était peut-être malvenu de le menacer encore, bien que cela ne soit pas une réelle menace, maintenant. Kasca rajouta de revêche, donc : « … Pas parce que c’était mon but à la base, hein mais euh… Parce que tu dormais et… Voilà. » Elle détourna les yeux, fuyant l’intensité de son regard. « Bref. » Kasca chercha un prétexte à son esquive, et alors qu’elle parcourait un peu la pièce dans le noir, elle s’accrocha à la faux dont l’oeil rouge l’observait. Parfait. « J’aimerais l’étudier encore. Son maniement mais aussi… J’ai fait des croquis. Il faut que j’en fasse encore. » relança t-elle la conversation, et il lui semblait ne jamais autant lui avoir parlé d’elle-même, mais la langue se déliait seule. « Tu sais, j’ai réfléchi à ce que tu m’as dit lors de notre duel. Et je crois que je peux changer la texture de mon encre. Tu avais raison de me lancer sur cette piste. Il faut juste que je m’entraîne encore, mais je tiens quelque chose. » L’instant de trouble passé, Kasca replongea dans les yeux bruns, encore et toujours.

“Quelque chose qui nous aurait bien avancé, hein ?” lâcha t-il en levant quelque peu les bras devant sa remarque. Pourquoi aurait-elle voulu le tuer, de toute façon ? Prouver qu’elle pouvait éliminer froidement un camarade de sang froid, montrer qu’elle était supérieure ? De toute façon, Daisuke n’était pas si facilement atteignable. Même si c’était un combattant pur et dur, il n’avait pas un sommeil assez lourd pour être pris par surprise de cette manière. Les élites du monastère s’en étaient assurés. Mais ça, Kasca n’aurait pu le savoir que si elle s’était rapprochée suffisamment. Il remarqua a quel point les interactions sociales lui faisait défaut quand elle se mit à bégayer, mais il lâcha un petit rire sitôt sa remarque partagée, pour tenter de détendre. Il fut néanmoins surpris lorsqu’elle lui annonça qu’elle avait réfléchi à son conseil, pendant leur premier entraînement. Elle n’avait rien rétorquée alors, et s’était contentée de continuer le combat à sa façon. Nul doute qu’il fallait beaucoup d’entraînement pour solidifier de l’encre, mais après tout, ce serait par exemple la première chose que penserait faire un manipulateur d’eau, dans son esprit, alors de l’encre, c’était censé être la même chose, non ? Passer de liquide, à solide. D’autant qu’elle solidifiait déjà son encre suffisamment pour qu’on y reste une seconde, alors plus, et assez pour pénétrer la chair ? Pour lui c’était une question de logique. Mais ses yeux s’illuminèrent à son annonce, signe qu’elle avait pris très au sérieux ce qu’il lui avait dit, et que ce n’était pas la première fois qu’elle prenait ses paroles avec une certaine importance. “Bien sûr ! On fera ça. J’pourrais regarder tes entraînements sur ton sort inné ? J’aime bien regarder un artiste qui fait son œuvre. C’est relaxant et reposant. J’suis p’têtre hyperactif, mais j’aime me poser de cette manière. J’en ai besoin. Et peut-être que je pourrais essayer de t’aiguiller ?” déclara t-il avec une ferveur renouvelée. Parler de soi, il aimait bien, mais parler de combat, ça l’excitait tout autant. Lui qui se considère comme un génie du combat, parler de tactique et de stratégie avec une camarade qu’il estimait autant, il pourrait le faire des heures. Et après tout, vu comme c’était parti, il avait la nuit pour s’y adonner.

Kasca se concentrait plutôt sur ce qu’il lui disait, mais laissa couler la remarque sur son comportement d’un peu plus tôt bien qu’elle ne put retenir un froncement de sourcils et une légère mou d’agacement. Mais l’enthousiasme de Daisuke chassa rapidement les prémices d’une subtile colère. Elle haussa un sourcil à sa demande de la voir s’entraîner avec son sort inné. Mais ne put en placer une avant qu’il n’ait fini de parler, tellement il était emballé. Son excitation était contagieuse, et Kasca en ressentait les effets, comme il lui proposait de l’aider pour son sort. « Oui tu peux, mais… En fait, l’Anima c’est juste le contrôle de mon fléau. C’est lui qui gère l’encre. Je dois affiner mon sort pour lui ordonner de peindre et de changer la texture de l’encre, tout en même temps gérer où et comment il doit peindre et puis… » Kasca continua ses explications sur son fléau adoré. Puisque Daisuke avait décidé de l’aider, et qu’il lui avait déjà longuement parlé de Noble Truth, autant lui partager aussi les secrets de son Anima. La nuit était déjà bien avancée, mais elle avait l’esprit en ébullition. Tous les deux partageaient la même passion pour l’art de combattre, et parler technique et tactique avec quelqu’un qui comprenait, et qui s’enthousiasmait comme elle, c’était assez grisant. Et finalement, le matin vint plus rapidement qu’elle ne l’aurait pensé, et souhaité, le temps filant à travers leurs mots et leurs sourires. Quand bien même, concernant la journée à venir, elle comptait bien la passer toute entière à ses côtés.
Kasca Umino
Élève de 3ème année - Tokyo - Classe 2
Kasca Umino
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Kasca Umino
Lun 8 Avr 2024 - 20:17
Ce sujet se situe juste après Valet de trêfle et avant La vie d'artiste.

Brain chemistry

C’était la nuit tombée depuis un moment, et malgré sa lampe de poche, il n’avait nul besoin de s’en servir tant la luminosité prodiguée par la lune semblait surnaturelle. La lumière passait entre les arbres et les feuilles pour illuminer d’une manière partielle troncs et buissons, mais c’était déjà amplement suffisant pour Dai qui pouvait savoir quand lever son pied assez haut pour ne pas se faire prendre son jogging dans les ronces environnantes. Ce n’était pas une mission, et ce n’était pas une traque, non plus. La raison de son expédition nocturne dans une vaste forêt n’avait en réalité rien à voir avec le travail d’exorciste, même. Il s’agissait … D’une activité qu’il avait décidé d’effectuer à la dernière minute, et surtout, une activité qu’il ne faisait pas seul de lui-même. C’est quand même plus marrant de se promener à deux, et encore plus, de son point de vue, à la camarade qu’il avait choisie pour l’occasion. “On devrait plus être très loin. Quelques centaines de mètres ? J’imaginais ça plus proche.” Il tourna la tête vers Kasca, qu’il avait embarqué dans ce coup qui, d’extérieur, semblait des plus foireux. Celle-ci évoluait quelques centimètres derrière lui, et il veillait tout de même à ce qu’elle reste très proche, histoire qu’il ne lui arrive rien de malheureux. Même quand on manipule l’énergie occulte, une mauvaise chute est bien vite arrivé, et il faut dire qu’il ne serait pas mécontent de la récupérer pour lui faire un petit numéro de drague improvisé. L’endroit qu’ils recherchaient se situait dans la zone boisée derrière l’école de tokyo. Ou plutôt, l’endroit dont avait entendu parler Dai s’y trouvait. Il n’y était pas vraiment allé, mais en première année, il avait suivi des troisièmes pour entrer dedans, avant de se faire réprimander et de repartir bredouille la queue entre les jambes, à cause de son inexpérience. Aujourd’hui, personne ne serait là pour l’emmerder et lui dire de rebrousser chemin. La mauvaise nouvelle dans tout ça, c’est qu’il y avait longtemps qu’il n’était pas venu, et qu’il avait pris quelques détours. Aux yeux d’un autre, on aurait pu croire qu’il était perdu. Mais pas dans l’esprit de Dai. Pas encore, du moins. “C’était par là. Quoi que … Je reconnais le gros arbre, c’était à 100 mètres de celui là. Environ.” La mascarade dura encore une quinzaine de minutes pendant laquelle Dai rassura Kasca sur le chemin à prendre, avant qu’ils ne tombent sur le Saint Graal. Un genre de mausolée fermé par une grille de fer aujourd’hui bien rouillée. “Et voilà ! Sésame ouvre toi.” lâcha t-il en tirant sur la porte qui ne sembla pas bouger d’un centimètre mais provoqua un bruit d’enfer, lui arrachant un frisson dans la nuit. Il lâcha sa faux prestement et l’oeil roula d’agacement avant de regarder Dai sévèrement. Mais le jeune homme n’était concentré que sur la porte qu’il finit par ouvrir à deux mains, s’efforçant mettre assez de force pour qu’elle obéisse et pas assez pour ne pas la décrocher non plus. Il repris dans sa main la lampe de poche qu’il avait mit entre ses chicots pour regarder à l’intérieur : pas plus de mystère, ou plutôt pas de faux semblants puisqu’il y avait directement des escaliers conduisant … Aux tréfonds des enfers ? Dai n’avait pas mis un pied là dedans, il n’avait fait il y a 2 ans que regarder depuis l’extérieur. Il regarda Kasca avec un air interrogateur “Bon bah … Quand faut y aller ?” sans pour autant y aller.

La journée de Kasca ne s’était pas exactement déroulée comme elle l’aurait voulue. Elle allait d’échec en échec concernant la solidification de l’encre du serpent-dragon, et concernant son maniement de la faux pour accompagner son binôme, il n’avançait pas aussi vite qu’elle l’aurait espéré. En plus de cela, elle avait -encore- reçu un appel de sa mère, concernant Zenzo Umino. Chika trouvait à juste titre qu’elle ne faisait pas assez d’effort pour passer du temps avec lui. Entre les missions, ses recherches et les multiples entraînements… Il fallait bien avouer que celui qui occupait la majorité de ses journées n’était nul autre que Daisuke Sato. Kasca fixait son dos en marchant juste derrière lui, silencieuse dans son sillage et pensive quant à tout ce qu’elle avait encore à accomplir. Lorsqu’il lui avait proposé cette sortie impromptue, elle n’avait pas hésité. Elle pensait que cela pourrait lui changer les idées. Ici, à l’école, il n’y avait pas de fléau, pas de danger. Maintenant que la nuit était tombée, ils étaient juste deux adolescents passant du temps ensemble, comme bien trop souvent à présent. L’Umino savait qu’elle s’engageait sur un chemin dangereux, mais à chaque fois qu’elle cherchait à s’en éloigner, elle faisait tout le contraire. D’un pas en arrière, elle en faisait deux en avant.
Kasca glissa son regard sur la lune, pleine. Son fléau ronronna à son oreille et elle caressa distraitement ses écailles, avant de se remettre à marcher. Elle connaissait un peu ces bois parce qu’elle venait y courir régulièrement mais elle n’était jamais allée aussi loin. Aussi devait-elle faire confiance au Sato pour les guider… quand bien même cela avait tout l’air d’être une idée assez bancale. Elle haussa un sourcil quand elle le vit chercher son chemin, et sortit discrètement son poignard pour marquer quelques troncs sur leur passage. Elle n’avait aucune envie de dormir en pleine forêt alors qu’un lit l’attendait à l’école, tout proche. « Tu devrais travailler ta mémoire, peut-être. » lui lança-t-elle en soupirant, marquant un nouvel arbre alors qu’il ne l’écoutait pas. Habituelle interaction. Mais soudain, elle vit son partenaire s’illuminer lorsqu’ils touchèrent enfin au but. Après le bruit très indiscret provoqué par Daisuke sur la grille, Kasca ramassa de peu la faux qui lui envoya de revêche un œil mauvais auquel elle répondit en la pointant du doigt, menaçante. « Rhaabilux, tu ne me mords pas. » Mais déjà, la grille s’ouvrait et les invitait dans un escalier. Kasca fixa un instant le Sato qui ne bougea pas d’un pouce après avoir annoncé y aller. Elle roula des yeux et s’engagea la première, poussant la faux dans son torse. Aucune envie de se promener avec ce truc là. Éclairée par la lampe de son téléphone, elle s’avança précautionneusement jusqu’en bas des escaliers, écartant quelques toiles d’araignée qui lui rappelait toujours sa première mission de Kyoto. Un long couloir sombre et humide les attendait. L’Umino marchait sans crainte, devant. « Est-ce que tu as au moins une idée de où on est ? » demanda-t-elle, sa voix se propageant en écho dans le couloir.

Il récupéra la faux lorsqu’elle la pressa sur son ventre avec un petit sourire “Il peut pas comme ça, il a qu’un œil. Sauf si tu considère la pointe comme un chicot” continua t-il alors qu’elle s’enfonçait tout de même vers … les abîmes … Et les ténèbres … Il lui emboîta le pas tout de même, tenant sa faux d’une manière particulière à la verticale comme il n’en avait pas l’habitude tant l’espace était étroit. Bien sûr qu’il savait où il était, et il commençait à n’en comprendre la véritable signification que maintenant, vers minuit, alors que personne ne les entendrait crier au milieu de nul part à une heure si tardive. Mais eh, il fallait faire bonne figure devant son amie, après tout, c’est lui qui était à l’initiative de toute cette expédition. Il faut dire que c’était quelque chose qui lui trottait dans la tête depuis longtemps. Dai n’aimait pas recevoir d’ordre et encore moins les écouter, mais du haut de ses 16 ans à l’époque contre un professeur et des élèves qui avaient lâchés l’affaire, il avait été bien obligé de se ranger. De ce fait, cette journée et cet endroit était affilié à un échec, pour lui, un échec qu’il avait mis en suspens jusqu’à un moment plus propice où il aurait pu retenter l’expérience. Voilà chose faite. Maintenant, il fallait assumer. “Des catacombes. Paraît qu’il y a des corps d’exorcistes qui datent d’il y a des millénaires ici. J’y crois moyen parce que ça recèlerait d’outils occultes et d’armes maudites si c’était le cas, je suppose, ça serait grave dangereux. Tu pense que les exorcistes ultra fort on les crame ?” Il continua de continuer le long du couloir qui finalement semblait n’en plus finir avant de tomber sur une grande pièce à plusieurs embranchements, aux murs de pierre disposant de larges trous où reposer des cadavres et où reposaient aujourd’hui … Sans doute des squelettes, cachés par de longues planches de bois. Il faisait frais ici, quand bien même tout semblait restreint. Dai entreposa sa faux contre un mur de la pièce. “J’ai l’impression qu’on risque plus de croiser des fantômes et des draugr que des exorcistes légendaires.” Lui qui s’attendait à voir débarquer le minotaure à tout moment au vu de l’ambiance, il n’avait pourtant aucune peur de l’oeil sur la faux qui faisait des va et viens comme s’il était littéralement possédé. Incapable de dire s’il était inquiet, s’il ne voulait pas qu’on le laisse là ou s’il se foutait tout simplement de leur gueule. “J’ai pas regardé beaucoup de films d’horreur parce que … J’aime pas ça … Mais normalement on est pas censé se séparer …” lâcha t-il alors que l’option de faire tous les embranchements un par un ensemble lui semblait être l’option la plus censée.

Kasca lança un regard de travers à la faux, une moue dubitative sur son visage. « S’il peut faire un oeil, il peut faire des dents… et reste bien dans la faux cette fois, ou je t’allume pour de bon, t’as compris ? » menaça t-elle le fléau. Elle n’avait aucune envie de le revoir sur la peau de son coéquipier. La première fois que c’était arrivé, elle avait vraiment paniqué. Si Daisuke s’amusait de l’impuissance de ce fléau, Kasca préférait la prudence. S’il était capable de s’accrocher à son corps, qui sait ce qu’il ferait s’il gagnait en puissance. Mais cette discussion, ils l’avaient déjà eu et elle avait abandonné l’idée devant la ténacité du Sato de garder son trésor. Soit. Mais au premier faux pas, elle l’exorciserait. Kasca continuait de s’enfoncer dans le couloir, la torche de son téléphone guidant ses pas assurés. Elle ne craignait pas ce genre d’endroits, elle en avait vu des centaines depuis qu’elle trainait avec Takehiko, puis ensuite à Kyoto. Pour ce qui était de Daisuke, en revanche… Un sourire narquois étira ses lèvres alors qu’elle se retournait à demi pour lui lancer un regard plein de malice. « Mais tu crois pas qu’ils auraient nettoyé l’endroit ? On est à l’école, je te rappelle. » Ils continuèrent de marcher un peu jusqu’à une grande pièce. Kasca éclaira les murs et les différents embranchements, mais la voix du Sato la rappela à lui. Elle le fixa en souriant, drôlement amusée par son comportement. « Bah alors… » lui dit-elle, en glissant près de lui. « On a peur, monsieur l’exorciste semi classe 1 ? » Kasca lâcha un rire qui s’éloigna en écho dans les catacombes et choisit au hasard un des embranchements dans lequel elle s’engagea en marche arrière, le regard fixé sur Daisuke, un sourcil haussé dans une mimique de défi. « Cap ou pas cap ? » Et sans prévenir, la voilà partie en courant dans le couloir qu’elle avait choisi. Mais loin d’elle l’idée de se perdre, elle marqua le mur avec son poignard, laissant la lame tracer un trait dans la pierre humide du mur pendant qu’elle filait.

“J’aime pas ça, c’est pas que je suis effrayé.” répliqua t-il prestement à la remarque sarcastique de sa camarade. Il faut dire que s’il affrontait des fléaux plus coriaces les uns que les autres, dont récemment un de classe spécial en compagnie de son frérot Toshiyuki, il n’était pas dénué de toute peur. Et peut-être que contrairement à ce qu’il disait, il avait en horreur certaines choses, pas comme des phobies mais comme des choses qui le mettaient mal à l’aise. Rien que sur l’île d’Ha-Shima, quand il avait dû affronter un fléau dont l’aura terrifiante l’avait foutu dans un état pas possible, tant et si bien qu’il avait failli finir paralysé. En réalité, Daisuke n’était pas si détaché qu’il le décrivait d’ordinaire, de nombreux sentiments se mêlait dans sa tête. La colère de ne pas être si détaché que ça justement, une légère peur, mais une peur quand même, de certains concepts … Si d’un coup d’un seul un fléau poupée peluche sortait de ces catacombes, il se battrait arme à la main, mais main tremblotante tout de même. Les fléaux n’avaient rien a voir avec les fantômes et le paranormal, selon lui. Allez savoir pourquoi. Enfin si, il avait bien une idée : il avait connaissance des fléaux et savait à peu près tout ce qu’il y avait à savoir sur eux. Les esprits machiavéliques qui hantent les maisons en étant une force invisible ? C’est une science qui n’avait pas encore été étudiée et à laquelle on avait ni information ni solution. “Et puis ils ont l’air de s’en foutre un peu, d’ici, donc pas sûr qu’ils fassent tant de ménages. Sauf si y’a une cage aux fléaux comme au monastère.” continua t-il en la regardant avec un air mystérieux. Au moins, ça ferait un peu d’action. Du moment qu’il n’y avait pas un classe 1 qui se révèle particulièrement terrifiant - ni trop puissant vu comment l’environnement était des plus étroits - un peu de baston pourrait être la bienvenue. Mais pour le moment, les taquineries lui allait. Il appréciait beaucoup la présence de Kasca et le fait qu’elle s’ouvre de plus en plus à lui, lui faisant découvrir chaque jour un peu plus d’elle. Les jeux qu’ils se lançaient, le temps qu’ils passaient ensemble, la folie du combat à ses côtés, la galère des entraînements, et même aux moments que d’extérieur on considérait comme moins “fun”, il les aimait tout autant. Alors quand elle s’amuse à lui lancer un défi, il ne va certainement pas reculer, il plonge tête la première. Il s’élança derrière elle avec un rire “A ton avis ?” Il l’a poursuivit ainsi en ligne droite pendant quelques secondes, puis dû presque longer le mur tant l’espace rétrécissait. Pourtant, il ne perdit rien de sa vitesse, pour ne pas la laisser le distancer. Finalement, il la percuta sans même se rendre compte qu’elle s’était arrêté, et il fut presque surpris de la voir tomber vers l’avant, bien qu’il eut le réflexe de l’attraper par le bras avant qu’elle ne s’étale de tout son long. “Bah alors ?”

Le rire du Sato parvint à ses oreilles et le sien y répondit d’une façon extrêmement naturelle, l’écho portant leur voix comme une seule, à travers le couloir qu’ils empruntaient de leur foulée preste et rapide. Pour l’avoir déjà défié à la course sur le terrain d’entrainement, Kasca savait qu’elle ne pourrait pas le distancer. Mais il ne pourrait pas la rattraper non plus. Surtout qu’avec sa faux, il allait être gêné car à mesure qu’ils s’enfonçaient dans les catacombes, leur chemin se faisait plus étroit. Elle finit en pas chassés le dos frôlant le mur, sans se retourner pour voir où il était. Elle pouvait parfaitement l’entendre et ne comptait pas perdre de temps face à lui. Mais dans cette position, Kasca avait du mal à s’éclairer. Elle faisait confiance à ses pas et jusque là, cela ne lui avait pas fait défaut. Du moins jusqu’à ce qu’elle ne rencontre plus rien sous son pied. Elle crut s’engouffrer dans l’obscurité la plus profonde mais ses réflexes étant bons, elle recula juste à temps pour ne pas tomber. Jusqu’à ce que Daisuke la percute du moins. Kasca tenta de se rattraper en se tournant, sa main glissant sur le mur puis sur le bras de son coéquipier. Il referma sa prise sur le sien. Le cœur battant, elle le fixa un instant, penchée vers le vide, un air réprobateur sur le visage. « Bah alors tu pouvais regarder où tu allais. » L’Umino s’accrocha à lui pour remonter agilement sur une terre plus ferme. Elle ramassa son téléphone tombé par chance à leurs pieds et éclaira le vide, fit glisser la lumière à droite, sur le pan de mur, puis à gauche, sur un escalier vraiment étroit. « Mais quelle idée de faire les choses comme ça. » râla-t-elle en s’engageant sur la première marche. « Pourquoi faut toujours que ça soit peu praticable ? Ces gens n’ont aucun sens logique. » Un pas après l’autre, elle évoluait prudemment et jeta un coup d'œil vers Daisuke, s’assurant de sa position. Non pas qu’elle s’inquiétait pour lui, pas du tout, elle devait juste savoir où était son binôme après tout. Naturellement et logiquement. L’escalier descendait en longeant un mur finalement circulaire. Kasca s’arrêta pour tenter d’en éclairer la fin, sans succès. Elle chercha à ses pieds un morceau d’une marche usée, et le jeta dans le vide, comptant les secondes avant d’entendre un “plouf” singulier qui remonta en écho jusqu’à eux. « Profond. » énonça-t-elle à haute voix, certaine que Daisuke en avait tiré la même conclusion. Mais bon, c’était long de descendre comme ça… Le serpent-dragon sortit de son pendentif et se logea sur son bras, sous demande de sa maîtresse. Kasca murmura un mot inaudible et dessina une pente lisse sur laquelle elle se hissa. Puis se laissa glisser, les genoux légèrement pliés et les bras tendus pour l’équilibre. Elle descendit ainsi jusqu’en bas, son amusement éclatant dans un léger rire qui résonna jusqu’au Sato. Kasca atterrit prestement sur le sol. Les catacombes donnaient accès à une source souterraine chargée d’énergie occulte. Elle l’observa un instant avant de relever les yeux vers les escaliers et Daisuke, dessinant pour lui un nouveau toboggan. Elle attendit qu’il la rejoigne pour lui poser une question, sourcil haussé « Une cage aux fléaux…? » Kasca glissa ses yeux sur la rivière. « Elle a l’air de passer sous l’école mais on ne peut pas la suivre… Par contre on peut la remonter. » Elle était curieuse de savoir d’où elle venait.

Dai en eut un peu le bec coupé et s’en sentit presque idiot. Il était parti du principe que sa camarade n’arrêterait pas de courir tant qu’elle ne serait pas tombée sur une nouvelle pièce, mais il n’avait même pas envisagé qu’un tel endroit dispose de “trous” de la sorte. Heureusement qu’il l’avait rattrapé, sinon vu comment c’était pentu, on aurait pu assister à une catastrophe ou à une colère bien mérité de la part de l’Umino. Mais finalement, elle préféra râler un peu plus sur les escaliers plutôt que sur lui-même, et franchement, elle n’avait pas tort du tout. L’héritier des Sato aurait bien aimé parler à l’architecte qui avait pondu de telles constructions, mais visiblement, vu le goût et la dangerosité du chemin, il aurait fallu remonter jusqu’au Moyen  ge. L’indignation laissa place au sourire et à la bonne humeur, néanmoins, lorsque Kasca décida d’aller plus vite et que son enthousiasme pendant la descente prit le dessus, contaminant par la même le jeune exorciste qui non seulement n’était pas difficile à contaminer sur ce point, mais était déjà en plus dans un bon mood de base avant qu’il ne constate avoir fait une erreur en courant comme un dératé. Il la suivit en empruntant le toboggan spécialement conçu pour ses beaux yeux et l’imita dans son euphorie, juste avant de se poser à ses côtés. “Ouais, une cage aux fléaux. Vous avez pas ça, chez les Umino ? Comme son nom l’indique, c’est une salle pleine de ces bestioles. Des fois - souvent - on nous enfermait dedans pour nous punir de notre … Insubordination. Comme dans les films de guerre où les militaires prennent pour tout et rien à la formation, tu vois. C’est un prétexte pour nous enseigner une énième souffrance.” A force de parler continuellement avec une personne de la grande famille dite la plus arrogante et la plus forte selon ses collègues du monde occulte, et de se rendre compte que leur méthode d’apprentissage et de vie était peut-être - sans doute - bien moins pire que celle des Sato, il finissait par se rendre compte qu’il y avait un problème et vraiment un truc qui tournait pas rond dans ces monastères à la con. “Tiens, tu peux me tenir Rhaabilux ?” en lui refilant la faux et l'œil qui s’exaspérait de devoir rester avec Kasca. La rivière semblait chargée d’énergie occulte, et pourtant, le Sato colla ses mains pour en emprisonner de manière éphémère une petite quantité dans le creux de celles-ci. “Tu penses qu’on rajeunit quand on en boit ?” dit-il avec un sourire sarcastique, “Ou on chope une maladie pas encore découverte ?”. Il eut soudain l’idée la plus idiote qu’il ait eu de sa vie, peut-être. Il retira son t-shirt et se tourna vers sa camarade, pointant du pouce l’eau qui s’écoulait, un sourire bien malicieux sur le visage. Plus de fantômes, plus de fléau poupée, il avait pris la confiance dans ce nouvel environnement. “Cap ou pas cap ?” dit-il en se laissant tomber au ralenti dans la rivière ainsi désignée …

Kasca le regarda avec une grande perplexité. Elle douta un moment de sa sincérité, pensant à une blague lorsqu’il expliqua en détail cette cage aux fléaux et comment les Sato l’utilisait. Si les Umino étaient exigeants dans l'entraînement qu’ils s’imposaient généralement en tant qu’héritants de l’Anima, les Sato étaient… juste cruels, à ce niveau. Quel intérêt de cette punition ? Si l’image qu’il utilisa pour lui décrire restait assez abstraite pour elle, démontrant son inculture cinématographique égale au néant, elle voyait très bien en revanche la forme que cette cage prenait. Une énième souffrance… Kasca lâcha un gros soupir, sourcils froncés. Elle allait poser des questions personnelles à Daisuke, lorsqu’il lui tendit sa faux qu’elle prit non sans une mine de dégoût. L'œil rouge se posa sur elle et elle lui rendit son regard mauvais, ses yeux de glace dardant ses éclairs menaçants sur le fléau possédant l’arme de son coéquipier. Elle observa le Sato récupérer dans le creux de ses mains un peu d’énergie occulte coulant dans la rivière, la lumière bleutée et éphémère reflétant sur les traits de son visage, dansant doucement sur sa peau et donnant à ses cheveux noirs un éclat cérulescent. Elle sentit Rhaabilux cligner de l'œil alors qu’il la fixait, la tirant de son observation. « … Tu veux ma photo ? » Kasca tourna de nouveau son attention sur son camarade lorsqu’il évoquait quelques folles idées dans un sourire en coin. L’Umino allait répliquer lorsqu’il se releva pour retirer son t-shirt. Elle se tut alors, bouche bée alors qu’il ne lui laissait même pas le temps d’assimiler l’information, se laissant tomber dans l’eau alors qu’elle lançait un bras vers lui pour le rattraper en vain. Des éclaboussures refroidirent sa peau pâle, alors qu’elle glissait ses yeux sur la surface de la rivière à la recherche de Daisuke, s’approchant du bord et s’y accroupissant. Elle posa la faux sur la pierre froide, ainsi que sa veste et s’appuya pour se pencher. « Sato-kun…? » L’eau a son contact n’avait rien fait, mais rien n’excluait un autre effet à plus long terme. Kasca observa l’eau. Elle n’avait pas loupé le sourire malicieux de Daisuke, et elle pressentait qu’il ne dirait sûrement pas son dernier mot en remarquant qu’elle ne l’avait pas suivi. Elle resta donc penchée au-dessus de l’eau, mais elle se prépara, bras un peu écartés et ses doigts s’échauffant en pianotant quelque peu dans les airs. Après tout, il ne s’agissait que d’un gros poisson, non ? Elle attendit, patiemment, de le prendre à son propre jeu. Une ombre dans l’eau et quelques légères bulles remontant à la surface. Là ! Kasca plongea bras tendus, rencontrant le Sato sur son chemin et l’emportant avec elle dans son sillage plus en profondeur.

L’eau était froide. En même temps, en hiver comme au printemps, on restait la nuit, et sous la lumière de la lune rivières comme mers semblaient glaciales. Pour Daisuke, ce n’était rien d’autre qu’une partie de plaisir et un peu d’exercice, lui qui avait connu des plongeons torse nu dans la neige - et cette fois ci plus par stupidité que par punition - dans les hautes montagnes de l’Hokkaido. Le plongeon tarda à venir, néanmoins. Il aura cru Kasca plus espiègle, maintenant qu’elle semblait s’être ouverte, depuis cette nuit dans sa chambre. Fort bien. Il attendrait là, bloquerait sa respiration, attendrait le moment opportun au moment où elle commencerait à … Oh, elle s’inquiéta plus vite que prévu. Lentement, elle s’approcha, et resta penchée là, juste devant lui. En soi, il ne voyait pas grand chose, tout semblait flou, mais l’ombre lui marquait la position. Alors, il agit et sortit de l’eau pour l’attraper … Enfin, il essaya. En réalité, il ne rencontra même pas l’air en dehors de la rivière, restant immergé sous l’eau : elle le percuta bien avant qu’il ne puisse l’espérer. Pour le coup, ce n’est pas une légère bulle qui sortit de sa bouche tant sa surprise fut assez grande. Il n’aurait pas pu anticiper qu’elle lui fonce dessus ainsi. Elle l’avait habitué au mieux à une réprimande. Mais là, pour le coup, si le but était de le prendre a son propre jeu, elle l’avait bien eu. Il bu la tasse, mais se reprit bien vite, essayant de s’accrocher à la paroi d’une main et, de son autre bras, de repousser Kasca pour la remettre sur pied et en profiter pour faire de même. Il sorti ainsi de l’eau et repoussa ses cheveux en arrière en riant - et en crachant à moitié ce qu’il avait ingurgité sans le vouloir - tout en maintenant un regard malicieux à Kasca. “Bien joué, j’admets, pas mal” lâcha t-il sans avoir aucune peine du monde à le dire. Contrairement à d’autres, avouer son échec ne lui arrachait nullement la langue, et il était plutôt bon joueur sur ce genre de choses, même s’il recherchait comme tout joueur qui se respecte la victoire. Et pour le coup, c’était peut être une défaite qui l’amusait encore plus qu’une victoire tant elle était surprenante et méritée.  “Je vais sûrement attraper une malédiction ancienne et mystique grâce à toi.” Il se laissa tomber dans l’eau de manière à ce que seule la tête en sorte. Après un petit temps dedans et un peu d’adrénaline, elle ne semblait plus si fraîche, au final. Il n’avait pas signé pour un bain de minuit, mais au fond, il en était plus que satisfait. “On est pas trop mal ici, elle était pas si nulle l’idée de … Visiter une crypte bizarre au fin fond de la forêt qui débouche sur des galeries souterraines qui débouchent sur … ce qu’on verra bientôt en remontant ?”

Kasca rencontra rapidement le corps de son coéquipier, dans l’eau trouble. La sensation froide électrifia son corps, et si elle avait d’abord fermé les yeux à l’impact, elle tenta de les ouvrir sous l’eau. Quelle erreur ! Les pupilles piquées, elle esquissa une grimace et dut rapidement fermer les yeux, portant ses mains dessus tant la sensation était désagréable. Dans un même temps, Daisuke se rétablit, la repoussant un peu. Les sens brouillés dans l’environnement aqueux, elle chercha un point de repère, battant d’un bras jusqu’à ce que sa main rencontre l’épaule du Sato sur laquelle elle s’agrippa. Elle s’y hissa, rejoignant la surface. Kasca se tint au rebord, s’appuyant sur ses bras et frottant ses yeux. Elle tourna la tête vers Daisuke, alors qu’il crachait et riait tout en même temps -drôle de capacité-, ses yeux bleus marqués d’un rouge d’irritation. « C’est moi qui l’ai attrapée, la malédiction. » Apparemment, les yeux bleus étaient plus sensibles au liquide chargé d’énergie occulte. En plus de la lumière. En plus du soleil. En plus d’être plus fragiles en général. Quelle plaie. Kasca se hissa sur le rebord, laissant ses jambes tremper dans l’eau. Elle jeta un rapide coup d'œil à la faux, juste pour être certaine que le fléau ne tentait pas de s’échapper avec, puis tourna de nouveau son attention vers le Sato encore dans l’eau. Un frisson la parcourut alors, frileuse qu’elle était avec son poids plume. Elle se releva et attrapa sa veste, essorant son carré neigeux rapidement avant d’enfiler son vêtement.  « Un peu de nage te fera pas de mal. Vu tout ce que tu engloutis. » le piqua t-elle dans une légère mimique faussement condescendante qui disparut aussitôt dans un sourire taquin alors qu’elle ramassait la faux, ainsi que le t-shirt de Daisuke, et laissait l’arme hantée se poser dans le creux de son épaule. Ceci fait, Kasca se mit simplement à marcher le long de la rivière. Le bruit de ses pas se répercutait doucement sur les parois, quelque peu recouvert par celui de l’eau. Elle resta silencieuse un moment, dans un instant nullement gênant entre eux. Finalement, elle le brisa, ce silence. « Après-demain, je pars en mission avec Zenzo-kun. Du coup il faudra repousser l'entraînement à la faux ou… switcher avec celui de demain. » Un léger froncement de sourcils sur son visage, elle réfléchissait au moyen d’optimiser au mieux leur emploi du temps. Ses yeux la piquant encore un peu, Kasca les massa doucement d’une main, la faux glissant contre sa tête. « Ça ne me dérange pas de faire sauter celui de demain pour le maniement de la faux. Je vais avoir l’occasion de me servir de mon sort durant la mission, ça me servira de rattrapage. » ajouta-t-elle, finalement.

Elle se remit bien moins rapidement sur pied que Daisuke, bien que pour ce dernier, le petit passage un peu trop prolongé dans l’eau froide se voyait bien plus : le bruit et ses nombreux crachats à la suite s’en assuraient. Mais il remarqua bien les frissons de la jeune femme et ses yeux … plus très blanc. S’il ne voyait qu’à peine le rouge de ces derniers à cause du manque de luminosité, il avait bien intégré qu’elle clignait beaucoup trop des yeux et qu’ils s’étaient assombris, prenant une teinte écarlate. Elle se remit en mouvement sur la terre ferme après une petite vanne, et il ne se fit pas prier pour remonter le courant, regardant le plafond en évoluant sur le dos. Il tourna sa tête vers sa camarade lorsqu’elle se mit à parler de sa prochaine mission avec quelqu’un qu’il n’appréciait particulièrement pas. Peut-être autant parce qu’il avait bousillé sa mission que parce qu’il était le promis de Kasca, une chose qu’il avait du mal à accepter autant parce qu’il détestait le personnage que parce qu’il tenait lui-même à elle. “Ah, super” fit-il avec la voix la moins enthousiasmée qu’il avait pu lui faire depuis qu’ils se connaissaient. “Bah bon courage” se remémorer la dernière mission lui hérissait déjà le poil. Il ne pouvait pas blairer ce type. Il n’avait rien apporté, bien au contraire. Il avait bousillé sa mission, et sa journée … Mais pas sa soirée, puisque c’était au terme de celle-ci que Kasca s’était enfin livrée à lui, et qu’il avait en quelque sorte ouvert la porte vers une “nouvelle” Kasca dont il appréciait toujours plus la compagnie chaque jours qui passaient. “C’est un bouffon. Arrogant. Persuadé d’avoir raison et s’entête quand bien même on lui prouve le contraire. Y’a rien qui va chez ce type. Je sais même pas en quoi c’est un bon parti. Il a juste eu de la “chance” sur son sort. Fallait bien qu’il ai quelque chose pour lui.” continua t-il en regardant son amie en biais, puis se retournant à la fin de sa tirade pour regarder droit devant lui, essayant de passer à autre chose pour découvrir où menait la rivière. Mais pour l’instant, il ne voyait que l’obscurité de la grotte, pas de sortie ou d’étoile à l’horizon. “Il fait parti du problème qui gangrène le monde occulte. En fait, il l’aide à perdurer.” Ouais, il n’arrivait plus à passer à autre chose, maintenant, oubliant totalement que Kasca lui avait donnée une telle information que pour parler de l’emploi du temps des entraînements. Si elle ne finissait pas par l’arrêter, un certain Umino aurait les oreilles qui se mettrait à siffler, tout d’un coup.

Si elle s’était attendue à bien des réactions, elle n’attendait certainement pas un mistral comme il le lui donna. Les yeux de tempête se posèrent sur l’exorciste nageant encore sur le dos, détaillant l’expression contrariée de son visage. Comment ça “Bon courage” ? Froncement de sourcils léger, subtile tension. Elle raffermit doucement sa poigne sur le manche de la faux. Et si Kasca s’était ouverte ces derniers jours, les mots du Sato lui firent instantanément refermer sa coquille. Froideur et sécheresse se côtoyaient de nouveau dans le regard qu’elle lui portait, alors qu’il lui lançait le sien où dansait un feu éternel. Les mots qu’il prononça n’allaient pas non plus en sa faveur, tant ils étaient dénués de sens et d’intérêt pour elle en cet instant. Le froncement se fit plus fort, et le fléau dans la faux commença lui-même à s’inquiéter de la tension de celle qui le tenait actuellement. Même le serpent-dragon venait de sortir de son pendentif pour ne surtout rien rater, glissant sur la peau pâle de l’Umino et dardant ses prunelles chromatiques sur Rhaabilux. Kasca allait parler lorsque Daisuke en rajouta une couche, finissant d’énerver le diamant qui s’aiguisa d’un mouvement de tête, son carré sursautant à la colère qui pointait le bout de son nez. « Qu’il soit un bon parti ou pas, ça ne te regarde pas. » lança t-elle de toute la froideur dont elle était capable, les yeux azur se fixant intensément sur son coéquipier alors qu’elle s’arrêtait pour lui parler. « Je ne t’ai pas demandé ton avis, Sato-kun, à ce que je sache. » enfonça-t-elle le clou, en se remettant à marcher d’un pas rapide. Par deux fois déjà maintenant, il avait eu cette même réaction lorsqu’elle évoquait seulement le nom de celui qui se tiendrait à ses côtés dans le futur. Leçon retenue, elle éviterait ce sujet avec lui.

Il entendit ses paroles, mais n’y réagit nullement. Qu’elle aille plus vite ou plus lentement maintenant, il n’en avait cure : il maintenait son allure dans l’eau, comme s’il ne venait pas de se prendre un coup de pression. Il plissa seulement un peu des yeux, mais avec cette obscurité, ce n’était pas vraiment la chose la plus visible dans cette “grotte”. “Hmm. C’est Dai.” Si d’habitude, il devait souvent la reprendre sur la manière dont elle l’appelait, il se doutait presque ici que c’était accentué et fait exprès pour marquer son agacement. Pourtant, elle ne l’avait pas repris, cette nuit là, quand elle s’était confiée. Elle s’était contenter de l’écouter sur son dégoût pour Zenzo sans répliquer ni rien ajouter. Aujourd’hui, elle s’énervait. Ce n’est pas qu’il ne s’y était pas attendu, mais plutôt qu’il ne savait pas comment elle allait réagir à ses paroles, et chacune de ses répliques l’aurait étonné, de toute façon. “J’le donne aux gens qui comptent.” réagit-il instinctivement. Et pour le coup, c’était vrai : même s’il se faisait des amis en un quart de seconde, il ne se serait pas gêné pour afficher son point de vue à ces derniers : si Toshiyuki se serait épris d’une folle du culte astrale, il lui aurait donné son avis sur la question sans détour. Il en faisait de même ici avec Kasca, même s’il avait des raisons plus personnelles derrière tout ça. Au fil du temps, il s’était quelque peu attaché à l’Umino. Même si pour elle, tout semblait récent, pour lui ça avait commencé dès le premier jour. Dès le moment où elle avait encaissé Noble Truth d’une manière différente, il avait su qu’il ne devait pas la lâcher et qu’ensemble ils pourraient aller loin. Puis les entraînements, les sortis et les conversations s’étaient enchaînées, même si parfois c’était à sens unique, il appréciait sa compagnie, il appréciait la contempler, et en réalité, il appréciait à peu près tout avec un intérêt renouvelé quand elle se tenait à ses côtés. Alors bien évidemment qu’il ramènerait sa science avec un sujet aussi important qu’une telle liaison entre deux êtres qui … N’avaient rien à foutre ensemble de son point de vue. La grotte se rétrecissait au fur et à mesure de leur avancée, et finalement, la sortie ressemblait à un demi cercle, ouvrant sur une forêt plus ouverte, avec moins d’arbres autour d’eux, et sur les côtés de la rivière était disposés des cailloux et rochers sur plusieurs mètres. Il n’avait rien pour s’essuyer, mais il fallait sortir. Bah, il ferait le retour torse nu, avec de l’eau lui dégoulinant sur tout le ventre. S’il devait être malade, c’était le destin.

Kasca décida de ne plus lui prêter d’attention, marchant d’un pas rapide plus avant, ses doigts pianotant sur le manche de la faux qu’elle replaça d’un geste sur son épaule. Ni Rhaabilux, ni le serpent-dragon ne semblaient décidé à bouger, sentant la tension et la colère sourde qui habitaient l’exorciste. L’air frais fouetta son visage et rappela à elle la sensation de froid. Elle frissonna et frictionna ses bras, calant l’arme dans le creux de son cou. Elle prit le temps d’observer un peu les environs avant que Daisuke ne la rejoigne. Elle n’était pas certaine qu’ils soient encore sur le terrain de l’école, quand bien même elle n’avait pas remarqué avoir traversé la barrière. Peut-être plus loin encore ? En tout cas, d’ici et malgré les arbres, on pouvait voir les gratte-ciels de Tokyo et ses lumières urbaines flashant dans l’obscurité de la nuit. Le chant de la ville leur parvenait timidement, étouffé sous le couvert des arbres. Si elle l’entendit arriver, Kasca ne lança pas un seul regard au Sato, se contentant de sauter de roche en roche habilement, s’aidant de la faux pour équilibrer ses pas ou s’appuyant dessus. Finalement, elle s’arrêta et darda ses prunelles sur le lieu qu’ils avaient quitté, visiblement pensive quant à l’utilité ou l’usage de ce dernier. Kasca s’assit au bord de la rivière, rassemblant ses jambes contre elle en essayant de se maintenir au chaud. Quelle idée de plonger dans l’eau alors que le printemps commençait à peine… Les températures étaient encore trop basses pour ça. Elle resta murée dans le silence, le visage à moitié caché derrière ses bras croisés sur ses jambes.

Voilà qu’elle ne lui parlait plus, maintenant, en contraste avec le côté taquin et joueur qu’elle arborait quelques minutes auparavant. Daisuke avait dit ce qu’il avait à dire, et le mieux qu’il pouvait espérer maintenant, c’était que ça fasse son bonhomme de chemin dans la tête de l’Umino, qu’elle mûrisse quelque peu ce qu’il lui avait dit et, l’espérait-il, qu’ils résonnent dans son esprit pendant la mission. Que les mauvais côtés de Zenzo ressortent et, le cas échéant, qu’elle se rende compte de ses manipulations et de la façade potentielle qu’il pourrait arborer. Mais pour cette nuit, il en avait assez dit sur le sujet. Il n’y avait plus qu’à attendre que le temps fasse son œuvre, désormais. Et ce serait dommage de rentrer avec quelqu’un qui boude autant. Il s’assit donc à ses côtés et décida de briser la glace d’une fine réplique “Rhaabilux à l’air d’avoir la joie de vivre, à côté de toi.” dit-il en lâchant un petit rire et en la poussant un peu de l’épaule. Malgré la petite altercation, il ne voyait rien de mal à repartir sur d’autres sujets, s’étant quelque peu “détaché” de celui qui avait causé la brouille, maintenant. “Bon, ben pas d’armes occultes de classe spéciale à dérober là dedans, ni de corps d’exorcistes légendaires. Au final, c’était juste une crypte mal foutue qui sert plus à fuguer sans se faire remarquer plus qu’autre chose. Enfin, comme si ça pouvait servir …” conclut-il en haussant les épaules.

Elle aurait fui le toucher de son épaule, l’aurait repoussé ou serait partie d’elle-même, en lui lâchant une atrocité de froideur et de glace sous couvert de mots tranchants comme une épée, elle aurait refermé la porte entièrement et pour toujours, s’il ne s’agissait pas de Daisuke Sato. Mais il avait ce truc, et elle ne se l’avouait pas, qui la poussait à ne pas le repousser de trop. Du moins, cela ne durait jamais. Kasca lui lança un regard à l’entente de son rire, dardant ses prunelles couleur du ciel sur le visage de son coéquipier alors qu’il changeait habilement de sujet pour relancer une conversation qu’elle avait éteinte. Si elle nota l’effort et l’intention, naturellement les choses reprirent leur cours et elle rebondit sur ses paroles, bien moins froide à présent qu’il avait chassé de sa magie la tempête en elle. « Mais on n’a pas tout exploré encore. Je me demande où elle va, la rivière. Elle passe sous l’école. » répondit-elle d’abord, pensive en regardant l’eau devant eux. Puis Kasca fit glisser la faux de son épaule pour la tendre à son propriétaire. « Et reprends ça avant que je le fasse disparaître. » Rhaabilux lui lança un regard mauvais auquel elle esquissa un des siens avant de tourner la tête vers Daisuke, lui esquissant un sourire léger. « Chez nous, on a des cryptes comme ça mais on y met tous nos fléaux. Les plus anciens, les plus puissants, des fléaux plus utilitaires… Il y a une belle collection sous le domaine des Umino. » lui expliqua-t-elle, sa voix témoignant de son retour au calme. Puis, son esprit toujours en ébullition, elle passa du coq à l’âne, comme à son habitude, son regard se hissant sur le ciel plein d’étoiles. « A Kyoto, on voit mieux l’espace. » Elle se tut, contemplant le ciel, ses cheveux blancs gouttant encore sur ses épaules recouvertes de sa veste. Elle frotta ses bras après un énième frisson, et se recroquevilla plus encore sur elle-même, le t-shirt du jeune homme dans le creux de son étreinte.

“On est en plein Tokyo, avec la pollution, c’est sûr qu’ici on y voit rien.” répond dit-il au tac au tac en reprenant son arme fétiche désormais possédée “Les monastères Sato sont reculés dans les montagnes et les forêts sauvages, dont la vue est exceptionnelle aussi. Ici, les plaisirs qu'offre la ville ont beau être attrayant, ils n'en sont pas moins un tue l'environnement.” Il n’avait aucun mal à prononcer cet état de fait, bien qu’il accepte bien volontiers de succomber aux distractions proposées par Tokyo. Mais il savait bien qu’il y avait des endroits habités et bruyants qui avaient dû combattre la nature pour bâtir une communauté, et des endroits vides de la moindre humanité, pourtant paisibles et calmes dont seul le plus petit nombre peut profiter. Sinon, aussitôt les voitures débarquant en masse, les étoiles disparaissent aussi vite. Comme si ciel et terre étaient liés. Daisuke toucha son tatouage à ces pensées. Le nœud infini. Tous rassemblés en un fil entremêlé sur lui-même. “Faut croire que la votre est plus utile que celle-ci. Mais pourquoi tu prends pas un autre fléau de la tienne ? Si y'a toute une crypte, vous pourriez en avoir facile dix chacun” dit-il en pointant du pouce la grotte qu’ils venaient de quitter, en grossissant le trait. Mais il n’en pensait pas moins. Chaque Umino, aux dires de Kasca, avaient la possibilité de se balader avec des bombes nucléaires dans les poches, mais ils n’en faisait rien. Il se doutait que c’était en raison de la dangerosité des créatures à contenir, mais vu comment il mettait Kasca sur un piédestal, il n’avait aucun mal à l’imaginer se trimballer d’autres fléaux une fois son serpent suffisamment maîtrisé.

Si elle aurait pu lui parler pendant des heures du plafond d’étoiles, des mystères de l’espace et de comment elle trouvait ce sujet passionnant, Daisuke préféra la relancer sur ce qu’elle avait évoqué juste avant. Elle l’écouta rebondir sur ses mots, imaginant très bien à quel point le ciel devait être clair et visible dans les contrées nippones reculées accueillant les monastères Sato. « Combien y a t-il de monastère en tout ? Et toi tu connais l’emplacement de chacun ? » Elle le regarda un léger instant, clignant quelque peu des yeux aux questions qui s'enchaînaient dans son esprit et qu’elle avait du mal à sélectionner. « Tu les as tous visités ? J’imagine que non. Vous devez rester au même endroit. » Kasca suivit son regard lorsqu’il pointa la crypte qu’ils avaient quittée plus tôt, en évoquant les salles où les Umino conservaient leurs précieux trésors. La réflexion du Sato était logique venant de quelqu’un observant l’Anima de l’extérieur. Kasca pencha quelque peu sa tête de côté, sa longue mèche blanche coulant sur son bras. « Plus le fléau est puissant et plus on doit savoir maîtriser l’Anima. Et puis, ça dépend de l’envie de chacun… C’est un peu comme les invocateurs : si un Umino possède plusieurs fléaux, tu peux partir du principe qu’ils sont d’une puissance modérée. S’il a choisi un unique fléau, tu dois savoir qu’il sera très spécialisé, et donc très puissant. » Elle fit une pause dans sa réflexion, cherchant d’autres informations utiles à lui procurer pour satisfaire sa curiosité. « Moi, j’ai toujours voulu le serpent-dragon alors je n’ai jamais utilisé mon Anima avant lui. J’ai essayé une première fois de le soumettre et ça n’avait pas fonctionné : il m’a mis une sacrée raclée, je venais de rentrer à l’école de Kyoto… Je l’ai apprivoisé quelques semaines avant d’être transférée ici. C’est tout récent, finalement. » Elle caressa distraitement le pendentif où avait retrouvé refuge son fléau favori puis porta ses yeux clairs sur le visage de Daisuke, l’égarant sur les mèches encadrant son visage qui gouttaient encore. « Pour soumettre un fléau à l’Anima, il faut s’en montrer digne. Vous ne faites pas ça comme ça, chez les Sato, avec les utilisateurs de Noble Truth ? »

Ce que racontait Kasca était logique, après tout. On ne confie pas une dizaine de bombes nucléaires à chaque partisan d’un président. Il faut choisir entre plusieurs options, et on a le droit aux meilleures que lorsqu’on s’en montre digne. Il l’écouta attentivement, enregistra tout ce qu’elle avait à dire, avec plus de concentration qu’il n’en avait jamais eu pour autre chose. Il n’y avait sans doute qu’elle qui aurait pu le maintenir concentré sur un seul et même sujet pendant de nombreuses minutes. "Tu savais déjà ce que tu voulais. Tu l'as choisi et tu t'y es tenu. C'est une fidélité rare, et une amitié à préserver à tout prix. Tes convictions et ta maîtrise feront de toi l’une des plus grandes de ta famille, j’en doute même pas." Il se mit à regarder l’eau, se remémorant ses années au monastère, puisqu’au final, la suite de ses questions convergeaient tous vers le même point : ses années à s’entraîner là bas. "Noble Truth n'apparaît qu'au pif chez les successeurs du clan. Ou peut-être à ceux qui sont dignes, méritants et qui ont la mentalité adéquate pour l'avoir, selon les érudits du clan. A l'heure actuelle, je crois bien que je suis le seul à posséder le sort inné de la famille, sauf si on en a caché d'autres à ma connaissance. Après, je ne connais pas tous les Sato. En tout cas, y'en avait pas dans mon groupe, et je cherche pas spécialement à savoir si y'en a d'autres. J'en ai rien à foutre, en fait." Les jeux de pouvoir, très peu pour lui, mais il savait que s’il commençait à demander à rencontrer d’autres utilisateurs de Noble Truth, il allait s’y retrouver indéniablement mêlé. Enfin, ça deviendrait réel. Il était destiné à entrer dans la politique, s’il souhaitait devenir le chef du clan. Tout ne se réglait pas à coup de poing. Mais pour le moment, il préférait éloigner ça le plus possible. "On est nombreux, chez les Sato, aussi il y a des groupes de tout âge qui circulent entre les monastères. On ne reste pas toujours dans le même. J'ai pu m'entraîner dans des montagnes gelées, des forêts paradisiaques, dans des falaises frappés par des vents violents et une mer acharnée. Mais oui, je doute d'avoir vu tous les monastères du clan. Je ne saurais même pas les compter, même s'ils sont consignés dans les bibliothèques. Je te dois déjà cette visite dans l’un d’eux. Je t’en montrerai plusieurs. Je pense que tu aimeras énormément. Rien que pour peindre. Y’a des vues incroyables."

Et comme il l’avait sagement écoutée, elle fit de même jusqu’à ce qu’il eut fini de parler. Si elle passa sur les compliments comme elle ne savait comment y réagir, elle laissa son esprit s'enquérir de nouvelles questions, nombreuses, alors même qu’il parlait encore. Il disait être le seul à posséder le sort inné de sa famille, à sa connaissance du moins, et Kasca trouva cela étrange qu’on ne le mette pas au courant si tel était le cas. Un sort inné familial était un héritage précieux autour duquel se bâtissait le clan. Mais chez les Sato, tout semblait fonctionner si différemment. L’Umino nota néanmoins les mots utilisés, frôlant une agressivité sous note d’aversion, lorsqu’il évoqua ne pas s’intéresser plus que cela au sujet d’autres possesseurs potentiels de Noble Truth. Kasca réprima donc ses questions à ce propos, par respect et parce qu’elle pressentait -peut-être- une conversation houleuse si elle s’engageait là-dedans. Heureusement, Daisuke lui donna assez de matière pour qu’elle puisse faire disparaître la subtile frustration ressentie d'opprimer sa curiosité maladive. Elle haussa un sourcil d’abord lorsqu’il lui indiqua ne pas connaître le nombre exact de monastères Sato, mais finalement, ne fut pas plus surprise : elle le voyait rarement lire, et il n’était clairement pas un rat de bibliothèque comme elle pouvait l’être, cherchant à assouvir la moindre question soulevée par un esprit toujours trop actif. Un fin sourire étira les lèvres de Kasca à l’évocation d’une prochaine sortie, loin de l’école. « Quand tu m’en parles, tu décris des choses qui ont l’air incroyables mais c’est toujours en demi-teintes. » commenta-t-elle en plissant quelque peu ses yeux bleus. « Tu parles de cages aux fléaux, et de punition, d’années de supplice… C’est tout de même très différent de la manière dont tu parles des monastères en général, je veux dire, en termes de paysage. » Petite pause. « Je ne suis pas très claire, hein ? » Kasca soupira et étendit ses jambes en soulevant ses yeux vers le ciel, cherchant ses mots, sourcils froncés. Finalement, elle se recroquevilla de nouveau, genoux contre sa poitrine et jeta son regard dans celui de Daisuke. « Je vais sûrement aimer les paysages oui mais… Si j’ai envie de dépaysement, j’ai d’autres endroits où aller. En fait, le reste, c’est… Enfin… » Pensées trop abstraites, et l’idée s’échappait sans qu’elle ne puisse mettre le doigt sur ce qu’elle désirait exprimer. Elle tenta néanmoins, une dernière fois, peu habituée à être si peu claire. « Ce que je veux dire c’est que des fois, souvent, quand tu en parles ça donne un peu l’impression d’être le pire endroit où vivre au japon. Et tout en même temps, le meilleur. » Kasca fixa les yeux de son coéquipier, cherchant un signe de compréhension chez lui.
Daisuke Sato
Élève de 3ème année - Tokyo - Classe Semi 1
Daisuke Sato
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Puissance Occulte : 3202
Date d'inscription : 28/10/2023

Compétences
Hors-Exorcisme: Corps à corps - 700
Sort inné: Noble Truth - 700
Sorts Occultes: 1700
Daisuke Sato
Lun 8 Avr 2024 - 20:54
Daisuke l’écouta respectueusement, quand bien même elle avait du mal à mettre de l’ordre dans ses idées. Il n’allait pas la couper, ni même essayer de rechercher pour elle. Il connaissait Kasca, et si elle en avait envie, elle formulera ce qu’elle voulait à sa façon, au bout d’un moment, avec le temps que ça prendra. Et elle y parvint. En réalité, Daisuke avait très bien compris ce qu’elle avait voulu dire bien avant qu’elle ne se déclare pas très claire dans ses paroles, mais il l’avait laissé continuer pour qu’elle étale pleinement ce qu’elle ressentait. "Oui, je comprends ce que tu veux dire.” Il s’autorisa lui-même un instant, dissociant quelque peu en regardant la rivière en face de lui, pour exprimer du mieux possible comment il voyait les choses. "J'ai vécu l'enfer, comme beaucoup d'autres disciples, dans ce monastère. Les exercices demandés sont bien trop éprouvant pour des jeunes enfants, et ils sont peut-être pire encore pour ceux qui ont des sorts innés importants. Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités, tu vois, et là bas, les responsabilités on les inculque à coup de connaissance de la souffrance. Alors plus tu as du potentiel, plus tu morfles." Il se souvenait des cents coups de bâtons, des nuits entières passés dans la cage aux fléaux, de l’entraînement intensif dans le domaine et en dehors, face à la nature sauvage, sa nuque qui s’ouvrait presque sous la pression de la cascade, ses doigts nécrosés à force de trop rester dans le froid, sa peau parsemée de boutons de moustiques. Le Sato en avait vu plus d’une, oui. Plus d’une douleur. Rien d’étonnant à ce que des gosses gardent un esprit rebelle bien plus tard et souhaitent se venger, gardant un souvenir exécrable de toute cette période. "Certains te diront que ça forge. Et c'est peut-être vrai. Le vieux me l'a dit, je suis qui je suis à cause de ce que j'ai traversé. Je considère tous les Sato comme mes frères et sœurs à cause de ce qu'on a enduré, et je veux préserver les autres de ce que j'ai connu. Je pourrais presque dire à chacun que je sais ce qu'il ressent. Mais ce fut quand même une belle période de merde, et soit certaine que je changerai ça quand j'arriverai au pouvoir, parce que ça arrivera un moment ou un autre, peut-être plus tôt que ce que tu t'imagines " lâcha t-il en retrouvant le sourire et en regardant Kasca au plus profond de ses yeux. " Mais il n'empêche que même si les Sato ont corrompus la philosophie bouddhiste, elle exprimait autrefois et toujours en ceux qui regardent le fond de la religion des sentiments positifs. Sagesse. Compassion. Liberté. Bonté. Miséricorde. L'éveil. Les temples aux quatres coins du Japon sont à des endroits bien différents pour montrer la diversité du monde et tous les types de population qu'on doit toucher. Kannon dispose de 1000 bras pour aider tout le monde dans le besoin. Tous les temples représentent la beauté du monde, mais ceux qui inculquent les valeurs dans ces maisons sacrés l'ont oubliés. Le problème, ce n'est ni la philosophie, ni le lieu, c'est ceux qui y habitent et déforment les propos des textes à des fins malsaines et personnelles. Tout ça parce qu'ils ne savent pas enseigner, et parce que ça forge physiquement et mentalement ceux qui peuvent encaisser pour avoir dans leur rang des putains de soldats. Quand je serai à la tête de cette famille, il n'y aura plus de problème. Plus de nuages noirs entourant le monastère. Il n'y aura plus que des endroits où il fera bon vivre. Comme ce qu'il doit être." Il s’arrêta de parler, comprenant lui-même qu’il avait un peu -beaucoup- trop parlé. Il s’était presque laissé emporter, et écarquilla les yeux en fixant la rivière en s’en rendant compte. Mais Kasca lui avait posé une question, aussi ne voulait-il rien lui cacher. Pas de version courte, elle aurait dans son intégralité tout ce qu’il ressentait sur cet endroit. Et elle verrait, dans un jour proche, de ses propres yeux, ce qu’il voyait en ce lieu.

S’il comprit, elle l’observait d’autant plus qu’il marqua une pause avant de commencer ses explications. Il avait déjà fait ça, plusieurs fois, et Kasca savait maintenant que cela ne présageait que quelque chose qui lui tenait à cœur. Aussi fronça t-elle un peu les sourcils, un léger air presque soucieux flottant sur son visage à la peau pâle. Et il commença à parler, beaucoup. Le diamant des Umino l’écouta plus qu’attentivement, ses yeux clairs scrutant les expressions de son visage, suivant le ton de sa voix trahissant une aversion et des ressentiments profonds malgré qu’il tentait de parler posément. Il évoqua la façon dont étaient traités les enfants, et surtout les porteurs de sorts innés importants dont il faisait assurément partie en étant, elle l’avait deviné, l’héritier. Elle n’aurait pas cru, mais elle ressentit ce qui pouvait s’apparenter à de la compassion pour lui, alors qu’il évoquait sa place de choix dans le partage des souffrances au monastère. Pourtant, elle n’en fit rien, elle ne savait pas faire. Elle darda ses prunelles sur lui, plutôt, l’écouta encore. Il avait l’air de se perdre dans des souvenirs qui ne lui plaisaient pas, en témoignait le froncement de son visage encadré par les longues mèches de cheveux humides.
La suite la laissa un peu perplexe. Elle n’était pas tout à fait d’accord avec ce qu’il disait, du moins ce que lui avait dit son vieux comme il s’appliquait à l’appeler, et donc ce qu’il semblait croire. Certes, il y avait une part de vérité, mais donner raison à toutes ces années de torture uniquement parce qu’il, par miracle, semblait sur la bonne voie de l’Eveil ou elle ne savait quoi… c’était de la manipulation d’esprit, tout simplement. Pour le reste… Elle eut un haussement de sourcils. En tant qu’Umino, l’entendre proférer de tels projets de changer drastiquement le fonctionnement de son clan sonnait à ses oreilles comme un coup d’Etat. Si elle prévoyait de prendre la place d’Owari Umino, elle n’avait jamais pensé une seule seconde à modifier quoique ce soit dans le fonctionnement de la famille. Les castes étaient ainsi faites pour préserver l’Anima et la lignée du clan. Cela ne pouvait en être autrement. Et chaque Umino, naissant Umino possédant l’Anima, savait que son devoir était de faire perdurer la lignée, et d’assurer du mieux possible le pouvoir politique du clan. Aussi, on ne demandait pas moins que la perfection. Si c’était l’orgueil qui les menait, et s’ils étaient détestés de beaucoup, il n’empêchait que c’était le moteur de la famille. Kasca ne serait pas arrivée à son niveau si elle n’avait pas cherché coûte que coûte à rester dans l’élite de sa famille. Alors, lorsqu’il lui sourit et qu’il la fixa intensément, en continuant de critiquer les Sato, elle ne savait plus vraiment quoi en penser.
Leurs méthodes étaient certes largement améliorables mais… de là à vouloir profondément modifier l’essence de sa famille… Elle n’était pas certaine de le suivre et pourtant, il y avait du sens dans ce qu’il disait et si elle ne l’avait pas côtoyé ces dernières semaines, sa première réaction aurait été de lui rire au nez. Mais Kasca jugeait qu’elle le connaissait suffisamment maintenant pour se rendre compte qu’il avait extrêmement bon fond. Si elle était sceptique quant à sa vision de renverser sa famille, elle ne pouvait qu’être d’accord avec lui sur le fait qu’il fallait améliorer leurs méthodes d’apprentissage. Mais encore une fois, elle restait prudente. Elle n’y connaissait rien après tout. Les Sato, elle ne s’y était jamais intéressée jusque-là. Et pourtant, à présent, elle avait assez d’empathie pour que sa rage fasse résonner quelque chose chez elle sans qu’elle ne puisse comprendre pourquoi exactement. Kasca le regarda s’égarer de nouveau dans la rivière, alors qu’il se tut, visiblement surpris par le ton qu’il avait fini par employer. Elle ne savait pas quoi lui dire. Elle ne savait pas quoi faire non plus, et maladroitement décida tout de même de se rapprocher un peu pour coller son épaule et son bras contre le sien, couvrant le noeud de l’infini de sa propre peau où courait un filin noir et délicat, camouflé par sa veste. Elle resta silencieuse d’abord, laissant la tension du Sato redescendre. Puis finalement, se décida à peut-être éviter un sujet qui les amènerait sur une discorde tant ils pensaient différemment, pour rebondir plutôt sur ce qu’elle avait pensé plus tôt. « Si tu es devenu celui que tu es grâce à ce qu’ils t’ont fait endurer, explique moi pourquoi tous les Sato ne sont pas comme toi. » lança-t-elle d’abord, sa tête reposant sur ses bras pliés autour de ses jambes. « Moi, je crois que tu es profondément bon, et que c’est surtout ça qui t’a permis de traverser ces épreuves. » Elle fit une pause, guettant sa réaction. Elle n’était pas très douée pour les compliments, elle marchait encore un peu sur des œufs avec lui, parfois. « Tu as su garder le meilleur de leurs enseignements, et devenir un homme bon. Tu me le démontres tous les jours. Je ne crois pas que ce soit grâce à tout ce qu’ils t’ont fait endurer. Je crois qu’ils ont juste eu de la chance que leur héritier n’ait pas eu le caractère d’un Umino. » Elle le fixa, hésita quelques secondes avant de conclure. « Moi je les aurais fait brûler, à ta place, et je leur aurais accordé rien de moins que mille fois tout ce qu’ils m’auraient fait subir. » Kasca releva la tête et plongea ses yeux dans les siens. « Et toi, t’es là et t’es pas pyromane. Toi tu veux juste que tout le monde soit heureux. » Elle ne rajouta rien, son regard en disait déjà long, comme elle le laissait poser dans celui de Daisuke. A sa place, elle aurait pété un câble depuis longtemps.

Dire que Dai était surpris des mots de l’Umino était un euphémisme. Il faut dire qu’elle ne lui avait jamais exprimé aussi ouvertement son ressenti envers lui, et de ce qu’il était. Elle se contentait souvent de l’écouter, et s’il ne savait au départ pas vraiment ce qu’elle pensait, il avait fini par se faire à ce caractère calme et si introverti par rapport à lui. Il faut dire que beaucoup de gens semblent introvertis par rapport à lui. Mais Kasca ? C’était sans nul doute la première fois qu’elle lui partageait autant de bonnes ondes. Qu’elle essayait de le rassurer. Qu’elle l’estimait autant, finalement, et surtout, le lui dévoilait. "Il y a mon caractère, c'est sûr. Mais il y a aussi eu toutes les personnes qu'il y a eu sur mon chemin qui m'ont fait évoluer. D'autres sont mentalement plus fragiles, d'autres sont plus téméraires, d'autres sont plus impulsifs ... Je ne les considère pas comme moins "bons" pour autant. Ils sont le résultat de ce qu'ils ont endurés et traversés, ou au contraire le fruit d'une absence d'expérience. Ils peuvent être compris, et ils peuvent toujours apprendre" Il tourna la tête vers elle. Le reflet de la lune semblait faire scintiller son œil droit. Elle était magnifique, comme il l’avait toujours trouvé. Mais l’intérêt qu’elle lui portait en cet instant lui donnait un nouvel éclat, une nouvelle expression, qu’il ne connaissait pas, qu’il ne l’avait jamais vu emprunter chez personne. "Je te remercie, pour tes mots. Ils font toujours plaisirs, mais ils résonnent encore plus chez quelqu'un qui compte, comme je te le disais." Il ne pouvait pas sourire plus qu’il le faisait déjà, mais le ton de sa voix était déjà bien assez pour comprendre ce qu’il ressentait. "Tu m'as dit que tout le monde ne pourrait pas l'être, heureux, et j'en suis conscient. Mais prendre le contrôle de cette famille est un premier pas pour rendre ce clan au moins uni et sans souffrance. Alors je ne vais pas tout brûler, mais ça va remuer." Il aurait pu lui dire qu’il aurait aimé l’avoir à ses côtés, rien que pour le grabuge que ça allait être … Mais il n’allait pas en faire trop, surtout avant qu’elle voit les monastères où il souhaitait l’emmener. Il en mourrait d’envie, cependant, de le lui dire, ça, et bien d’autres choses. Mais il voulait y aller lentement, surtout que c’était la toute première fois qu’elle se montrait aussi conciliante. Il lui en dirait plus, là bas. Quand elle aura vu son monde de ses propres yeux. Quand elle se rendra compte réellement de ce qu’il lui expose. Il s’imagina, lui, en train de tout brûler, comme elle le lui disait. Beaucoup de Sato en rêvaient, à commencer par Asuma, le petit qu’ils avaient pris pour un punching ball parce qu’il était plus faible, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur, à tout ceux qui rêvaient de vengeance, les plus petits encore là bas à l’heure actuelle aux fléaux qu’ils ont engrangés par leurs conneries. Dai ne rêvait pas d’un incendie, il rêvait d’une révolte, d’un changement interne qui ferait trembler les murs du clan, un mur qui s’effriterait pour qu’on revienne aux fondations de la philosophie bouddhiste. Un clan plus compatissant, plus juste, plus sage. A bien y réfléchir … Arriver à un tel stade demanderait sans doute autant de spectacle qu’un beau feu d’artifice. "Et toi, y'a pas des choses que tu regrettes, dans ton clan ? Tu sais, je respecte le mien, énormément, comme je te l'ai dit, surtout la base et le fond de la philosophie qu'il essaie de perdurer, mais je pointe du doigt ses limites. Tu penses qu'il y aurait des trucs à changer, dans ta famille, pour un meilleur fonctionnement ? Ou y'a vraiment que chez les Sato que tout est cassé ?" C’était tout le tact possible dont Dai pouvait faire preuve. En soi, il ne connaissait que très peu les familles, ou du moins le strict minimum. Les Umino avaient leur réputation de grosse enflure arrogante. La moitié de ce qu’il tenait venait de tous les élèves et profs du lycée, l’autre venait de Toshiyuki, qui avait bien confirmé les propos de tous les autres. Mais il voulait voir comment Kasca voyait tout cela.

Mais il n’était vraiment pas possible… Kasca retint un soupir d’exaspération. Voilà qu’il balayait abruptement ce qu’elle avait exprimé à son propos, prétextant -encore- que s’il était ainsi, il s’agissait surtout du reflet de toutes les personnes qu’il avait croisé dans sa vie. Elle eut un mouvement léger de la tête, secouant sa mèche blanche qui portait des teintes d’argent sous la lune. Frustrée et agacée, elle en fronça ses sourcils et son petit nez, mais il enchaînait déjà, la remerciant finalement pour ses mots ce qui finit de la désarçonner. Elle détourna son regard polaire sur la rivière, fuyant le grand sourire qu’il lui offrait alors. Elle l’écouta tout de même s’avancer encore dans son objectif, le futur qu’il s’imaginait. Kasca, naturellement, darda de nouveau ses précieuses sur lui, pensive. Finalement l’observer alors qu’il dissociait quelque peu à son tour. Parfois lorsque cela arrivait elle se surprenait à vouloir lire dans ses pensées. Daisuke n’était pas quelqu’un de fermé, au contraire, il donnait plus que de mesure à tous ceux qui le lui demandait. Et si elle aurait pu être lassé par ce comportement solaire, qui l’agaçait pourtant au début, elle se retrouvait happée par le flot de son énergie, à toujours lui demander plus. Encore plus. Il donnait plus.
Et s’il glissa de nouveau son attention sur elle, ce fut pour lui renvoyer les mêmes questions. Kasca avait plutôt l’habitude qu’ils parlent de lui, plutôt que d’elle et de tout ce qui l’entourait. Aussi mit-elle un peu de temps à mettre de l’ordre dans ses idées, sans pour autant mettre le doigt sur des réponses exactes. Elle passa une main dans ses cheveux de neige, déliant les quelques nœuds que l’eau avait formé, délicatement. « Eh bien… » engagea-t-elle doucement, hésitante jusqu’à ce qu’un éclat singulier n’apparaisse dans le regard qu’elle lui lança. « Quand tu nais Umino, tu fais déjà partie de l’élite. La finalité, c’est juste d’y rester. Tu sais, on fait partie du cercle fermé des grandes familles de la société occulte. Tu parlais de responsabilités tout à l’heure… Il est de notre responsabilité de faire en sorte que notre famille brille dans le monde occulte. » Elle sourit doucement, distraitement. « L’orgueil c’est un moteur puissant. La compétition aussi. J’ai toujours été mise en concurrence avec mes cousins, et tous les autres maîtrisant l’Anima. On se doit d’être les meilleurs pour s’assurer de transmettre des bons gènes aux générations futures. C’est pour ça que c’est important de garder la lignée intacte. Déjà parce qu’on ne voudrait pas perdre l’Anima, c’est tout de même un sort occulte très puissant et actuellement au centre de toutes les attentions vu le contexte actuel. Et puis aussi… C’est pour le bien de la famille. Qu’est-ce qu’on deviendrait si on perdait de l’influence ? » Et voilà, c’était à son tour de trop parler. « Quand mon père est mort, j’ai hérité de la responsabilité de la position de ma branche familiale au sein du clan. Mon jeune frère ne possédant pas l’Anima, il n’y avait que moi -et pour le moment il n’y a plus que moi- qui peut influencer notre position. Alors je m’applique, tu vois. Pour le bien des miens. » Elle hocha la tête à ses propres propos. Oui, voilà, c’était ça. Elle prendrait la tête d’Owari, et celle des Umino, pour hisser sa famille au plus haut. En sécurité. « Il n’y a pas de place pour les faibles chez les Umino. Si tu l’es, alors tu n’es juste pas digne de porter notre nom. » Kasca conclut ainsi, d’un petit sourire qu’elle lui lança.

Le simple fait de replacer ses cheveux le fit fondre. Elle était attirante, intéressante, curieuse, largement plus passionnée et captivée une fois qu’on perçait sa carapace. Mais elle était toujours aussi endoctrinée par les préceptes de sa famille. Daisuke s’en rendit compte rapidement rien qu’à ses paroles, et l’enthousiasme qu’elle avait à dire des choses qui n’avaient finalement aucun sens. Qui entrait en contradiction totale avec son caractère. Avec son être, au fond d’elle. Oh, de l’extérieur, elle faisait sans doute une parfaite Umino, une copie conforme de ce qu’ils souhaitaient faire d’une femme du clan. Mais il avait vu depuis le premier jour son vrai visage, et depuis quelques temps, il le voyait à chaque fois qu’il la regardait. Elle lui parlait de responsabilité, mais quand il lui avait parlé des siennes, il avait bien montré que les responsabilités que voulaient faire passer les Sato dans le crâne de leur disciple à coup de cravache, ce n’était finalement pas la bonne méthode. Il lui avait dit clairement que les responsabilités qu’on lui inculquait, il n’en avait rien à faire. Les responsabilités, il se les créait lui-même, et il agissait selon son propre code, pas celui qu’une famille qui l’avait battu pendant des années lui aurait dicté. Elle n’était pas allée jusqu’au fond de son raisonnement. Cette fois, ce fut au Sato de froncer les sourcils sur ce qu’elle avait à dire, et ça n’allait pas en s’arrangeant. Malgré tout, il ne voulait pas la brusquer comme tout à l’heure avec Zenzo. Il avait confiance et foi en elle, et de cette manière, il savait qu’elle se rendrait compte, d’une manière ou d’une autre, de la contradiction totale qu’ils représentaient pour elle. Entre ce qu’elle voulait être réellement et ce qu’on l’obligeait à devenir. Elle lui parla de la compétition, entre ses cousins, et de ce que le clan attendait d’elle. Est-ce que sa famille avait craché sur la mort de son frère, lorsqu’elle était partie en mission avec lui ? Est-ce qu’ils lui avaient tous dit qu’il ne valait rien, et que son sort était normal, en temps que faible ? Etait-ce pour ça qu’elle avait du mal à montrer ses émotions ? Daisuke avait beau être naïf, mais seulement avec son discours, le puzzle commençait à se mettre en place. Oh, Kasca était une personne formidable, oui, il n’en avait jamais douté. Mais comme les Sato corrompaient la philosophie bouddhiste, les Umino restreignaient et corrompaient leur plus beau diamant. L’héritier des Sato le comprit bien vite, et une colère sourde commença à s’insinuer en lui. Contre leur famille. Contre leur système. Mais alors que son sentiment s’intensifiait peu à peu, il tenta de garder le contrôle. Pour garder un détachement. Une vue d’ensemble. Tout pouvait être compris. Et avec la connaissance et la sagesse, vient la résolution. ”C'est à moi d'être perplexe, maintenant.” Pour le coup, il avait vraiment du mal à trouver ses mots. Mais il ne bégaya pas. Il était dans une conversation sérieuse, et loin du Daisuke qui déblaterait autant pour alimenter une conversation, il essaya de trouver les mots justes, des mots qui ne blesseraient pas, des mots qui résonneraient en elle sans qu’il ait besoin d’être brusque. ”Je me suis toujours dit que je rendrais fier ceux qui m'aiment, et ceux que j'aime, surtout ... Où qu'ils soient. Mais je les rendrait fier pour ce que je suis, et ce que j'ai décidé d'être. Pas pour le chemin qu'ils ont établi pour moi. Et s'ils ne le sont pas, j'aurais donné mon max, en restant fidèle à moi même. Et pour ça, je pourrais être fier de moi, et c'est le principal. Je regarderai le chemin parcouru, sans regret ni remords, parce que j'aurai fait tout ce qui m'est possible en me respectant moi, à l'intérieur, et pas ce qu'on attends de moi.” “Je suis Dai, j’ai été fait grâce à ceux que j’ai rencontré, au mental que je me suis forgé, au chemin que j’ai emprunté. Et s’ils ne m’estiment pas digne d’être un Sato, je les emmerde, tous autant qu’ils sont.” Il aurait pu le dire de cette manière, mais pour une fois, il garda son tact. Parce que pour le coup, ce serait sans doute trop brusque. C’est une phrase qu’elle ne pourrait pas comprendre. Pas encore. Il finira par lui dire. Peut-être au monastère. Peut-être pendant une sortie. Peut-être en plein combat, quand la flamme qui l’anime s’éveillera là où il se sent le plus vivre. Peut-être que ça sera une phrase qu’il lâchera à la fin d’une mission comme il le fait souvent pour remotiver les troupes ou amuser la galerie. Il lui dira, un jour. Et il doutait que ce soit trop tard quand il espérait qu’à ses côtés, elle s’en rendrait compte elle-même sans qu’il n’ait à prendre la parole. Il avait ainsi parlé, sans s’en rendre compte, en tapant parfois du poing sur son propre cœur, pour essayer de faire sortir ce qu’il pensait, chaque mot semblant sortir de son âme. Il aurait pu parler du fonctionnement de son clan. Que les “faibles”, les non exorcistes, subissaient tout de même un entraînement similaire et qu’ils pouvaient enseigner quelques traditions provenant des Satp à d’autres non exorcistes, dans des dojos financés par le clan et autres institutions visant à apaiser l’esprit. Mais il ne se concentrait que sur elle. Parce qu’en ce moment, il n’y avait qu’elle qui comptait. Mais s’il n’y avait plus de mots qui sortaient, pour le coup, il l’a regardait avec une vivacité nouvelle, et un espoir flamboyant qu’elle comprenne le sens de ces quelques mots. Et si ce n’était pas le cas, qu’elle s’en imprègne, pour qu’ils ressurgissent à un moment opportun.

Kasca haussa un sourcil et son sourire se fana aux premiers mots qu’il lui répondit. Comment ça, perplexe ? Elle n’avait pas été assez claire ? Pourtant, elle venait de lui faire toute une leçon sur la façon d’être des Umino. Peut-être qu’il lui fallait encore d’autres explications, et qu’elle devait trouver un autre moyen de faire passer son message. Elle l’observa hésiter, avançant quelque peu son visage vers lui comme elle ne comprenait pas son soudain changement d’attitude à son égard. Qu’avait-elle fait, qu’avait-elle dit ? N’était-ce pas là ce qu’il lui avait demandé ? Après tout, c’était lui qui avait posé les questions, elle n’avait fait qu’y répondre, pour une fois. Elle lui avait ouvert des portes là où nul autre n’était allé. Légèrement inquiétée, elle attendait avec une pointe d’anxiété qu’il se décide à parler, cherchant un point d’appui dans le regard du Sato. Et ce qu’il lui dit ensuite n’avait pas plus de sens à ses yeux. Elle recula quelque peu et si elle s’était précédemment avancée vers lui, elle imposa le double de distance. Elle ne comprenait pas. Pourquoi il lui disait ça ? Et pourquoi il la regardait comme ça maintenant, surtout ? Kasca cligna des yeux, un air vraiment soucieux sur son visage. Elle en arriva simplement à la conclusion qu’il ne pouvait pas comprendre puisqu’il n’était juste pas Umino. Et là tout d’un coup, elle se sentit si éloignée de lui. Il y avait entre eux une barrière invisible, qui les maintenait chacun enfermé dans leur propre univers. Lui, chez les Sato, et bien incapable de comprendre l’essence des Umino. Elle, fière Umino, qui n’arrivait pas à se faire entendre. Kasca soupira, doucement, détournant les yeux du brun. « Je ne sais pas pourquoi je m’attendais à ce que tu comprennes. » lâcha-t-elle d’abord, un peu refroidie. « Et finalement, ironiquement, de nous deux c’est toi le plus égoïste. » Les yeux polaires revinrent s’accrocher à ceux de Daisuke. Aucune agressivité à l’horizon, elle avait dit ça sur le ton du simple constat, et n’élabora pas plus sa pensée. Kasca se leva, mettant un terme à la conversation. Si elle glissa d’abord son regard sur la rivière, elle tendit ensuite sa main à son coéquipier, un léger sourire étirant ses traits. « Il faut songer à rentrer, maintenant. » Quand bien même elle aurait certainement pu passer toute la nuit dehors avec lui, ce n’était pas raisonnable au vu des prochains jours qui l’attendaient.

Elle ne comprenait pas. Pas pour l’instant. Au fond, Daisuke avait cru qu’elle aurait pu réaliser ce qu’il voulait lui faire assimiler. Mais il savait aussi que c’était encore bien trop tôt. La carapace de Kasca ne s’était pas construite en un jour, et lui faire changer drastiquement d’avis sur une famille qu’elle voyait avec des yeux accoutumés à leurs dérives ne se ferait pas non plus en une soirée. Elle recula, marquant une distance qui séparait aussi bien physiquement que spirituellement les deux exorcistes. Pour elle, tout du moins. Daisuke était persuadé qu’un tel éloignement ne durerait pas. En fait, il était sûr qu’il n’existait que pour l’Umino. Comme le nœud de l’infini l'illustrait, en soi, ils étaient déjà connectés. Ils étaient déjà ensemble. Il fallait juste persévérer, travailler le diamant, pour qu’il scintille de mille feux. Lorsqu’elle fit part de son égoïsme, il eut tout de même un rictus. Est-ce qu’elle croyait qu’il ramenait tout à lui ? Qu’il ne voulait pas la comprendre ? Qu’il ne se sacrifiait pas pour sa famille, et que ça en faisait quelqu’un de détestable ? Non, la dernière supposition était une erreur. Elle lui avait dit le plus sincèrement du monde qu’il était quelqu’un de bon. Il laissa tout de même sa réplique énigmatique de côté, laissant ce mystère pour plus tard, quand il aurait tout l’occasion de réfléchir seul. Il aurait voulu rester là, continuer de parler toute la nuit. Mais ce n’était pas la volonté de l’Umino, qui se voulait plus sage que lui. Elle l’avait toujours été et restait fidèle à elle-même. Il saisit sa main et se releva, en se consolant sur le fait qu’il aurait toute la route du retour pour lui parler d’autres choses plus réjouissantes, et au final, rester encore un peu plus en sa compagnie.
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